Bombe iranienne: divergences entre militaires et renseignement aux États-Unis - Par Gil Mihaely

En atteignant un enrichissement de l’uranium à 60 %, l’Iran s’est retrouvé dans une position de puissance nucléaire du seuil : capable d’aller jusqu’au bout en cas de crise aiguë, tout en maintenant une ambiguïté suffisante pour préserver une certaine marge de manœuvre diplomatique, explique Gil Mihaely. Les analyses divergentes de la CIA, des militaires américains ou israéliens sur l’urgence d’une intervention préventive contre l’Iran ne sont contradictoires qu’en apparence.


Selon plusieurs organes de presse, dont CNN et Reuters, un nouveau rapport du renseignement américain indique que l’Iran est encore à environ trois ans d’être en mesure de produire et de déployer une bombe nucléaire opérationnelle. Et donc,contrairement à l’évaluation alarmiste d’Israël, qui estime que Téhéran serait à quelques mois de l’arme nucléaire, les services de renseignement américains jugent ce scénario moins imminent, mentionnant un délai de l’ordre de plusieurs années.Mélenchon a donc raison ? Pas nécessairement voire pas du tout.

Le 10 juin 2025, le général Michael “Erik” Kurilla, commandant du Centcom[1], déclarait devant le Congrès que l’Iran pourrait produire suffisamment de matière fissile pour une bombe nucléaire en moins de deux semaines. Cette déclaration choc, loin d’être isolée, s’inscrit dans une stratégie d’alerte visant à préparer l’opinion publique et les décideurs à un éventuel recours à la force contre la République islamique. Mais elle contraste sensiblement avec les analyses les plus récentes de la CIA et de la communauté du renseignement américain, qui affirment, dans leur rapport annuel publié en mars, que Téhéran n’a pas repris à ce jour son programme d’armement nucléaire.

Faut-il y voir une contradiction, une divergence d’appréciation, ou simplement deux angles de lecture différents d’une même réalité stratégique ?

Le point de départ est factuel : selon l’AIEA, l’Iran possède aujourd’hui des stocks d’uranium enrichi à 60 % suffisants pour produire plusieurs bombes nucléaires. Or, le seuil d’enrichissement pour un usage militaire est de 90 %, mais la conversion de 60 % à 90 % est une étape techniquement rapide pour un État qui en aurait fait le choix politique.