J'ai lu et aimé :" La Police ne peut plus rien pour vous" - De Maurice Signolet

Après 40 ans de carrière, l’ancien commissaire divisionnaire Maurice Signolet publie, aux éditions L'Artilleur, un essai percutant et bien renseigné sur l’état actuel de notre police nationale. "La Police ne peut plus rien pour vous" est un livre sans langue de bois, un livre coup de poing, un cri d’alarme. Il y dresse un constat glaçant : la police française, minée par la bureaucratie, les réformes idéologiques et l’abandon politique, est désormais incapable de protéger les citoyens.


Le commissaire divisionnaire Maurice Signolet a été policier pendant quarante ans. Il a gravi un à un tous les échelons, depuis le poste d’inspecteur à la PJ jusqu’à celui de divisionnaire.

Dans ce livre, il ne raconte pas ses « grandes affaires », ses arrestations spectaculaires ou autres faits d’armes à sa propre gloire.

Au fil de souvenirs éloquents, il passe plutôt au peigne fin l’histoire récente de la police nationale telle qu’il l’a vécue de l’intérieur et il montre comment et pourquoi, à coups de «réorganisations» démagogiques, de « simplifications » qui ne font qu’abaisser le niveau et « d’évolutions des conditions de travail » sous la pression de syndicats tout-puissants, la police française en 2025 est totalement débordée, noyée, empêchée de mener à bien ses missions les plus urgentes.

A l’heure où les mafias n’hésitent pas à corrompre des pans entiers du pays, un livre sans langue de bois et courageux, un cri d’alarme pour la protection des Français.

La police ne peut plus rien pour vous - Le site des éditions de l'Artilleur

Entretien avec Maurice Signolet, commissaire divisionnaire honoraire
Par Anne Lejoly

Causeur. Votre livre s’intitule La police ne peut plus rien pour vous, un titre fort. Qu’est-ce qui vous permet d’avancer cela ? Et pourquoi avoir écrit ce déprimant brûlot ?

Maurice Signolet. Je suis un ancien commissaire divisionnaire, aujourd’hui à la retraite, après quarante ans passés dans la police. J’ai commencé comme inspecteur de police, puis j’ai gravi les échelons : inspecteur principal, inspecteur divisionnaire, commissaire, commissaire principal… J’ai exercé principalement en police judiciaire, mais aussi en sécurité publique. Aujourd’hui, je suis un homme retraité, marié – depuis longtemps ! –, père de trois enfants et grand-père de six petits-enfants. Et j’ai voulu écrire ce livre pour raconter ces quarante années de service. Ce n’est pas juste un métier, c’est une vie. C’est un engagement quotidien. Mon objectif était de montrer, de l’intérieur, le quotidien d’un policier : ce qui se passe derrière la porte d’un commissariat, d’une brigade de PJ… Je pense que c’est un univers qui reste encore méconnu du grand public.

Selon moi, l’institution policière s’est profondément dégradée en quarante ans. Ce n’est pas seulement la faute des policiers, bien sûr. Il y a eu une accumulation de réformes – du Code pénal, du Code de procédure pénale, des structures administratives… – qui ont profondément modifié la sociologie policière. Le métier que j’ai connu en entrant dans la police n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il est devenu aujourd’hui.

Causeur. Et vous affirmez que les forces de l’ordre sont désormais désarmées face à la réalité du terrain. Qu’est-ce qui vous permet de poser un constat si sévère ?

On parle beaucoup aujourd’hui d’un « ensauvagement » de la société. Ce n’est pas un mot vain. Il y a eu une véritable transformation sociologique : la violence s’est banalisée, la délinquance d’appropriation a explosé, et l’autorité n’est plus respectée comme elle l’était autrefois.

Quand je suis entré dans la police, la délinquance était marginale. On entrait dans ce métier un peu par romantisme, pour faire des enquêtes, jouer au commissaire Maigret… On vivait à la frontière entre deux mondes : la normalité et la marginalité. Mais aujourd’hui, la violence est omniprésente dans la société française. Les policiers peuvent être régulièrement pris à partie, agressés. Et ce qui était exceptionnel est devenu la norme.

«La police ne peut plus rien pour vous…» - Causeur

« La police ne peut plus rien pour vous » : l’ancien commissaire Maurice Signolet brise le silence.

Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?

J’ai eu « une vie de policier ». J’insiste sur ce point car rares sont ceux qui peuvent associer l’engagement d’une vie sans le corréler à un métier, une profession. Je pense que quiconque s’engage dans une voie qui touche l’humain ne peut se départir de ce nécessaire engagement personnel qui mêle l’émotion au travail, la considération de l’autre à son quotidien. Sinon, je suis marié depuis 51 ans, père de trois enfants et grand-père de six petits enfants !

Breizh-info.com : Monsieur SIGNOLET, vous avez gravi tous les échelons de la Police Nationale. Pourquoi avoir choisi de publier aujourd’hui ce que vous présentez comme un cri d’alarme? Était-ce votre devoir, votre colère, ou les deux ? Pourquoi avoir attendu la retraite pour parler de quelque chose d’aussi grave ?

De façon très pragmatique, tout fonctionnaire de Police, et encore plus s’il fait partie de la haute hiérarchie, est tenu à un devoir de réserve très strict tout au long de sa carrière. A ce titre, il ne doit en aucun cas s’en départir, au risque d’encourir des sanctions disciplinaires. Il est même interdit à un commissaire de Police de se présenter à une quelconque élection. La retraite est, à bien des égards, libératrice, mais surtout elle vous délie de ce « devoir de réserve ». Elle confère en outre une légitimité à s’exprimer au regard de l’expérience, du vécu sur le temps long. Pour ma part, 40 ans d’exercice me semblent une référence de crédibilité.


Maurice Signolet : «En trente ans, nous sommes passés d’une justice de l’acte à une justice de l’auteur»
Par Julian Herrero

ENTRETIEN – Maurice Signolet est un ancien commissaire divisionnaire. Il a travaillé au sein de l’institution policière pendant quarante ans et publie un ouvrage La police ne peut plus rien pour vous (L’Artilleur, 2025). Dans un entretien accordé à Epoch Times, il revient sur son parcours et décrypte l’actualité.

Epoch Times : Vous avez opté pour un titre « choc » pour votre ouvrage. Pourquoi ?

Maurice Signolet  : J’ai effectivement choisi un titre provocateur. Pour autant, mon but n’est pas de remettre totalement en cause l’institution policière et de dire que tout est perdu. J’ai simplement voulu avertir le grand public sur le fait que la sociologie policière a diamétralement changé ces quarante dernières années tout en relatant ma carrière. C’est au lecteur de décrypter, à travers ma vie de policier, ces changements sociologiques et organisationnels qui ont impacté l’institution policière.

Epoch Times : Ce changement sociologique fait qu’aujourd’hui la police est moins efficace ?

Exactement. La police a évolué en même temps que le reste de la société et n’a pas échappé à ses dérives : l’individualisme, l’hédonisme et le manque de respect vis-à-vis de la hiérarchie.

En même temps, de profondes réformes de l’institution, mais aussi du code de la procédure pénale ont grandement entravé l’efficacité de la police.

Epoch Times : Vous parlez de réformes. La baisse des effectifs de police engagée sous Nicolas Sarkozy a-t-elle lourdement impacté l’institution policière ?

Ce n’est pas celle qui a le plus obéré les capacités de travail des policiers. La réforme des corps et carrière de 1995, souvent oubliée, a été beaucoup plus pénalisante. Le corps des inspecteurs de police, fort de ses 25.000 fonctionnaires a été supprimé. Il a été fusionné dans le corps des gardiens de la paix pour des raisons économiques.

En même temps, le corps des commissaires de police a été réduit de moitié et les gardiens de la paix se sont retrouvés à devoir effectuer un panel complet de missions, allant de la circulation routière à l’antiterrorisme.

Les conséquences de ces changements furent absolument dramatiques tant sur le plan qualitatif qu’organisationnel. Les gardiens de la paix ont une culture ancestrale de la récupération horaire. Ils font des vacations.

Mais si vous leur demandez de faire du renseignement et de l’investigation, des millions d’heures supplémentaires doivent être payées ou récupérées.

Ces heures supplémentaires ne révèlent pas un investissement démesuré, mais aujourd’hui, la hiérarchie policière est dans l’obligation de comptabiliser des heures qui ne l’étaient pas à l’époque du corps des inspecteurs de police.

