Agnès Verdier-Molinié : « Faire une année blanche est la seule option crédible possible »
« Il faut trouver 40 milliards d’euros de baisses de dépenses, et pas continuer dans la fuite en avant sur les impôts », assure la présidente de la Fondation IFRAP, Agnès Verdier-Molinié.
Cet entretien a été publié dans le journal l'Opinion ce mercredi 4 juin 2025
Faire un « année blanche », idée simple a priori, ne consiste-il pas au fond à se débrancher le cerveau sans chercher à réformer ?
Pas du tout! C'est en réalité la seule option crédible possible quand on n'a pas de majorité et un risque permanent de motion de censure qui empêche de faire des réformes structurelles. L'idée est de projeter les dépenses de 2026 comme si on n'avait ni croissance ni inflation. En 2025, les dépenses publiques vont atteindre en fin d'année 1700 milliards d'euros. Par rapport à 2024, 30 milliards d'euros d'économies était annoncées mais, en fait, les dépenses publiques ont encore augmenté en valeur de 40 milliards d'euros. Cela montre que, même quand on dit qu'on freine les dépenses, elles augmentent! Nous devons maintenant faire comme l'ont fait la Suède, l'Allemagne ou les Pays-Bas : geler en valeur les dépenses pour faire vraiment des économies. Cela veut dire qu'il faut rester en 2026 à 1700 milliards de dépenses maximum, toutes administrations publiques confondues. C'est là que l'on mesure que cette idée d'année blanche n'est pas si « stupide » qu'il y paraît car si on peut geler certaines dépenses, ce n'est pas possible pour toutes les dépenses.
Quelles dépenses peut-on geler ?
D'abord, les 390 milliards d'euros des retraites ; ensuite la masse salariale publique pour 300 milliards d'euros (hors compte d'affectation spéciale pensions); enfin les environ 140 milliards d'aides sociales sous conditions de revenus (APL, RSA, AAH , allocations familiales...). Cela fait un total autour de 830 milliards d'euros dont on peut geler l'évolution pour l'année prochaine. Cela signifie pas d'indexation pour les minima sociaux et les pensions de retraites. Pour la fonction publique, il s'agit de ne pas augmenter la valeur du point, mais aussi de bloquer l'avancement des agents, ce que l'on appelle dans le jargon le GVT (et bien entendu la garantie de pouvoir d'achat aussi). Selon nos calculs, on arrive en gelant ces dépenses, avec une inflation prévue à 2% par la Banque de France pour 2026, à un montant de 16,6 milliards d'euros d'économie.