J'ai lu et aimé : "Mineurs violents, Etat inconsistant" - Par Mauirce Berger

Pédopsychiatre, spécialiste des enfants hyper violents, Maurice Berger vient de publier un ouvrage (« Mineurs violents, État inconsistant », Editions L’Artilleur) qui a l’immense mérite, non seulement d’expliquer parfaitement l’origine du problème de la violence chez les mineurs mais aussi d’indiquer les remèdes à apporter à ce drame collectif. La violence chez les mineurs en France n’est pas un basculement soudain mais un accroissement prévisible, exacerbé par des idéologies et un déni institutionnel, explique le pédopsychiatre, qui appelle à une révolution judiciaire, avec application immédiate de courtes peines afin d'enrayer l’escalade de la violence chez les jeunes.


Jamais une telle situation ne s’est présentée dans l’histoire de notre pays : une hausse dramatique des actes violents commis par des mineurs et une réponse pénale de plus en plus faible.

Pourquoi la situation actuelle est si grave ? Pourquoi en est-on arrivé là ? Quelles solutions peut-on envisager ?

Telles sont les questions qu’aborde le docteur Maurice Berger, après 35 ans d’expérience en pédopsychiatrie dédiée aux mineurs violents.

Il constate à quel point le refus de prendre en compte le savoir dont nous disposons concernant le fonctionnement psychique individuel et familial des mineurs violents actuels a entravé, et entrave toujours la prise de conscience de la gravité du problème. Sans cesse, l’idéologie empêche de regarder le réel, nous le payons maintenant et cela risque de devenir un danger national hors de contrôle

Après avoir travaillé dans un Centre éducatif renforcé (CER) recevant des mineurs violents placés judiciairement, le docteur Berger est actuellement consultant dans une structure spécialisée dans l’accueil d’adolescents dits « incasables » car ayant mis en échec les autres institutions.

Il exerce aussi « de l’autre côté de l’agression », dans un service de réadaptation fonctionnelle recevant, entre autres, des victimes de violences.

Il a publié de nombreux ouvrages, dont récemment Sur la violence gratuite en France (L’Artilleur).



EXCLUSIF - Le Figaro Magazine publie des extraits du livre du pédopsychiatre.

Les constats se suivent et se ressemblent : les mineurs délinquants sont de plus en plus nombreux, jeunes et violents. Face à un phénomène que le Dr Maurice Berger, après plus de trente-cinq ans d’expérience, décrit comme bientôt « hors de contrôle », le déni continue de régner. Au point que le service statistique du ministère de l’Intérieur ne fournit même pas de données permettant de l’évaluer correctement, comme le déplore le rapport d’information publié par le Sénat en 2022 et intitulé « Prévenir la délinquance des mineurs. Éviter la récidive ».

Le mineur violent n’a pas forcément affaire à la justice, mais quand c’est le cas, elle se montre trop souvent dépassée. La faute à « une idéologie qui empêche de regarder le réel », accuse le pédopsychiatre, dont le nouvel ouvrage fourmille de cas qu’il a suivis.

Pour sortir de cet aveuglement, Maurice Berger propose des solutions radicales, à commencer par la suppression du code pénal des mineurs de 2021 qui, selon lui, favorise l’explosion de la violence juvénile. Certaines des mesures qu’il préconise, comme la création d’une procédure comparable à celle de la comparution immédiate pour les délinquants adultes ou l’instauration de peines courtes de prison, faisaient partie de la proposition de loi que Gabriel Attal, redevenu député, a déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale. Mais le texte de l’ancien premier ministre, censé arriver dans l’Hémicycle le 27 janvier, a déjà été vidé de sa substance en commission par la gauche et les indépendants du petit groupe Liot. L’écologiste Pouria Amirshahi s’est félicité d’avoir déjoué une tentative de « fuite en avant réactionnaire ». Le gouvernement de François Bayrou entendra-t-il le cri d’alarme du Dr Berger ? Il faut le souhaiter.

Extraits choisis par Judith Waintraub - Maurice Berger : «Face aux mineurs extrêmement violents, la partie est presque perdue»

Mineurs violents : le cri d’alarme du Dr Maurice Berger face à une situation hors de contrôle

I.Un constat accablant : violence accrue, justice défaillante

Le Dr Berger déplore une augmentation significative de la violence juvénile en France, accompagnée d’une incapacité chronique à répondre efficacement à cette problématique. Le refus d’admettre l’ampleur du phénomène, alimenté par une idéologie qui minimise les faits, conduit à une situation qu’il qualifie de « danger national hors de contrôle ».

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les mineurs poursuivis pour violences graves sont de plus en plus nombreux, et la réponse judiciaire, souvent perçue comme inconsistante, alimente un sentiment d’impunité. Maurice Berger s’indigne, par exemple, qu’un jeune récidiviste condamné pour des violences graves puisse ne pas effectuer une seule journée de prison, malgré des séquelles irréversibles infligées à ses victimes.

