Lyon-II : « L’extrême gauche fait le nid de l’islam politique à l’université », Fabrice Balanche témoigne

Le 1er avril, le maître de conférences à l’Université Lyon-II Fabrice Balanche, a l’Université Lyon-II a été interrompu en plein cours par par des militants pro-palestiniens aux cris de « sionistes, racistes ». L'universitaire revient sur cet incident et alerte sur l’enracinement du communautarisme islamiste au sein de son université.


Lire l’entretien de Fabrice Balanche dans Le Point pour comprendre le déroulé des actions.

Agrégé et docteur en géographie, Fabrice Balanche est maître de conférences en géographie à l’Université Lyon-II et chercheur associé au Washington Institute, un think-tank américain. Il est spécialiste du Proche-Orient, où il a vécu dix ans.

Atlantico : Vous êtes professeur de géographie politique à l’Université Lumière-Lyon II. Mardi 1er avril, un groupe d’activistes a interrompu, en faisant une irruption violente, l’un de vos cours. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Fabrice Balanche : Je donnais un cours sur le voisinage de l’Union européenne, un sujet éloigné des questions syriennes ou israéliennes, quand une vingtaine d’individus cagoulés ont pénétré dans l’amphithéâtre où je me trouvais avec mes étudiants. Ils hurlaient « Raciste, sioniste, c’est vous les terroristes ! » et portaient des pancartes où il était écrit « Libérez la Palestine, stoppez le génocide ! ». Ces gens ont ensuite entouré la chaire, menés par un grand homme barbu qui m’a invectivé en m’accusant d’être le complice du « génocide à Gaza », d’être pro Assad et pro sioniste.

Vous savez à quel groupe ces militants appartenaient ?

Leur groupe s’appelle Lyon 2 Autonomes, mais je ne sais pas précisément à quelle obédience ils appartiennent. D’après la direction de l’université, ils ne seraient pas liés à d’autres syndicats étudiants.

Qu’avez-vous d’ailleurs à répondre à ces gens qui vous ont qualifié d’assadiste ?

Au fond, je n’ai pas à me justifier, mais je leur répondrais qu’ils se trompent. Cette réputation mensongère vient d’analyses produites sur la situation en Syrie et au Moyen-Orient en 2011. Lors des Printemps arabes, je fus l’un des rares chercheurs, sinon le seul, à dire que le régime du Parti Baas ne tomberait pas aussi rapidement que ceux de Ben Ali en Tunisie ou d’Hosni Moubarak en Egypte. Je me suis contenté de dire qu’il ne rendrait pas les armes et serait résilient. Je n’ai aucunement exprimé l’envie personnelle qu’il tienne. Ce n'est pas mon problème ni celui de mon domaine de recherches. Je suis un analyste et non un militant. Mon travail est de produire des recherches basées sur des données vérifiées afin d’apporter le regard le plus objectif possible sur une situation géopolitique. Comme disait Spinoza, « Ni rire, ni maudire mais comprendre ». Je connais la Syrie depuis 35 ans. Mon ancienne épouse était Syrienne. Je connais donc bien la mentalité profonde de ce pays. Raison pour laquelle certains trouvent que mes analyses sont peut-être trop tranchées. D’ailleurs, avant 2011, on me reprochait d’être trop sévère à l’égard d’Assad puisque j’estimais que le régime allait dans le mur. J’ai même eu maille à partir avec l’ambassade de France de Damas qui pensait que le développement économique était en vue. L’affaire Lafarge aura prouvé la justesse de cette opinion… Pis encore, à l’automne 2024, j’ai fait un article dans L’Express disant qu’Assad serait la prochaine cible d’Israël et qu’il allait être remplacé, lâché par ses soutiens. On me disait alors que je me trompais encore. Deux mois plus tard, il fuyait Damas. Les conflits sont dynamiques, jamais figés.

