J’ai lu et aimé « Le prix de l’insécurité : Enquête sur une défaillance d’Etat » - De Christophe Eoche-Duval.
Pourquoi est-il urgent de rendre justice aux victimes "mortes pour la France insécurisée"? Christophe Eoche-Duval mêne une enquête palpitante sur une défaillance de l'Etat...
Christophe Eoche-Duval a publié en septembre 2024 « Le prix de l’insécurité : Enquête sur une défaillance d’Etat » aux éditions Eyrolles. Haut fonctionnaire et essayiste, l’auteur connaît bien la Justice. La perte d'une proche, Geneviève, victime d'un meurtre de la route, l'a engagé à se mobiliser contre l'insécurité sous toutes ses formes. C’est pourquoi il lui est paru « urgent de rendre justice pour les victimes mortes pour la France insécurisée ». L’auteur envisage l’insécurité sous toutes ses formes (insécurité routière, crimes intra-familiaux, violence de droit commun…), insécurité qui cause de nombreuses victimes chaque année en France.
Le premier des droits de l’homme est le droit de vivre en sécurité rappelle-t-il (Art 2 des droits de l’homme, tant de la Déclaration de 1789 que de la Convention européenne de 1950). Cette sécurité est assurée par l’Etat. Nous consentons à réduire chaque jour davantage nos libertés pour remettre notre sécurité entre les mains de l’État. Sécurité financée par nos impôts. Pour quels résultats ? Quelles coûts représentent cette insécurité pour le pays ?
Dans un chapitre de son livre intitulé « la violence, combien de vies sacrifiées », Christophe Eoche-Duval réalise un travail de chercheur. Il aborde l’insécurité sous un angle jamais traité jusqu’ici pour le grand public. Que reste-t-il à la victime une fois l’instant passé du « fait divers » (et encore lorsque la presse veut bien se pencher sur un cas), l’oubli complet de la société, de la justice. Et des familles… souvent dévastées ! D’où la formule choc : oui la violence ce sont des « vies sacrifiées » derrière les statistiques froides.
Après enquête et sans les moyens d’investigations des services de l’Etat, Christophe Eoche-Duval évalue le coût socioéconomique de l’insécurité pour 2020, à environ 175 milliards d’euros, soit 7 points de PIB. L’auteur rappelle que la France consacre 10 points de PIB à l’éducation, A l’heure où l’argent public est rare, il est plus qu’urgent que l’on s’interroge sur l’allocation des ressources dédiées à la sécurité.
Quel est le « prix de la vie » ? La direction de la sécurité routière le fait chiffrer, annuellement, pour évaluer en euros les dégâts des morts sur la route. Et l’auteur de revendiquer, qu’à chaque homicide – quelqu ’en soit la cause d’insécurité qui révèle toujours une défaillance de l’Etat à garantir le droit à la sureté et le droit à la vie - soit versée aux ayants-droits une sanction financière [je vous laisse découvrir le montant dans le livre !]. Selon Christophe Eoche-Duval, obliger l’Etat à réparer aura un effet vertueux garanti : le responsabilisé sur ses échecs en matière de sécurité !
Le haut-fonctionnaire propose d’imposer à l’État une obligation de résultat en matière de sécurité. Et en cas d’échec, de lui appliquer le principe du « insécuriseur-payeur » au bénéfice des victimes. En fait, il s’agit d’imposé à l’État, dans le domaine de la sécurité des gens, le même principe que l'État impose au secteur économique privé, par normes et tribunaux interposés. Personne avant cet essai n’avait osé s’interroger sur une incohérence juridique. Depuis 1911 et les lois qui ont suivi, les opérateurs privés sont soumis à ce qu’on appelle en droit à une « obligation de sécurité de résultat ». Alors que l’Etat, en tant qu’ « opérateur de l’obligation de sécurité intérieure » est protégé par une sorte d’irresponsabilité.
Ainsi l’insécurité n’est pas une fatalité ! Cet essai est un plaidoyer pour que l’État s’applique à lui-même une obligation de résultat, et garantisse la sécurité de ses citoyens – ou qu’il paie le prix de ses défaillances.
Au cours de cet essai, Christophe Eoche-Duval avance plusieurs propositions qui sont autant de préalables pour améliorer les politiques publiques de sécurité intérieure, que l’on peut résumer comme suit :
• se doter d’une vraie statistique de l’insécurité ;
• établir un dénombrement sincère des homicides, volontaires et involontaires, avec tiers pénalement en cause ;
• réaliser un rigoureux chiffrage du coût de l’insécurité ;
• arrêter et publier un chiffrage honnête du prix de la vie humaine ;
• instituer une autorité publique chargée d’évaluer de manière indépendante les politiques publiques de sécurité intérieure ;
• établir un véritable contrôle du Parlement sur la responsabilité de l’État en matière de sécurité des Français.