II.Les causes profondes : entre lacunes éducatives et fonctionnement clanique

Selon Maurice Berger, la violence juvénile ne peut être réduite à des facteurs socio-économiques tels que la précarité ou l’exclusion sociale. Il pointe du doigt des causes plus profondes :
  • L’absence de cadres éducatifs clairs : les jeunes violents n’ont souvent pas intégré les notions fondamentales de limites et d’interdits.
  • Le fonctionnement clanique : dans certains contextes familiaux, notamment du fait de l’immigration extra européenne, les enfants évoluent dans un environnement où la domination et la violence sont valorisées, au détriment de l’éducation et de l’autonomie individuelle.
Le pédopsychiatre critique vivement le code pénal des mineurs de 2021, qu’il considère comme un obstacle à une justice efficace. Il appelle à des réformes profondes, notamment :
  • La mise en place de peines courtes mais systématiques, inspirées du modèle hollandais, où la dissuasion par des incarcérations courtes s’accompagne d’une baisse notable des récidives.
  • La création de centres éducatifs fermés réellement sécurisés, comme en Suisse, où les jeunes ne peuvent sortir qu’après une réhabilitation avérée.
  • Une évaluation fine des dispositifs existants, pour identifier les approches qui fonctionnent et abandonner celles qui échouent.
III.Un appel à la responsabilité des adultes

Maurice Berger souligne que l’efficacité d’une réponse pénale repose sur sa capacité à signifier clairement la gravité des actes commis. « Les mineurs violents se demandent : ‘Vais-je prendre cher ?’ », observe-t-il. Or, trop souvent, la réponse judiciaire se traduit par une sanction dérisoire, qui ne fait qu’alimenter l’escalade de la violence.

Pour Maurice Berger, il ne s’agit pas simplement de punir, mais de redonner à la justice son rôle fondamental : protéger les victimes et aider les auteurs à changer. Il appelle à dépasser les clivages idéologiques et à adopter une approche pragmatique et rigoureuse, inspirée des exemples internationaux.

Son livre, véritable cri d’alarme, invite les décideurs politiques à affronter une réalité souvent occultée et à agir avant que la situation ne devienne totalement ingérable.

Mineurs violents : le cri d’alarme du Dr Maurice Berger face à une situation hors de contrôle

Eve Vaguerlant : pourquoi il faut lire Maurice Berger sur la violence des mineurs

Alors que la semaine dernière un braquage violent était commis chez un buraliste à Toulouse par des suspects âgés de 15 et 16 ans, qu’à Évreux quelques jours auparavant un jeune de 14 ans était tué par un autre adolescent de 16 ans pour un motif futile, tandis qu’à Saint-Maur-des-fossés une lycéenne rouait de coups son enseignante en lui criant : « Je vais niquer ta mère, sale pute », l’explosion de cas d’extrême violence chez les mineurs interroge.

C’est pour mieux comprendre ce phénomène et tenter de l’endiguer que le docteur Maurice Berger revient sur le problème de la violence des mineurs dans un nouvel essai Mineurs violents, État inconsistant (L’Artilleur, 2024). Pédopsychiatre, Maurice Berger sait de quoi il parle : il a dirigé pendant trente-cinq ans le service français de pédopsychiatrie dédié à la prise en charge des enfants de moins de 12 ans extrêmement violents, travaillé sept ans dans un centre éducatif renforcé recevant des mineurs placés judiciairement. En outre, il exerce comme psychiatre d’adultes dans un service de réadaptation recevant notamment des victimes d’agression ; or, le fait de connaître en quelque sorte les deux côtés (...)

Eve Vaguerlant : pourquoi il faut lire Maurice Berger sur la violence des mineurs - Valeurs actuelles

Maurice Berger : "Beaucoup de mineurs violents ne ressentent plus ni culpabilité ni empathie"
Le grand entretien - Propos recueillis par Etienne Campion

Marianne : Vous évoquez l’importance des premières années de vie et l’exposition à la violence parentale comme facteur déterminant dans le développement d’une agressivité future. Dans le cas du meurtre d’Élias, retrouve-t-on ces caractéristiques ?

Maurice Berger :
Mon livre est testamentaire, au sens où il synthétise mon expérience de travail comme pédopsychiatre pendant quarante ans auprès de centaines de mineurs violents. Même si on parle de manière globale de « violence des jeunes », j’ai constaté que derrière un acte sommaire – frapper, voire tuer – se trouvent différents processus psychiques. L’exposition précoce aux violences conjugales concerne jusqu’à 80 % de ces mineurs : pendant les deux premières années de sa vie, l’enfant ne peut mettre de mots sur ce qu’il ressent. Il n’a pas d’autre choix que de laisser les images, les cris, les gestes s’inscrire à l’état brut dans son cerveau, et ces images peuvent resurgir plus tard (...)


Maurice Berger au JDD : « La violence chez les jeunes n’est pas un miroir de notre société, mais de notre déni »
Propos recueillis par Ayrton Morice Kerneven

Le JDD. Drames de Montpellier, Viry-Châtillon et Tours : cette ultraviolence chez les jeunes interroge. Peut-on parler d’un basculement vers une violence extrême et gratuite ? Est-ce un miroir de la société ?

Maurice Berger. Ce n’est pas un basculement car cette violence a progressé d’une manière totalement prévisible. En 2007, alors que mon service de pédopsychiatrie recevait sans cesse des mineurs extrêmement violents, j’ai sollicité un entretien au Ministère de Justice pour exposer la situation, et il me fut répondu qu’il n’y avait en France qu’une dizaine d’élèves « fortement perturbateurs ». Ce déni massif de la part de nombreux responsables politiques, éducatifs, judiciaires s’est appuyé sur des mantras idéologiques, en particuliers sociologiques, tels que la violence est due à la précarité ; ou à la ghettoïsation ; ou ces gamins sont victimes de notre vilaine société ; l’éducatif doit avoir priorité sur la sanction (sans penser que la sanction fait partie de l’éducation), etc.