Qui a peur du « racisme anti-Blancs » ? - Par Pierre-André Taguieff
Depuis les années 1980, nombre d’ouvrages sur et contre le racisme se réduisent soit à des catéchismes idéologiques de gauche ou « progressistes » se présentant comme « antiracistes », de facture académo-militante et se réclamant de plus en plus souvent des « sciences sociales », soit à des pamphlets politiques agrémentés de nombreuses citations leur donnant une allure érudite ou savante, mais dont les contenus informatifs sont voisins de zéro, n’étant que des sottisiers se recopiant les uns les autres. Il faut cependant pointer le fait que, dans les publications labellisées « antiracistes », la frontière entre catéchismes et pamphlets est souvent indéterminable.
Leur objectif commun, sous couvert de lutter contre le racisme par la connaissance de ses causes et de ses effets, est de dénoncer « les Blancs » et la civilisation occidentale (dite « blanche ») comme intrinsèquement racistes, donc, conformément à la vulgate antiraciste, colonialistes et génocidaires. Il s’agit là clairement d’une entreprise de culpabilisation d’une partie du genre humain, accusée d’être la matrice du racisme, lequel est défini comme « le péché vraiment capital ». C’est recourir à une méthode éprouvée de criminalisation et de diabolisation d’un groupe humain, préalablement essentialisé (« les Blancs », « les Occidentaux », etc.). Comment ne pas voir dans cet antiracisme expressément anti-Blancs un pseudo-antiracisme qui serait l’expression d’un racisme anti-Blancs, objet de déni par ceux-là mêmes qui l’incarnent ? Qui ne se souvient des « ratonnades anti-Blancs » qui eurent lieu à Paris le 8 mars et le 26 mars 2005 ?
Il est temps de s’interroger sérieusement sur la signification, disons plutôt les significations, d’une insulte comme « sale Blanc ! ». Pour autant que l’insulteur pense que « les Blancs » sont racistes, son « sale Blanc » ! » signifie « sale raciste ! ». C’est là une illustration, dans le discours polémique ordinaire, de ce que certains spécialistes du racisme, à partir des années 1960 – moment de la décolonisation –, ont appelé « racisme inversé », « racisme à rebours » ou « contre-racisme », un racisme réactionnel observable chez les colonisés ou les ex-colonisés, caractérisé alors par la LICA comme un « néoracisme anti-blancs ». Ces réponses mimétiques au « racisme blanc », aussi contextualisables soient-elles, relèvent cependant du champ du racisme.
Qui a peur du « racisme anti-Blancs » ? – Revue Politique et Parlementaire