Le syndicat de la magistrature est-il une menace à l’intégrité de la Justice ? - Par Georges Fenech


Après l’annonce de la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité, David Lisnard a estimé qu’il fallait que certains syndicats de magistrats « restent dans leur rôle » en se montrant plus neutres politiquement.


Atlantico : En réaction à la condamnation dont Marine Le Pen a fait l’objet, David Lisnard s’est notamment élevé contre le syndicat de la magistrature, estimant que celui-ci ne resterait pas “dans son rôle”, lequel correspondrait à “se battre pour avoir des moyens pour la magistrature”. Diriez-vous que le maire de Cannes a raison, quand il dénonce le caractère éminemment politique du syndicat de la magistrature ?

Georges Fenech :
Le syndicat de la magistrature, dès sa naissance le 8 juin 1968 sur les cendres encore fumantes du mois de mai 68, affichait la couleur de son engagement. Il s’est auto-proclamé syndicat, alors même que le syndicalisme n’était pas autorisé au sein de la magistrature. Ce fait syndical a été consacré en 1972 par un arrêt du Conseil d’Etat, lequel avait reçu en instance une partie de ses membres, lui donnant donc une légitimité évidente. C’est à ce moment-là que le fait syndical prétorien, jurisprudentiel même, est né sans qu’aucune loi ne soit votée. Il s’inscrit donc sur les fonts baptismaux d’une révolution du système répressif français qu’il a, dès le départ, décrit comme une nouvelle doctrine : celle de la défense sociale nouvelle. Très concrètement, celle-ci consiste à regarder le crime à travers une grille de lecture marxiste, c’est-à-dire le concevoir comme le sous-produit de discriminations économiques, sociales, ethniques, et donc faire des criminels des victimes. Le décor est planté, d’autant que tout ce qui a pu être décrit comme contraire à cette idéologie était critiqué, rejeté, blacklisté, etc. Un certain nombre des magistrats qui n’y adhéraient pas ont souffert de préjudices de carrière.

C’est en 1981 que le syndicat de la magistrature arrive en force et s’installe dans ses habits tout neufs, place Vendôme. Il mène, à partir de là, une chasse aux sorcières sans précédent en s’appuyant sur une politique de nomination sans commune mesure avec ce qui a pu se voir auparavant, dans laquelle la couleur politique importe bien davantage que le mérite ou que l’ancienneté. C’est une politique qui se met en place dans les instances disciplinaires et d’avancement, notamment au sein du conseil supérieur de la magistrature. Sont également touchées l’école nationale de la magistrature que d’autres juridictions essentielles et majeures. C’est ainsi qu’il a commencé à dessiner le paysage de la Justice française jusqu’à devenir la véritable nomenklatura que nous connaissons aujourd’hui. Il a su s’installer dans toute l’institution judiciaire, peupler les cabinets de tous les Gardes sceaux successifs de gauche, de Badinter à Guigou en passant par Belloubet, Dupond-Moretti et, bien entendu, Taubira. Le moins que l’on puisse dire c’est que, conformément au nom de sa revue, le syndicat de la magistrature essaime partout dans la société, établit des liens très directs avec les partis politiques, les autres syndicats, les internations, et on le voit s’exprimer, fleurir même, un peu partout. Il s’est notamment retrouvé coeur de la fête de l’Humanité où il évoquait la question des violences policières systémiques, on a pu l'apercevoir auprès des manifestants dans les rues, à qui il distribuait des “Guides du manifestant” pour indiquer comment se comporter en cas d’arrestation… ainsi que des “Guides du prisonnier”. Naturellement, il s’immisce aussi dans le débat sur l’immigration et fait tout son possible pour faire rejeter chacune des lois visant à réduire l’immigration en France en plus de s’assurer de remettre dehors l’intégralité des étrangers qui peuvent leur être présentés. Pour se faire, ils s’appuient notamment sur des prolongations de rétention administrative et ne se cachent évidemment pas d’avoir une influence éminemment politique. Ils revendiquent l’acte de juger, dans le prétoire, de façon partiale. Selon eux, il faudrait être les défenseurs naturels du fils contre le père, de la femme contre le mari, du voleur contre le policier, du plaideur contre la Justice. Autrement dit, il s’agit ici de déconstruire pierre par pierre le système judiciaire français, en réponse à une vision presque guévariste ou révolutionnaire, qui devrait selon eux imprégner la justice. C’est l’idée même du dépérissement de l’Etat en vue d’une anarchie. Nous sommes aujourd’hui face à un mouvement dissident, sécessionniste, qui refuse l’application pure et simple de la loi voulue par le pays et, de ce fait, viole délibérément toutes les obligations statutaires du magistrat au seul prétexte de la liberté de parole syndicale.

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