Quel négationnisme climatique ? - Par Michel de Rougemont

Ceux qui questionnent l’alarmisme climatique et ses fondements anthropogéniques se retrouvent qualifiés de négationnistes, quelque nuancé puisse être leur propos. Cette terminologie est problématique car elle établit une comparaison implicite avec le négationnisme historique, ce qui inhibe tout débat pourtant nécessaire.


Il convient cependant de scruter les aspects scientifiques avec rigueur. Si le premier groupe de travail du GIEC [^1] s’efforce de présenter l’état des connaissances climatiques de manière complète, les deux autres groupes [^2] produisent des analyses prospectives qui servent à orienter les politiques publiques. Ces dernières analyses comportent nécessairement une part de conjecture et de spéculation, notamment lorsqu’elles préfèrent les mesures d’atténuation (objectif zéro carbone) aux inévitables stratégies d’adaptation au changement climatique.

Les modèles climatiques constituent des outils précieux mais limités. Leur utilisation soulève des questions méthodologiques importantes : les simulations présentant une sensibilité élevée aux émissions de gaz à effet de serre sont parfois associées à des scénarios de développement peu probables [^3], ce qui conduit à des projections excessivement pessimistes. Une approche scientifique exigerait que ces limitations soient clairement explicitées.

De même, l’attribution au changement climatique d’événements météorologiques particuliers – épisodes de sécheresses, inondations, feux de forêt, ouragans, etc. – présente des difficultés méthodologiques significatives. Le climat résulte d’interactions complexes entre de multiples facteurs, et sa nature chaotique rend impossible l’établissement de liens de causalité directs entre un de ces événements et l’une des nombreuses perturbations [^4] qui influencent le système climatique, action humaine incluse. Cette réalité scientifique est trop souvent éludée ou minimisée dans la communication sur le climat et les prises de position politiques.

Il faut alors se poser la question de qui nie les limites des connaissances scientifiques et leur exploitation abusives pour faire avancer sa cause. Pour qu’un sain débat sur le climat puisse être tenu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, il est nécessaire que ce négationnisme-là soit aussi évité. Les enjeux l’exigent.

[1]: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou GIEC (en anglais Intergovernmental Panel on Climate Change ou IPCC) chargé d’évaluer l’ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique en cours.
[^2]: WG II dédié aux impacts, à l’adaptation et à la vulnérabilité, et WG III aux mesures d’atténuation.
[3]: Le scénario SSP5-8.5 qui est souvent présenté comme le scénario de courant normal (“business as usual”) si rien n’était entrepris, Ce scénario prévoit un triplement des émissions d’ici 2075, hypothèse qui peut être considérée comme très improbable mais qui génère des projections alarmistes de réchauffement moyen de 3,3 à 5,7°C vers la fin du siècle.
[4]: Voir à ce sujet un récent article paru dans Nature qui montre que les précipitations dans le bassin méditerranéen présentent une forte variabilité temporelle et spatiale, et que les épisodes de sécheresse ou d’inondation ne suivent pas de tendance à long terme. https://doi.org/10.1038/s41586-024-08576-6