Nicolas Baverez : «Le printemps des autocrates»

Le tournant illibéral de l’Amérique sous l’influence de Donald Trump fait entrer le monde dans une nouvelle ère placée sous le signe des empires, des autocrates et du recours décomplexé à la violence au plan intérieur comme au plan extérieur.


La révolution conservatrice engagée par Donald Trump n’est pas une simple parenthèse mais marque une rupture irréversible dans l’histoire des États-Unis et du XXIe siècle. La transformation des États-Unis en démocratie illibérale et leur alignement sur les empires autoritaires, symbolisé par l’alliance contre-nature avec la Russie, ouvre un formidable espace aux autocrates, confortant les régimes tyranniques fondés sur le mensonge et l’arbitraire, encourageant les atteintes aux droits des nations et des individus, libérant les ambitions de puissance. L’éclatement de l’Occident, la délégitimation de ses valeurs et la liquidation de ses institutions qui fondaient l’ordre international accélèrent l’ensauvagement du monde et libèrent la violence.

À défaut de rendre à l’Amérique sa grandeur, Donald Trump constitue une divine surprise pour la Russie et la Chine. La Russie était naufragée, cumulant effondrement démographique, appauvrissement d’une économie de guerre, épuisement financier, échec militaire en dépit de pertes humaines et matérielles gigantesques, vassalisation par la Chine. Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 1999, profite pleinement de la légitimation du régime dictatorial et impérial qu’il a fondé. Il se voit offrir une victoire politique et diplomatique inespérée en Ukraine, avec des négociations où moins Moscou cède et plus Washington concède, à l’image du pseudo-cessez-le-feu en mer Noire. Mieux encore, Donald Trump réalise avec la désintégration de l’Otan ce dont tous les dirigeants de l’URSS puis de la Russie ont rêvé en vain depuis Staline, laissant le champ libre aux ambitions impériales de Moscou, à la poursuite de ses agressions militaires sur son étranger proche et de la mise sous influence de l’Europe.