Pression maximale sur Téhéran : la guerre avec l’Iran aura-t-elle lieu ? - Par Emmanuel Razavi

Donald Trump a averti lors d’une interview qu’« il y aura des bombardements » en Iran si les négociations en vue d’un accord sur le nucléaire iranien échouaient. Le grand reporter Emmanuel Razavi, auteur de « La Face cachée des Mollahs, Le livre noir de la république islamique d'Iran » (éditions du Cerf), livre son analyse sur la situation.


Emmanuel Razavi est grand reporter. Franco-Iranien, il couvre l’actualité iranienne pour Paris-Match, Franc-Tireur, Politique Internationale, Valeurs Actuelles et Écran de Veille. Il collabore également sur l’Iran avec la revue de géographie et de géopolitique Hérodote, et le magazine Historia. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur le Moyen-Orient parmi lesquels le bestseller « La Face cachée des Mollahs, Le livre noir de la république islamique d'Iran » publié aux éditions du Cerf. Alors que la tension est à son comble entre Téhéran et Washington, et que Trump menace les mollahs de bombardements, il nous livre son analyse sur la possibilité d’un conflit.

Atlantico : La stratégie américaine de "pression maximale" sur l’Iran, fondée sur une rhétorique de plus en plus agressive, peut-elle réellement produire des résultats sans précipiter la région dans une escalade militaire incontrôlable ?

Emmanuel Razavi : Le président américain Donald Trump privilégie la politique de « pression maximale » contre la République islamique d’Iran, alors même que les Etats-Unis ont approuvé, fin février, la livraison d’armes lourdes à Israël, qui pourraient servir contre Téhéran. Selon les sources américaines avec lesquelles je parle, Trump veut trouver une issue négociée avec le régime iranien sur la question du nucléaire, mais n’est pas disposé à laisser passer trop de temps. Il a donc adressé un ultimatum aux Iraniens, qui laisse penser que dans le cas où Téhéran n’accepterait pas une solution négociée, alors une intervention pourrait intervenir d’ici les prochaines semaines. Dès lors, il a entrepris de renforcer le dispositif militaire américain au Moyen-Orient avec l'envoi de troupes et la présence de deux porte-avions. Il a aussi positionné des bombardiers furtifs B-2 dans l’océan Indien, où les Etats-Unis disposent de la base de Diego Garcia.

De son côté, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a réaffirmé à plusieurs reprises sa volonté d’en finir avec la République islamique d’Iran, alors même que l’Iran vit un moment particulier de son histoire : l’économie est presque à l’arrêt, l’inflation est au plus haut niveau, la moitié des Iraniens vivent en dessous du seuil de pauvreté, les banques, les entreprises et les administrations publiques fonctionnent mal en raison de la pénurie d’électricité. Par ailleurs, il n’y a jamais eu autant de suicides dans le pays. Les gens sont à bout. Au moment des fêtes du nouvel an iranien (Norouz, ndlr), des milliers d’Iraniens ont publiquement appelé au retour du prince Reza Pahlavi. Je vais vous livrer une anecdote qui en dit long : Il y a quelques semaines, Mehdi Nasiri, qui est un journaliste iranien proche des mollahs, a affirmé à la télévision publique iranienne que « 50 à 70% » des iraniens étaient favorables au Prince Reza Pahlavi. Ce disciple historique du régime a appelé à une coalition d'opposants allant des monarchistes à la branche des mollahs prétendument « Réformateurs ». Ce que je veux vous dire, c’est qu’il y a une fenêtre pour faire tomber le régime des mollahs, qui est à l’agonie, et fracturé en même temps par des dissensions internes importantes. Il y a de plus en plus de défections de cadres du régime, qui rejoignent tel ou tel mouvement d’opposition.

En cas de conflit, il y a cependant le risque évident de voir une forte déstabilisation du Moyen-Orient, avec des dégâts importants, notamment dans la région du golfe Persique. C’est d’ailleurs ce qui inquiète les partisans d’une solution négociée avec Téhéran. Ils ont conscience que le régime iranien, qui est à bout de souffle, n’aura pas la capacité de livrer une guerre sur le long terme, et qu’il pourra s’en prendre, par des tirs de missiles, à des pays de la région qui abritent des bases occidentales, et mener des actions militaires et non conventionnelles dans le détroit d’Ormuz et en mer Rouge, pour déstabiliser ces deux axes stratégiques du trafic maritime international. Il y a aussi, bien sûr, la menace terroriste iranienne qui les inquiète.

A l’heure où nous parlons, l’armée iranienne a déjà annoncé qu’elle n’hésiterait pas à opérer des frappes préventives contre la base américaine de Diego Garcia. Le régime iranien fera aussi tout pour faire intervenir ses proxys terroristes, partout où il le pourra, y compris en Europe et aux Etats-Unis. Mais encore une fois, malgré tous ces risques, il y a une fenêtre de tir que Trump entend exploiter s’il n’obtient pas ce qu’il veut. Il ne veut pas voir Téhéran se doter de l’arme nucléaire. Il sait qu’Israël serait plus que jamais en danger. Il veut de plus en finir avec la menace terroriste iranienne.