L’immigration de travail, une arme à double tranchant ? - Par Nicolas Pouvreau-Monti
Dans une tribune inédite publiée le vendredi 4 avril par Le Point, Nicolas Pouvreau-Monti aborde la notion d'« immigration de travail » en France, au regard de ses réalités concrètes et de son intérêt potentiel pour l'économie.
En effet, le recours à une immigration plus nombreuse est souvent présenté, dans le débat public, comme une solution incontournable face aux pénuries sectorielles de main d’œuvre et au vieillissement démographique – donc à la baisse du nombre d'actifs.Pourtant, l'immigration fait aujourd'hui l'objet d'une faible intégration sur le marché français du travail. Selon l'INSEE, en 2021 (dernière année dont les données détaillées sont disponibles), la France comptait :
- 1,74 million d’immigrés n’étant ni en emploi, ni en études, ni en retraite, soit 27% de la population immigrée âgée de 15 ans et plus (contre 13% de la population non-immigrée). Parmi ceux-ci, 760 000 immigrés étaient des chômeurs au sens strict ;
- 1,27 million d’étrangers n’étant ni en emploi, ni en études, ni en retraite, soit 30,5% de la population étrangère âgée de 15 ans et plus (contre 12,9% de la population française). Parmi ceux-ci : 537 000 étrangers étaient des chômeurs au sens strict.
Pour rappel, selon les définitions de l'INSEE :
- Un immigré est une personne née étrangère à l'étranger (qui peut avoir acquis ou non la nationalité française depuis sa naissance) ;
- Un étranger est une personne qui n'a pas la nationalité française.
Les tendances à l’œuvre dans les derniers flux d’immigration n’augurent, hélas, d’aucune amélioration notable dans ce sens : seuls 43% des immigrés extra-européens récents (arrivés en France dans les cinq années précédentes) occupent un emploi en 2023 – soit le taux d'emploi le plus bas de l'UE dans cette catégorie, à égalité avec la Hongrie. Par ailleurs, il ne peut pas exister, dans l’état actuel de notre droit, d’immigration économique sans « immigration familiale » – le principe du regroupement familial étant sanctuarisé par nos jurisprudences constitutionnelles et européennes.
Par ailleurs, les analyses économiques les plus récentes suggèrent que l'importation nombreuse d'une main d’œuvre peu qualifiée et « bon marché » peut avoir un impact négatif sur la productivité des entreprises, en désincitant à la réalisation d'investissements en capital permettant l'émergence d'emplois plus productifs et mieux rémunérés.
Comme le résume Nicolas Pouvreau-Monti : « Ce contresens historique est d’autant plus dangereux pour la vitalité et la compétitivité des entreprises que la révolution de l’intelligence artificielle menace d’emporter avec elle de très nombreux emplois, à brève échéance. À tout le moins, elle nous conduira à repenser en profondeur nos modes de production, voués à devenir intensifs en main-d’œuvre. La persistance rétinienne des Trente Glorieuses, avec leur immigration à la fois nombreuse et largement "au travail", ne devrait pas aveugler plus longtemps les décideurs. »