J'ai lu et aimé : Histoire de la nation française - Du mythe des origines à nos jours - D'Eric ANCEAU
Qu’est-ce que la nation française ? La question s’est posée à de multiples reprises au fil de l’histoire. Des origines à nos jours, du régime de Vichy et jusqu’à nos fractures contemporaines, en passant par la Révolution ou la perte de l’Alsace-Lorraine, entre mythes et réalité, retraçant la construction, ainsi que les débats qui l’ont toujours accompagnée, Eric Anceau dresse un état des lieux sans concession dans son nouveau livre publié aux éditions Tallandier. Une synthèse ambitieuse sur un sujet passionnel.
S’agit-il d’une communauté ethnique, linguistique, territoriale, d’une organisation politique de citoyens désireux de vivre ensemble ou bien encore d’une construction historique d’un autre type ? Doit-on la faire remonter à 1789, à la bataille de Bouvines, au baptême de Clovis, voire à « nos ancêtres les Gaulois » ? A-t-elle encore un avenir à l’heure de l’intégration européenne, de la mondialisation et du post-modernisme ?
Ce sujet capital occupe l’espace public car il interroge au fond la forme même d’organisation de notre société. C’est aussi un terrain complexe qui donne lieu à de multiples interprétations et instrumentalisations politiques ; il est sulfureux, comme le nationalisme qui ressurgit souvent avec lui. Cela explique pourquoi il n’a pas été traité autrement que par bribes et avec d’infinies précautions depuis un demi-siècle.
Revisiter et raconter l’histoire de ce qui fait nation en France dans sa globalité, telle est la raison d’être de ce livre.
Par Serge Hartmann
« Quand je considère cette nation en elle-même, je la trouve plus extraordinaire qu’aucun des événements de son histoire. En a-t-il jamais paru sur la Terre une seule qui fût si remplie de contrastes et si extrême dans chacun de ses actes », s’étonnait Alexis de Tocqueville en 1856. Quand elle se contemple, la France ne brille pas par sa modestie. Elle revendique aujourd’hui encore son “identité française”, “son exception française”, son “modèle français”. Singularité autoproclamée dont Eric Anceau pointe combien elle provoque ironie ou irritation à l’étranger.
« Quand je considère cette nation en elle-même, je la trouve plus extraordinaire qu’aucun des événements de son histoire. En a-t-il jamais paru sur la Terre une seule qui fût si remplie de contrastes et si extrême dans chacun de ses actes », s’étonnait Alexis de Tocqueville en 1856. Quand elle se contemple, la France ne brille pas par sa modestie. Elle revendique aujourd’hui encore son “identité française”, “son exception française”, son “modèle français”. Singularité autoproclamée dont Eric Anceau pointe combien elle provoque ironie ou irritation à l’étranger.
Parv Sylvain Bonnet
Auteur de Laïcité, un principe (Passés composés, 2022), d’une Histoire des impôts (Passés composés, 2023) en collaboration Jean-Luc Bordron et, avant cela, d’une biographie de Napoléon III (Tallandier, 2008) qui a fait date, Éric Anceau s’est imposé comme un des meilleurs historiens actuels, spécialiste de l’histoire politique et sociale de la France. Et il vient de publier une Histoire de la nation française chez Tallandier qui va faire date.
Auteur de Laïcité, un principe (Passés composés, 2022), d’une Histoire des impôts (Passés composés, 2023) en collaboration Jean-Luc Bordron et, avant cela, d’une biographie de Napoléon III (Tallandier, 2008) qui a fait date, Éric Anceau s’est imposé comme un des meilleurs historiens actuels, spécialiste de l’histoire politique et sociale de la France. Et il vient de publier une Histoire de la nation française chez Tallandier qui va faire date.
La nation, ce mot qui fait peur
Quand on a en tête ce que certaines figures comme Philippe Séguin ou Jean-Pierre Chevènement ont dû endurer pour avoir voulu défendre une certaine conception de la nation face aux militants de l’Europe fédérale et aux post-modernistes, cet essai nous montre qu’on revient de loin. Avec brio, Éric Anceau reprend le dossier de nos origines car la France n’était pas évidente. C’est à l’origine une construction des rois capétiens qui se sont imposés dans un royaume morcelé où leur autorité n’est respectée que dans une partie de l’île de France actuelle. Ce qui n’empêche pas que les français se sont cherchés des ancêtres, souvent gaulois et parfois francs (après tout le mot « France » dérive d’eux). Agglomérat de peuples disparates aux langues différentes, la nation française a connu une lente gestation, marquée par le conflit avec les anglais lors de la guerre de cent ans, les guerres de religion et bien sûr la Révolution. C’est là que naît l’idée de nation politique mais la nation « France » n’est pas encore faite…
Une construction toujours fragile
« Vote de tous les jours », pour paraphraser Renan, façonnée par des habitudes, par la langue française et par son apprentissage à l’école, par le service militaire, fortifiée par les épreuves traversées (songeons aux deux guerres mondiales), la nation française existe et fait face à des défis. La construction européenne a fragilisé l’Etat français, son moule initial, et les vagues récentes d’immigration ont mis à l’épreuve la conception nationale française : contrairement à la nation allemande, la France n’est pas une ethnie mais comment intégrer tout le monde et au nom de quelles valeurs ? Reste que la nation existe toujours, qu’elle intègre et assimile aussi (mais moins bien qu’avant). On est d’accord avec Éric Anceau dans sa conclusion : si la France veut exister, elle doit refaire de la politique au sens noble du terme.
Ouvrage magistral.
