Il faut fixer les limites d’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme - Par Jean-Philippe Delsol
A l’initiative du Danemark et de l’Italie, les présidents et Premiers ministres, de sensibilités diverses, de neuf pays européens (soit en sus : Autriche, Belgique, Tchéquie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne) ont adressé le 22 mai dernier une lettre à la Commission européenne pour lui demander une réévaluation du rôle de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Ils s’affirment favorables à la protection des droits de l’homme et au respect de l’Etat de droit, mais ils s’inquiètent de l’importance d’une immigration qui profite « de notre liberté et de nos nombreuses opportunités » tout en ayant « choisi de ne pas s’intégrer, s’isolant dans des sociétés parallèles et s’éloignant de nos valeurs fondamentales d’égalité, de démocratie et de liberté ». « Cela, écrivent-ils, risque de saper les fondements mêmes de nos sociétés. Cela nuit à la confiance entre nos citoyens et à la confiance dans nos institutions ». Et ils s’interrogent sur l’interprétation extensive que fait la Cour européenne des droits de l’homme de la Convention européenne des droits de l’homme, ci-après la Convention, notamment dans la gestion des immigrés délinquants, trop souvent au profit de ces derniers plutôt que des victimes. Considérant que la sécurité des citoyens respectueux du droit doit primer, ils demandent que les Etats disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour expulser les étrangers coupables de faits délictueux et pour s’opposer aux Etats qui utilisent « nos valeurs et nos droits contre nous ».
Le danger des droits-créances
Et en effet, la CEDH, chargée de veiller au respect de ses dispositions, fait une lecture extensive de la Convention et de la Déclaration universelle des droits de l’homme – DUDH, proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, à laquelle elle fait référence. En effet, le Préambule de la CEDH vise en liminaire la DUDH et elle précise dans ses derniers mots qu’il s’agit de donner « la garantie collective » de certains (à vrai dire de beaucoup !) des droits énoncés (en fait proclamés ou inventés de toutes pièces) par la DUDH.
Cette dernière énonce les droits qui sont le soubassement de tout Etat de droit : le respect de la vie, des personnes et des familles, de la liberté et de la propriété… mais comme dans le préambule de la Constitution française de 1946 et comme le fera peu après la Convention, elle multiplie les droits « à », c’est-à-dire les droits-créances sur les autres ou les Etats.
Ainsi, la DUDH déclare que toute personne a droit à la sécurité sociale (article 22), « au travail, au libre choix de son travail » (article 23), « au repos et aux loisirs » (article 24), ou encore « à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement […] » (article 25). Elle dispense sans compter des droits-créances qu’elle ne sait ni ne peut faire respecter mais qui nourrissent des revendications utopiques et du ressentiment. D’autant plus que les nations se moquent bien souvent des engagements qu’elles ont souscrits en signant ces traités ou en adhérent à l’ONU ou au Conseil de l’Europe.
Quand les juges prescrivent leur propre vision du droit
Pour leur part, les dispositions de la Convention dépendent largement de la consistance, du sens et de la portée que leur confèrent les juges de la CEDH qui, conformément à l’article 32[1] de la Convention elle-même, s’autocontrôlent et se font juges de leur périmètre d’intervention qu’ils n’ont de cesse d’élargir. Ils le revendiquent d’ailleurs en se prévalant de dépasser la lettre du texte dans une interprétation dynamique, en fonction des finalités qu’ils estiment être ou devoir être celles de la Convention et en tenant compte des évolutions sociales au sein des différents pays membres du Conseil de l’Europe.
La Cour ne transgresse pas le droit, mais elle le façonne volontiers de façon progressiste. Dans son arrêt l’arrêt Matelly c / France du 20 octobre 2014 la CDEH a donné le droit aux militaires d’adhérer à des syndicats. Dans l’affaire Mustafa (Abu Hamza) c/ Royaume-Uni du 18 janvier 2011, elle a annulé pour des raisons controversées les procédures engagées par Le Royaume-Uni contre un islamiste. Dans l’affaire Othman (Abu Qatada) c/ Royaume-Uni du 17 janvier 2012), elle a empêché l’expulsion d’un criminel jordanien vers son pays d’origine malgré les garanties donnée par la Jordanie d’un procès équitable.
Fallait-il d’ailleurs que la CEDH s’occupe d’imposer en France un avocat dès la première heure de la garde à vue, de faire disparaître la distinction entre enfants naturels et légitimes, d’aligner l’allocation d’adulte handicapé des résidents étrangers sur celles des nationaux, d’abroger le délit d’offense envers les chefs d’Etat étrangers, d’établir la filiation des enfants conçus dans le cadre d’une gestation pour autrui… ?
