Sauver la démocratie contre les électeurs ? Les populistes, ce casse-tête des élites européennes - Par Chantal Delsol et Jean-Philippe Feldman
Alors que se tient en Roumanie la nouvelle élection présidentielle sans le candidat arrivé en tête lors du 1er tour annulé par la justice roumaine, l’AfD vient d’être classé comme extrémiste par l’Office fédéral de protection de la Constitution.
Atlantico : Les démocraties libérales sont confrontées à la problématique « populiste ». Face aux totems et aux tabous de l’Europe contemporaine, à commencer par les questions d’immigration, d’écologie ou encore la construction européenne, une partie de la classe politique se fige et donne des réponses qui vont à l’encontre des principes et valeurs qui furent longtemps les siennes. Ainsi, en Allemagne, l’AFD vient-t-elle d’être classé comme « extrémiste » par l’Office fédéral de protection de la Constitution. Les élites européennes parviennent-elles à tracer la bonne ligne de démarcation entre partis contestataires mais démocrates et représentatifs de pans entiers des électeurs d’une part et des partis frontalement dangereux pour la démocratie et prêt à la remettre en cause comme les fascistes des années 30 d’autre part ?
Jean-Philippe Feldman : C’est une vieille problématique. De manière schématique, l’alternative est la suivante. D’une part, on peut considérer qu’il ne doit pas y avoir de liberté pour les ennemis de la liberté. En décider autrement serait faire preuve de naïveté coupable. D’autre part, si c’est la faiblesse d’une démocratie, c’est aussi son honneur que d’être tolérante. Et un régime qui vit à base d’interdictions doit se sentir bien faible et peu assuré de son soutien populaire.
On peut comprendre que la question soit d’autant plus sensible que le mouvement litigieux ne soit pas un groupuscule, mais un parti qui recueille un vrai succès populaire. Il est vrai aussi que l’on a l’impression très désagréable que les mouvements sont qualifiés d’extrémistes et parfois disqualifiés si et seulement si ils appartiennent à l’extrême droite. Les instances communautaires n’ont pas fait de procès à la France lorsque, à plusieurs reprises, le gouvernement a été un gouvernement de coalition à participation communiste at que le Parti communiste français était plus communiste que français…
Et quel est aujourd’hui le parti le plus dangereux de France si ce n’est La France Insoumise ? Qui peut croire que notre pays ne risquerait pas une dictature si par malheur Jean-Luc Mélenchon et ses sbires arrivaient au pouvoir, et instauraient une VIe République, qualifiée par certains de bolivaro-islamiste ?
Cela dit, qualifier un parti d’extrême droite ne consiste pas pour autant à lui interdire une participation aux élections. Le même problème s’est posé en France, le Rassemblement National contestant son classement comme mouvement d’extrême droite opéré par le ministère de l’Intérieur.
Ajoutons que l’Allemagne a un rapport très particulier avec les extrêmes. Les deux seuls partis interdits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ont été un parti nazi en 1952 et le parti communiste en 1956. Cela n’a pas empêché des mouvements similaires de se reconstituer ultérieurement.
Chantal Delsol : Il est parfaitement normal, à mon avis, qu’une démocratie se défende contre des partis qui veulent profiter d’elle pour prendre le pouvoir et pour ensuite détruire la démocratie. Dans l’histoire, certains partis annonçaient clairement la couleur : je trouve normal que l’Allemagne de l’après-guerre ait interdit les partis post-nazis, et que les US aient interdit le parti communiste. Et la même question peut se poser aujourd’hui. Evidemment, le problème est que désigner un parti anti-démocratique et dangereux pour le pays, peut s’avérer très subjectif, et même très partisan. En France pendant des décennies à l’époque des goulags soviétiques, nous avons vécu avec un parti communiste financé par Moscou, infiltré partout, qui faisait la pluie et le beau temps dans l’édition et avec, même, un ministre de la Défense stipendié par un gouvernement communiste… et ceux qui s’en indignaient étaient traités d’anticommunistes primaires. Je ne connais pas assez l’AFD pour avoir une opinion là-dessus à son sujet.
Chantal Delsol : Il est parfaitement normal, à mon avis, qu’une démocratie se défende contre des partis qui veulent profiter d’elle pour prendre le pouvoir et pour ensuite détruire la démocratie. Dans l’histoire, certains partis annonçaient clairement la couleur : je trouve normal que l’Allemagne de l’après-guerre ait interdit les partis post-nazis, et que les US aient interdit le parti communiste. Et la même question peut se poser aujourd’hui. Evidemment, le problème est que désigner un parti anti-démocratique et dangereux pour le pays, peut s’avérer très subjectif, et même très partisan. En France pendant des décennies à l’époque des goulags soviétiques, nous avons vécu avec un parti communiste financé par Moscou, infiltré partout, qui faisait la pluie et le beau temps dans l’édition et avec, même, un ministre de la Défense stipendié par un gouvernement communiste… et ceux qui s’en indignaient étaient traités d’anticommunistes primaires. Je ne connais pas assez l’AFD pour avoir une opinion là-dessus à son sujet.