Le référendum, ce mirage démocratique de la Ve République - Par Jean-Eric Schoettl

Mardi 13 mai dernier au soir sur TF1, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de plusieurs référendums sur des sujets sensibles comme la fin de vie ou l’accès des mineurs aux réseaux sociaux. Mais derrière ces déclarations, la réalité institutionnelle se heurte à des verrous juridiques et politiques de plus en plus contraignants. Dans un contexte de fragmentation parlementaire, le référendum suscite plus que jamais méfiance et fantasmes. Simple effet d’annonce ou tentative de reprise en main du récit démocratique ? Décryptage par Jean-Eric Schoettl.


Jean-Eric Schoettl, les conditions très encadrées du recours au référendum (articles 11, 89, référendum d'initiative partagée...) rendent-elles son usage presque illusoire dans la pratique ? Le référendum n'est-il pas un fantasme juridique au regard des verrous multiples en droit français sur le déclenchement et la thématique ?

Jean-Eric Schoettl :
La révision constitutionnelle de l’article 89 présuppose, avant la convocation du peuple souverain, un texte voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Inimaginable aujourd’hui compte tenu de l’éclatement de l’Assemblée nationale. Quant à lui, le « référendum législatif » de l’article 11 procède du Président de la République, mais peut aussi résulter, après contrôle préalable du Conseil constitutionnel, de l’initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs (RIP).

Le référendum législatif, tel que le prévoit actuellement la Constitution, ne peut porter sur n’importe quel thème. L’article 11 circonscrit strictement le domaine éligible à la consultation populaire. Le projet de loi soumis au référendum doit porter « sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». N’entrent dans le champ de l’article 11 de la Constitution ni les réformes pénales, ni les réformes purement fiscales, ni les questions migratoires, ni les débats sociétaux.

Le Conseil constitutionnel a par exemple jugé en 2022 que l’imposition de bénéfices exceptionnels n’entrait pas dans ce champ. Un référendum sur les retraites serait bien, quant à lui, relatif à « la politique économique et sociale de la Nation », mais cela ne suffirait pas à le rendre constitutionnellement possible. Il faudrait qu’il s’agisse d’une véritable réforme. Ainsi, la proposition de RIP examinée par le Conseil constitutionnel le 14 avril 2023, qui se bornait à cristalliser à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite, n’a pas été considérée comme une « réforme » par le Conseil constitutionnel. Un référendum sur la fin de vie n’entrerait dans le cadre de l’article 11 que si on considérait que la question relève de la santé publique, ce qui est beaucoup moins évident pour le suicide assisté et l’euthanasie que pour les soins palliatifs…

Une partie importante des finances publiques – à commencer par les dispositions relevant exclusivement des lois de finances et de financement de la sécurité sociale – échappent à l’article 11. La Constitution les réserve en effet à un vote du Parlement, dans les conditions prévues par une loi organique. Échappent également à l’article 11, parce que relevant d’une loi constitutionnelle, des questions comme l’instauration d’une règle d’or budgétaire. Un projet de loi référendaire de l’article 11 ne peut empiéter ni sur les matières réservées aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, ni sur les questions financières de niveau constitutionnel. Cela restreint d’autant le périmètre du référendum sur les finances publiques envisagé par François Bayrou.

La portée limitée de l’article 11 est une des raisons pour lesquelles le référendum est, aujourd’hui, un thème de débat plutôt qu’une pratique : on en parle beaucoup, on en fait peu.

Beaucoup des sujets évoqués par la classe politique, y compris par Emmanuel Macron lui-même, sortent du champ de l’article 11 (immigration, fin de vie …) ou du format législatif imposé par cet article.

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