Epoch Times : Vous avez rejoint la brigade des stupéfiants de Paris en 1990. « Personne ne mesurait l’expansion de la consommation de produits stupéfiants et ce qui en découle de manière exponentielle : le trafic », écrivez-vous. C’est-à-dire ?

La lutte contre le trafic de stupéfiants était perçue comme quelque chose de marginal. N’oublions pas que dans les années 1960-1970, la consommation de drogue était extraordinairement discrétionnaire. Elle ne concernait qu’un public très réduit notamment issu du monde du spectacle.

D’ailleurs, à Paris, il n’y avait pas de brigade des stupéfiants, mais seulement une brigade mondaine dans laquelle travaillait un petit groupe en charge de la drogue.

À l’époque, on disait même que le fichier des toxicomanes « tenait dans un carton à chaussures ». Les temps ont bien changé. Le trafic de stupéfiants est un sujet qui concerne l’ensemble de la société aujourd’hui.

Mais il y a eu un premier glissement de la délinquance au cours des années 1970. Nous sommes passés d’une délinquance d’appropriation avec des cambrioleurs ou des braqueurs à une délinquance de trafiquants de drogue.

Au départ, le banditisme traditionnel et des organisations comme la French Connection se sont emparés de ce trafic. Contrairement à aujourd’hui, le travail était plus aisé pour la police : elle bénéficiait de beaucoup de moyens d’investigation comme le recours aux informateurs et il n’y avait pas des sanctuaires de vente dans les cités. La vente de ces produits se faisait dans des endroits dans lesquels la police pouvait intervenir à l’instar des cabarets ou des boîtes de nuit.

À la fin des années 1990, la délinquance a muté une fois de plus. Les grands bandits traditionnels ont été remplacés par des délinquants issus de l’immigration et la tâche est devenue nettement plus ardue pour les policiers.

Il fallait désormais se rendre dans des cités à l’architecture labyrinthique pour arrêter les trafiquants et faire face à une nouvelle population qui pouvait prêter main forte à ces délinquants. Ces cités sont devenues des foyers de délinquance énormes sur lesquels la police n’a plus réellement de prise.

Epoch Times : La France est aujourd’hui en proie à un narcotrafic sur-développé. Comment jugez-vous la manière dont l’État tente de l’affaiblir ?

Je vois bien que le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux se rendent compte de la gravité de la situation et cherchent à changer de paradigme.

La création de prisons spécifiques pour surveiller les grands narcotrafiquants va dans le bon sens, mais ce n’est pas suffisant.

En trente ans, nous sommes passés d’une justice de l’acte à une justice de l’auteur dans laquelle on prend en considération le profil de l’auteur avant de le sanctionner.

À cela s’est ajouté une évolution du code de procédure pénale qui a largement complexifié le travail des policiers.

Nous devons rattraper quarante ans de dérives.

Epoch Times : Et le manque de coopération internationale demeure une problématique…

Oui, et les pays producteurs, que ce soit en Amérique latine ou ailleurs, vivent de ce trafic. Il faut savoir que les cartels de Medellín et de Bogota en Colombie, pour ne citer qu’eux, font en partie vivre la population. Il va donc être extrêmement difficile pour la France de coopérer davantage avec ces États.

Maintenant, nous pourrions également lancer une réflexion sur la consommation de stupéfiants. S’il n’y a pas de consommateurs, il n’y a, par définition, pas de trafiquants.

Je pense que la vision que nous avons des toxicomanes doit changer. Il ne faut plus les considérer seulement comme des personnes victimes d’addictions. Ils sont aussi des individus dans l’illégalité qui commettent parfois l’irréparable, comme le comédien Pierre Palmade.

D’ailleurs, j’observe qu’il a été libéré sous bracelet électronique après avoir passé seulement six mois derrière les barreaux. Ce n’est pas ce que j’appelle de l’exemplarité.

J’espère que dans le milieu du cinéma et du spectacle, où la consommation de drogues est encore légion, il y aura une sorte de mouvement MeToo qui puisse faire changer les comportements.

