Gilles Kepel : «Après les frappes israéliennes, par-delà le Moyen-Orient, le monde entier retient son souffle»

Si la principale cause de l’offensive de l’État hébreu en Iran est à chercher du côté de la politique intérieure israélienne, cette opération pourrait embraser la région, voire la planète. "Par-delà le Moyen-Orient, c’est donc le monde entier qui retient son souffle" affirme Gilles Kepel.

Gilles Kepel est professeur émérite des universités, Il a notamment publié « Le bouleversement du monde : du 7 Octobre au retour de Donald Trump » (édition actualisée, Pocket, 2025).

Les frappes israéliennes sur la République islamique qui ont commencé dans la nuit du vendredi 13 juin marquent le début d’une offensive qui se veut décisive, dans la foulée de la liquidation militaire du Hamas à Gaza, du Hezbollah au Liban et du régime de Bachar el-Assad en Syrie. Leur éventualité s’était brusquement accrue deux jours auparavant – lorsque le personnel diplomatique américain « non essentiel » avait été évacué des pays voisins, par crainte de tirs de rétorsion éventuels de Téhéran. Pourtant, des pourparlers sur la question nucléaire avaient commencé le 12 avril par l’entremise du sultanat d’Oman entre l’équipe de Donald Trump et le gouvernement des mollahs, et de multiples scénarios circulaient sur la réintégration envisagée d’un Iran « assagi » dans la communauté internationale. Le dimanche 15 juin devait se tenir à Mascate le 6e cycle de négociations menées par l’envoyé spécial de la Maison-Blanche Steve Witkoff et le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi – en dépit d’une conférence de presse du président des États-Unis à la tonalité pessimiste sur la volonté de compromis de l’autre partie, il y a deux jours.

La brusque dégradation de la situation, le ciblage particulièrement efficace de dirigeants militaires, de scientifiques spécialistes du nucléaire et de bases aériennes met l’affrontement israélo-iranien à un niveau jamais vu. L’approbation des frappes par Donald Trump, qui les a qualifiées « d’excellentes » dans les heures qui ont suivi, manifeste qu’un engrenage s’est enclenché qui devrait aboutir, dans son esprit, soit à des concessions sous la pression, soit à une guerre – qui pourrait embraser la région, sinon la planète, parachevant le bouleversement du monde qu’a inauguré la razzia pogromiste du Hamas le 7 octobre 2023.