L’AGFPN, la pompe à fric des syndicats - Par Philbert Carbon

L’Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN), dirigée par les cinq syndicats de salariés représentatifs au niveau national (CFDT, CFE-CGC, CFDT, CGT et FO) et les trois organisations patronales (CPME, Medef et U2P), gère le fonds pour le financement du dialogue social.

Un financement par les entreprises et l’État

Ce fonds a été créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et la démocratie sociale (loi n°2014-288) pour financer les activités des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs concourant au développement et à l’exercice de missions d’intérêt général. Le législateur a, en effet, considéré que ces organisations participaient, à plusieurs titres, « à la conception et la gestion de politiques publiques » concernant l’ensemble des entreprises et des salariés français, « au-delà de leurs propres adhérents » et, qu’à ce titre, elles avaient besoin de moyens financiers autres que ceux fournis par les cotisations de leurs adhérents.

Les ressources du fonds proviennent des entreprises et de l’État. Les entreprises doivent s’acquitter d’une contribution – c’est-à-dire à une taxe dans le français vulgaire – de 0,016% de l’ensemble des rémunérations et avantages versés aux salariés et soumis à cotisations de sécurité sociale. Elle est collectée chaque mois par l’Urssaf auprès des employeurs privés, quelle que soit leur taille. Même les particuliers employant un salarié à leur domicile pour des travaux familiaux ou ménagers (garde d’enfants ou d’une personne dépendante, ménage, petits travaux de jardinage, soutien scolaire, etc.) y sont soumis. La taxe est due également par les employeurs de droit public pour le personnel ayant signé un contrat de travail de droit privé.

Même si l’employeur n’adhère à aucun syndicat patronal (et même s’il n’y a aucun syndicat de salariés dans l’entreprise), il est tout de même contraint de financer ces organisations. Toutes les organisations, pas seulement celles qu’il pourrait désigner comme bénéficiaires de sa contribution.

L’État – c’est-à-dire les contribuables – verse de son côté une subvention qui s’est élevée, en 2023 (dernier chiffre disponible) à 32,6 millions d’euros (M€). La contribution des employeurs s’est, elle, montée à 115,5 M€. Après déduction des charges de gestion administrative (1,5 M€), des frais de recouvrement (presque 600 000 €) et diverses régularisations comptables (plus d’1 M€), les syndicats et les organisations patronales se sont donc partagé 147,2 M€.

Bien évidemment, ce fonctionnement est présenté comme un progrès puisqu’il permet de « clarifier, simplifier et rendre transparent les financements des organisations ». Auparavant, indique le site internet du fonds, « le financement de ces missions d’intérêt général était organisé de façon cloisonnée et provenait de sources diverses ». Désormais, les choses seraient simples et limpides ; l’information financière serait « irréprochable, certifiée et précise » ; les sources de financement, comme les règles de répartition et l’utilisation des crédits versés, feraient l’objet « d’une définition précise, d’un suivi et d’une communication publique ». Bref, la création du fonds aurait été, toujours selon l’AGFPN, « une avancée significative pour renforcer la démocratie sociale et la légitimité des acteurs du dialogue social ».

Ce n’est pas vraiment l’avis de la Cour des comptes qui, dans un rapport datant d’il y a un an, insistait sur le fait que « l’objectif de transparence des financements des organisations syndicales et patronales n’est pas encore pleinement atteint malgré » la mise en place de l’AGFPN. Si la Cour reconnaît que le financement des syndicats patronaux et de salariés est ainsi plus intelligible qu’auparavant, elle n’omet pas de signaler que le périmètre des missions financées par l’AGFPN « est encore flou et nécessite une clarification », que « les règles de calcul des montants distribués aux organisations attributaires sont encore complexes et peu lisibles », que « le travail complexe de redistribution est réalisé avec des moyens de gestion inadaptés ». C’est sans doute pourquoi, ajouterons-nous, que les frais de fonctionnement de l’AGPPN sont si élevés.

Des syndicats de moins en moins représentatifs, mais de plus en plus riches

L’AGFPN répartit les ressources en fonction de la représentativité des diverses organisations, mais elle tient compte aussi de leur participation aux missions légalement financées : la conception, la gestion, l’animation et l’évaluation des politiques menées paritairement ; la participation à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques ; la formation économique, sociale, environnementale et syndicale, et l’animation des activités des salariés exerçant des fonctions syndicales.

Ainsi, en 2023, les organisations patronales ont reçu 50,4 M€ et les syndicats de salariés, 96,8 M€ dont 89 M€ ont été distribués aux cinq syndicats représentatifs au niveau national interprofessionnel de la manière suivante : CFDT, 22,2 M€ ; CGT, 20,6 M€ ; FO, 17,2 M€ ; CFE-CGC, 15,4 M€ ; et CFTC, 13,5 M€.

Depuis la création du fonds en 2015, ces cinq syndicats ont reçu plus de 700 M€ alors qu’ils sont de moins en moins représentatifs. En 2017, la représentativité syndicale a été mesurée à partir des bulletins de vote de 5,6 millions de salariés. En 2021, ils n’étaient plus que 5,4 millions à avoir voté. En 2025, 5 191 216 salariés ont donné leur voix à un syndicat (soit un taux de participation de 36,5%). A chaque mesure d’audience, les syndicats perdent environ 200 000 voix, mais se partagent un gâteau toujours plus gros : 77,6 M€ en 2017 ; 81,9 M€ en 2021 et donc 89 M€ en 2023.

De moins en moins de votants mais aussi d’adhérents. Nous savons que le syndicalisme français attire peu de militants, probablement autour de 5% dans le secteur privé et peut-être le double dans le secteur public. Contrairement à ce que prétendent les organisations, il n’y a pas de regain de vigueur du syndicalisme dans notre pays. Comme l’a montré Le Canard enchaîné en se fondant sur « le nombre de contribuables qui bénéficient du crédit d’impôt leur permettant de récupérer 66% de leur cotisation syndicale, même s’ils ne sont pas imposables : en 2014, ils étaient 1 637 000, contre seulement 1 269 137 en 2023 ; soit une perte sèche, en neuf ans, de quelque 370 000 adhérents ». Dans le même laps de temps, les fonds versés par l’AGFPN ont crû de près de 20 M€.

Supprimer le financement des syndicats

Moins les syndicats ont d’adhérents, moins ils ont de votants, plus ils perçoivent d’argent. Ce système de financement injuste doit prendre fin.

Leur parasitisme ne s’arrête pas là. Les syndicats se financent aussi allègrement grâce au paiement des heures de délégation des élus du personnel et des délégués syndicaux par les entreprises qui sont, par ailleurs, contraintes (selon leur taille) à mettre des locaux à disposition. Les collectivités locales affectent aussi des locaux gracieusement (comme les bourses du travail) de même que les organismes paritaires. Il serait temps, là aussi, de donner un bon coup de balai.

Une seule règle devrait prévaloir : que les syndicats soient exclusivement financés par leurs adhérents. Ce serait la garantie de leur indépendance et de leur caractère responsable.
L’AGFPN, la pompe à fric des syndicats