Epoch Times : Ces derniers jours, plusieurs établissements pénitentiaires ont été attaqués. Des véhicules ont été incendiés et certaines prisons ont été visées par des tirs à l’arme automatique. Emmanuel Macron a réagi et a promis que les auteurs de ces violences seront « retrouvés, jugés et punis ». Que vous inspirent ces tristes événements ? De quoi sont-ils révélateurs ?

L’enquête est toujours en cours, il faut rester prudent. Cependant, je ne peux m’empêcher, en analysant ces attaques, de penser à ce que pouvait faire le groupe terroriste communiste Action Directe dans les années 1970-1980.

Par ailleurs, il n’est pas exclu que ces actes de violence contre des centres pénitentiaires soient le résultat d’une association entre des mouvements d’extrême gauche revendicatifs et le monde du narcotrafic.

L’un comme l’autre pourrait y trouver leur compte : lutter contre la politique du gouvernement.

Si cette collusion entre des narcotrafiquants et des groupes d’extrême gauche eux-mêmes manipulés par des mouvements moins extrémistes qui ne se seraient pas rendu compte de la portée de leurs actes, était avérée, on courrait vers le drame.

EXTRAITS DU LIVRE DE MAURICE SIGNOLET

Préambule - Le besoin de témoigner

Après quarante années passées au sein de l’institution policière, je me suis interrogé sur la pertinence de témoigner par écrit. Nombre d’anciens collègues se sont déjà prêtés à l’exercice, très souvent en mettant l’accent sur leur implication dans des affaires criminelles à fort écho médiatique. Je dois bien l’avouer, je ne souscris guère à cette démarche que je trouve parfois déplacée. La pudeur est, à mon sens, le gage de la respectabilité, et la discrétion en est souvent sa meilleure expression. Le décalage entre ce que j’ai ressenti au cours de ma vie professionnelle et ce qu’expriment ceux qui ont connu un parcours similaire est tel qu’il risque inévitablement de provoquer l’incompréhension, le déni, voire la raillerie.

J’en étais à ce stade de mes réflexions quand un fait divers tragique fit la une de tous les médias : les viols de Mazan, commis par un prédateur sexuel sur sa propre épouse. L’ignominie était patente, mais, en ancien policier, ce n’est pas ce qui orienta ma réflexion. À l’énoncé de l’affaire, on comprenait que ce fait divers monstrueux n’aurait jamais pu être dévoilé si un « obscur » gardien de la paix, au fond d’un petit commissariat de province, n’avait pas fait preuve d’esprit d’initiative et du sens du service. Soyons clairs, un individu soupçonné de photographier sous les jupes des femmes, dans le meilleur des cas, aurait fait l’objet d’un rappel à la loi, au pire d’une simple main courante. Mais là, ce gardien de la paix, à cinq ans de la retraite, a été plus loin. Il a vu que l’individu utilisait Skype. Il a cherché les connexions et découvert l’impensable. Dès lors, en poursuivant consciencieusement ses investigations, en lançant une perquisition, la saisie des ordinateurs et en élaborant seul une grosse procédure, il allait permettre la mise au jour de l’une des plus grosses affaires judiciaires de ces trente dernières années. J’imagine l’étonnement de sa hiérarchie, et même du parquet ! Le déferlement médiatique s’est poursuivi jusqu’au prononcé des peines, le président de la République lui-même « tweetant » un commentaire élogieux à l’égard de la victime. Mais, pour ce gardien de la paix, pas d’éloge, pas même une mention, alors que, sans lui, jamais cette affaire n’aurait été révélée.

C’est pour ce gardien de la paix, qui symbolise à lui seul tout ce à quoi j’ai cru tout au long de ma carrière, que je me suis décidé à livrer mon témoignage. Il faut que des hommes comme lui redeviennent des exemples, ce qui manque tant à l’institution policière aujourd’hui. Leur rendre hommage m’est apparu nécessaire. À l’inverse, l’organisation de l’institution, sa hiérarchie ou l’évolution de sa sociologie doivent être appréhendées avec un regard critique tant ils peuvent être source de désengagement, d’inefficacité, voire de toxicité. Face à la grave hausse de l’insécurité que la France connaît, il peut être intéressant de montrer la réalité de la police. On comprendra alors pourquoi, malheureusement, la police ne peut plus rien pour vous.

