Xavier Driencourt : «Comme Paris ne réagit pas depuis huit mois, le régime algérien en profite»
Il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait déclaré, à tort, qu’il fallait « tourner la page » de la crise franco-algérienne. Après l’expulsion de 12 agents de l’ambassade de France à Alger, dernier incident diplomatique en date, il est grand temps que Paris réagisse, insiste Xavier Driencourt*.
* Xavier Driencourt est diplomate et ancien ambassadeur de France en Algérie . Il a publié L’Énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger (Éditions de l’Observatoire, 2022).
On croyait avoir touché le fond, on pensait un moment la crise entre la France et l’Algérie terminée, enterrée. Monsieur Barrot, ministre des Affaires étrangères, à Alger il y a quelques jours, déclarait qu’il fallait « tourner la page », faire en sorte que « le rideau se lève », revenir à la « feuille de route définie en août 2022 » par les deux présidents de la République pour reprendre ses termes. Quelle erreur, quelle naïveté de notre part ! Sur quoi le rideau devait-il se lever selon le ministre français ? Monsieur Barrot nous avait annoncé trois grands chapitres dans cette nouvelle relation « d’égal à égal » : une coopération sécuritaire au Sahel, une coopération judiciaire, une coopération migratoire. Or, il faut regarder les choses de près.
La coopération sécuritaire d’abord. Aujourd’hui, au moment où le régime algérien est exclu du Sahel, au moment où le Mali rompt avec son ancien parrain algérien, c’est plutôt l’Algérie qui a besoin de la France. À l’époque des opérations « Serval » puis « Barkhane », les militaires algériens ne donnaient déjà aucun renseignement à leurs collègues français, et nous nous en plaignions fortement. Le président Macron, en visite à Alger en décembre 2017 avait déjà demandé au Chef d’État-major algérien, le Général Gaïd Salah, de densifier cette coopération. Hélas, refus de l’Algérie, nous n’avons obtenu que des fournitures d’eau et de pétrole, mais jamais une coopération opérationnelle.
La coopération judiciaire, telle qu’annoncée par le ministre Barrot, était pour le moins étonnante puisqu’elle autorisait, rien de moins, que la venue à Paris de magistrats algériens qui auraient pu consulter les dossiers individuels de personnalités – dont certaines françaises – au Parquet national financier. Soi-disant pour récupérer des biens mal acquis… Concrètement, cette coopération était parfaitement asymétrique puisqu’on connaît les difficultés qu’eut en son temps, le juge Trevidic pour enquêter en Algérie sur l’assassinat des moines de Tibherine et alors même, que cette belle coopération judiciaire interdit à l’avocat français de Boualem Sansal, maître Zimeray, de se rendre à Alger. Curieuse conception de la réciprocité diplomatique.
Xavier Driencourt : «Comme Paris ne réagit pas depuis huit mois, le régime algérien en profite»