Éric Anceau, Histoire de la nation française - lelitteraire.com
Par yann-loic andre
Le récit vivant d’une identité en mouvement
Si la nation française est un sujet d’étude inépuisable, rares sont ceux qui parviennent à en raconter l’histoire avec autant de clarté et de souffle qu’Éric Anceau. Historien spécialiste du XIXe siècle et des questions de construction nationale, il est maître de conférences à l’Université de la Sorbonne et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire politique et sociale de la France. Dans Histoire de la nation française, il propose une fresque magistrale retraçant les contours mouvants d’une idée en constante évolution, depuis ses prémices médiévales jusqu’aux débats contemporains qui en redéfinissent les contours.
L’auteur offre un récit dynamique et documenté, dépourvu d’idéologie mais riche en réflexions. En s’appuyant sur les dernières recherches historiques, il montre comment la nation française s’est façonnée au fil des siècles, entre conflits, révolutions et intégrations progressives. Loin de toute vision figée, il insiste sur l’adaptabilité de cette construction identitaire, fruit d’un dialogue permanent entre les peuples, les territoires et les institutions.
L’ouvrage excelle par sa capacité à rendre intelligibles des notions complexes sans jamais sombrer dans la simplification excessive. L’auteur manie avec talent l’art du récit et de l’analyse, illustrant son propos par de nombreux exemples concrets, des Capétiens à la République, de la langue française aux enjeux migratoires contemporains.
Éric Anceau réussit à conjuguer rigueur scientifique et accessibilité, faisant de cet ouvrage une référence indispensable pour qui s’intéresse à l’histoire de France et à la construction des identités collectives. Histoire de la nation française n’est pas seulement un livre d’histoire : c’est une invitation à mieux comprendre les soubassements de notre présent, avec cette conviction que la nation, loin d’être une donnée figée, est une aventure toujours en mouvement. Dans sa conclusion, l’auteur rappelle que la nation française demeure une construction en perpétuelle évolution, oscillant entre héritage et modernité. Il souligne que, face aux défis contemporains, l’unité nationale ne saurait être tenue pour acquise mais nécessite un effort constant de compréhension et d’adaptation.
Loin d’être une simple entité administrative ou un mythe figé, la nation est avant tout un projet collectif porté par ceux qui la font vivre et évoluer.
Par Martin Bernier
LE FIGARO. - Au début de la IIIe République, Fustel de Coulanges disait qu’« écrire l’histoire de France était une façon de travailler pour un parti et de combattre un adversaire » . Quel est votre objectif, en proposant aujourd’hui une nouvelle Histoire de la nation française ?
Éric ANCEAU. - L’objectif était de traiter un sujet difficile, mais ô combien crucial, en proposant un récit érudit et sourcé et, de ce fait, qui échappe aux polémiques, mais qui soit aussi abordable par tous nos compatriotes. Lorsque Fustel de Coulanges écrit que « nos historiens, depuis cinquante ans, ont été des hommes de parti » et que « l’histoire est devenue chez nous une sorte de guerre civile en permanence », nous sommes au milieu de la querelle des deux France qui oppose les partisans de la tradition et les héritiers de 1789.
La nation est alors instrumentalisée par les uns et les autres. Pour le comprendre, il faut remonter le temps. La nation construite progressivement par les Capétiens pour conforter leur pouvoir a ensuite été l’objet d’une lente sédimentation et de phases de cristallisation, comme la guerre de Cent Ans, les guerres de Religion, l’avènement de la monarchie absolue. Cependant, les Lumières ont remis en cause la symbiose entre le roi et la nation ainsi construite en réclamant l’avènement d’une nation politique, et la Révolution a imposé la souveraineté nationale au détriment de la souveraineté royale.
À lire aussi Ernest Renan, ou le théoricien de la nation
Or, le XIXe siècle voit encore s’affronter les deux France et lorsque Fustel de Coulanges prend la plume nous sommes au début d’une République paradoxale, née de la guerre de 1870, où les monarchistes demeurent majoritaires. C’est un euphémisme de dire que la droite et la gauche d’alors ne conçoivent pas la nation de la même façon et ne lui voient pas le même destin.
Précisément, comment définiriez-vous la nation ?
Dix ans après Fustel de Coulanges, en 1882, Renan fait la synthèse des points de vue dans sa conférence à la Sorbonne, « Qu’est-ce qu’une nation ? » Lui-même a beaucoup évolué dans sa conception de la nation : il ajoute alors au partage du « riche legs de souvenirs » de ceux qui la composent et auquel il croyait jusque-là un « plébiscite de tous les jours », car l’Alsace et la Moselle viennent d’être arrachées à la « mère patrie » et il sait bien que, si les Alsaciens et les Lorrains avaient été consultés, ils auraient refusé l’annexion allemande.
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Grand corps malade - Causeur
Par Jonathan Siksou
C’est l’histoire d’un « organisme vivant composé lui-même de millions d’atomes de vie ». Cet organisme vivant, c’est la nation française. Avant de s’atteler à une telle tâche, encore faut-il définir ce qu’est une nation, et l’historien Éric Anceau reconnaît d’emblée la difficulté : l’Académie française elle-même en donne trois déclinaisons dans la dernière édition de son Dictionnaire ! Elle peut être « l’ensemble des personnes établies sur un territoire et unies par des caractères ethniques, des traditions linguistiques, religieuses, etc. », mais aussi « l’ensemble des personnes formant la population d’un État déterminé soumise à la même autorité politique souveraine », et encore « l’ensemble des citoyens considéré comme un corps social distinct des individus comme du gouvernement ».
De grandes choses
De plus, Éric Anceau souligne que la nation française est une construction mentale qui relève de la culture politique dont le sens a lui-même évolué au fil du temps.
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