Je vais dire comment j’ai assisté à la lente dégradation de cette belle institution. Je ne raconterai pas de grands faits divers, de glorieuses affaires criminelles. J’évoquerai simplement le quotidien policier, celui qui ne fait jamais l’objet de la une de l’actualité.



Notre quotidien de policier est « l’extraordinaire des autres ». À ce titre, on ne vit pas comme les autres, on ne pense pas comme les autres. Le Code de procédure pénale et la hiérarchie administrative sont, certes, nos cadres d’action, mais la charge émotionnelle, la mort côtoyée, les blessures du corps et de l’âme, les violences, le mal, le vice, nous transforment, nous façonnent. On pourrait penser que ce métier est dévastateur pour celui qui l’exerce. Il n’en est rien. Il suscite, au contraire, l’émergence de talents que l’on trouve dans peu d’autres métiers ou fonctions. Car une police efficace, c’est une police du talent. Certes, avec ses zones d’ombres, ses personnalités hors du commun, mais aussi ses personnages respectés. Être policier, selon moi, peut se résumer à deux choses : se sentir concerné et responsable. Il y a encore quelques années, l’institution policière était la projection d’une société ordonnée où la soumission à des règles et à des convenances n’était pas remise en cause. Ne pas s’y conformer, c’était affronter l’opprobre du plus grand nombre, mais, également, en accepter toutes les conséquences.

La marginalité des exactions permettait à la réponse policière de chevaucher les deux mondes, celui de la loi et celui du désordre. La littérature et le cinéma ont su retranscrire cette « schizophrénie policière ». Mais il n’y a plus guère aujourd’hui que les séries télévisées et les romans policiers pour entretenir le mythe du policier motivé.

Tout l’intérêt du métier de policier résidait dans une certaine idée du dévouement, quel que soit le niveau hiérarchique. Seul le talent permet l’intensité, la profondeur, la densité d’une action. Malheureusement, on ne fait plus « de la police », mais « des actes de police ». La nuance est d’importance. Le lissage technique qu’a connu l’institution policière depuis plusieurs décennies a abîmé ce qui faisait la raison d’être de ce métier : l’investissement personnel et la capacité à s’émouvoir.



La sociologie policière actuelle est une caricature assez triste de celle des générations qui l’ont précédée. Si les structures opérationnelles présentent des similitudes, elles ne sont qu’apparences. Sans jamais se remettre en question, sans jamais s’interroger sur ses imperfections, l’institution n’a eu de cesse de s’inscrire dans une spirale de revendications, voire de mettre en cause des acteurs périphériques, comme la justice, pour s’exonérer de ses dysfonctionnements.

Je déplore que l’institution policière soit devenue un lieu où les aspirations individuelles des uns et des autres passent souvent avant le bien commun. On ne s’adapte plus à la mission, on adapte la mission. Les plus humbles chercheront des niches hédonistes, les mieux placés dans la hiérarchie viseront les parcours carriéristes les moins risqués et les plus rémunérateurs. Une hiérarchie d’obéissance qui exonère s’est substituée à une hiérarchie de compétence qui oblige, légitimant, par l’effet papillon, toutes les dérives revendicatives des subordonnés.



Rien ne me prédisposait à devenir policier. Dernier enfant d’une fratrie de six, j’ai connu la solitude de ces familles nombreuses qui vous font disparaître sous le poids des aînés. L’identité se façonne au gré des rêveries solitaires où le seul ami n’est bien souvent que soi-même. On développe alors son imaginaire.

Je ne voulais pas gagner ma vie, mais réussir ma vie. Est-ce le hasard, l’influence de lectures, d’œuvres cinématographiques qui m’ont fait passer le concours d’inspecteur de police ? Je ne pourrais le dire. La conjonction de toutes sortes de petits faits a certainement contribué à ce choix improbable. Certains événements ont, peut-être, cristallisé cette vocation, sans que j’en sois vraiment conscient. Je pressentais cependant, de façon confuse, que les faits divers étaient bien souvent des faits déterminants. Il me semblait que le métier de policier présentait ce rare privilège de toucher à l’intime et impliquait un quotidien hors du commun, une aventure de l’instant, une vraie intensité.


Maurice Signolet