Il est d’ailleurs notable que vous avez reçu le soutien de Wassim Nasr, avec lequel vous ne partagez pourtant pas les avis. Qu’en dites-vous ?

En effet et je l’en remercie. Je le connais depuis longtemps. Je ne partage pas son idée sur le fait qu’Ahmed al-Charaa soit « déradicalisé » car il a été djihadiste pendant vingt ans avec al-Qaïda, je le vois plus en opportuniste prenant son temps car il ne peut pas se permettre de nouvelles sanctions.

LA SUITE SUR LE SITE ATLANTICO.FR
Fabrice Balanche : « L’extrême gauche fait le nid de l’islam politique à l’université » | Atlantico.fr

LE FIGARO. - Mardi 1er avril, vous avez été obligé de quitter votre cours à l’Université Lyon II aux cris de « sionistes, racistes », selon les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Pourquoi ? Que s’est-il passé ?

Fabrice BALANCHE. -
Mardi, à 15 heures, dans un amphithéâtre de l’Université Lyon II, une vingtaine d’individus a fait irruption dans mon cours qui portait sur la géographie politique et économique de l’Union européenne - il n’y avait donc aucun rapport avec l’islam ou la Palestine. Ces militants, qui étaient masqués ou encagoulés pour ne pas être reconnus, se sont mis à scander : «Racistes, sionistes, c’est vous les terroristes». Ils avaient avec eux une pancarte «Libérez la Palestine» et quelques-uns portaient keffiehs. Ils ont entouré mon bureau tandis que le meneur a commencé à m’invectiver en affirmant que j’étais «complice du génocide en Palestine» et en m’accusant d’être pro-Bachar Al-Assad.

J’ai rapidement décidé de partir car, précisément, ce groupe m’entourait et me bloquait en disant : «Non, vous restez». Certains ont voulu me suivre mais heureusement quatre de mes étudiants les ont agrippés. Ça a failli en venir aux mains. Grâce à eux, j’ai pu gagner l’escalier et quitter l’amphithéâtre sans encombres. Je les entendais hurler : «Balanche, casse-toi de la fac».

J’ai décidé de porter plainte et suis actuellement en discussion avec les services administratifs de l’université qui vont m’accorder la protection fonctionnelle et vont m’accompagner dans le dépôt de plainte. L’université, elle, a fait un signalement au parquet.

Est-ce que vous vous y attendiez ?

À Lyon-II, il faut s’attendre à tout. Des étudiants sont déjà venus en interrompant mon cours pour encourager les étudiants à aller voter aux scrutins universitaires. En revanche, jamais un groupe n’a déboulé de manière violente. Notre bâtiment étant isolé par rapport au noyau de l’université, les militants radicaux ne font pas l’effort d’habitude de faire le déplacement. Cette fois, ils l’ont fait uniquement pour moi !

Vendredi, des militants d’extrême gauche avaient déjà bloqué le campus pour protester contre la décision de la direction d’interdire une soirée fêtant la rupture du jeûne et la fin du Ramadan dans l’enceinte de l’université. De quoi s’agit-il concrètement ? Comment se sont déroulées les dernières semaines au sein de l’université ?

Vendredi 28 mars, une trentaine d’étudiants ont en effet bloqué une partie du campus pour protester contre l’interdiction, par l’administration de l’université, d’organiser une soirée de rupture du jeûne. Et les cours n’ont pas pu être assurés car il y a eu fermeture administrative. Ces individus avaient appelé les étudiants musulmans à venir à cet iftar qui se tenait dans une salle de l’université. On a appris à ce moment-là que cette salle était attribuée depuis un mois à un groupe d’étudiants pour organiser des activités militantes, des conférences, des films, des iftars [repas du soir pendant le ramadan, NDLR]. Sur leur page Instagram «Lyon-II autonome», ce groupe revendique d’ailleurs, vidéos à l’appui, la tenue de différents iftars par le passé.