Repenser le rôle des juges
Il est souhaitable de défendre les droits de l’homme considérés comme les droits que nous avons en tant qu’êtres humains, parce que nous existons et sans qu’ils aient à être conférés par l’État. Mais l’extension de ces droits-libertés pour vivre librement, égaux devant la loi et dans le respect d’autrui, à des droits-créances à l’alimentation, à l’éducation, au travail, à la santé et à la liberté… confère à l’Etat des pouvoirs sur les individus dont il ne sait pas ne pas abuser. Le rôle des juges, et notamment de la CEDH, est ou devrait-être précisément de rappeler aux Etats les limites de leur périmètre d’intervention plutôt que de les pousser à l’étendre.
Mais comme les élus, les juges ont la fâcheuse tendance de vouloir user de leur pouvoir au-delà de ses limites. Et c’est plus vrai encore pour les juges des cours internationales qui ne dépendent quasiment que d’eux-mêmes. Il est donc en effet utile et nécessaire de repenser le rôle des juges de la CEDH comme il faudrait le faire aussi pour d’autres juridiction et notamment la Cour de justice de l’Union européenne.
[1] ARTICLE 32, Compétence de la Cour : 1. La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33, 34, 46 et 47. 2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
Il faut fixer les limites d’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme
Le danger des droits-créances
Et en effet, la CEDH, chargée de veiller au respect de ses dispositions, fait une lecture extensive de la Convention et de la Déclaration universelle des droits de l’homme – DUDH, proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, à laquelle elle fait référence. En effet, le Préambule de la CEDH vise en liminaire la DUDH et elle précise dans ses derniers mots qu’il s’agit de donner « la garantie collective » de certains (à vrai dire de beaucoup !) des droits énoncés (en fait proclamés ou inventés de toutes pièces) par la DUDH.
Cette dernière énonce les droits qui sont le soubassement de tout Etat de droit : le respect de la vie, des personnes et des familles, de la liberté et de la propriété… mais comme dans le préambule de la Constitution française de 1946 et comme le fera peu après la Convention, elle multiplie les droits « à », c’est-à-dire les droits-créances sur les autres ou les Etats.
Ainsi, la DUDH déclare que toute personne a droit à la sécurité sociale (article 22), « au travail, au libre choix de son travail » (article 23), « au repos et aux loisirs » (article 24), ou encore « à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement […] » (article 25). Elle dispense sans compter des droits-créances qu’elle ne sait ni ne peut faire respecter mais qui nourrissent des revendications utopiques et du ressentiment. D’autant plus que les nations se moquent bien souvent des engagements qu’elles ont souscrits en signant ces traités ou en adhérent à l’ONU ou au Conseil de l’Europe.
Quand les juges prescrivent leur propre vision du droit
Pour leur part, les dispositions de la Convention dépendent largement de la consistance, du sens et de la portée que leur confèrent les juges de la CEDH qui, conformément à l’article 32[1] de la Convention elle-même, s’autocontrôlent et se font juges de leur périmètre d’intervention qu’ils n’ont de cesse d’élargir. Ils le revendiquent d’ailleurs en se prévalant de dépasser la lettre du texte dans une interprétation dynamique, en fonction des finalités qu’ils estiment être ou devoir être celles de la Convention et en tenant compte des évolutions sociales au sein des différents pays membres du Conseil de l’Europe.
La Cour ne transgresse pas le droit, mais elle le façonne volontiers de façon progressiste. Dans son arrêt l’arrêt Matelly c / France du 20 octobre 2014 la CDEH a donné le droit aux militaires d’adhérer à des syndicats. Dans l’affaire Mustafa (Abu Hamza) c/ Royaume-Uni du 18 janvier 2011, elle a annulé pour des raisons controversées les procédures engagées par Le Royaume-Uni contre un islamiste. Dans l’affaire Othman (Abu Qatada) c/ Royaume-Uni du 17 janvier 2012), elle a empêché l’expulsion d’un criminel jordanien vers son pays d’origine malgré les garanties donnée par la Jordanie d’un procès équitable.
Fallait-il d’ailleurs que la CEDH s’occupe d’imposer en France un avocat dès la première heure de la garde à vue, de faire disparaître la distinction entre enfants naturels et légitimes, d’aligner l’allocation d’adulte handicapé des résidents étrangers sur celles des nationaux, d’abroger le délit d’offense envers les chefs d’Etat étrangers, d’établir la filiation des enfants conçus dans le cadre d’une gestation pour autrui… ?
Repenser le rôle des juges
Il est souhaitable de défendre les droits de l’homme considérés comme les droits que nous avons en tant qu’êtres humains, parce que nous existons et sans qu’ils aient à être conférés par l’État. Mais l’extension de ces droits-libertés pour vivre librement, égaux devant la loi et dans le respect d’autrui, à des droits-créances à l’alimentation, à l’éducation, au travail, à la santé et à la liberté… confère à l’Etat des pouvoirs sur les individus dont il ne sait pas ne pas abuser. Le rôle des juges, et notamment de la CEDH, est ou devrait-être précisément de rappeler aux Etats les limites de leur périmètre d’intervention plutôt que de les pousser à l’étendre.
Mais comme les élus, les juges ont la fâcheuse tendance de vouloir user de leur pouvoir au-delà de ses limites. Et c’est plus vrai encore pour les juges des cours internationales qui ne dépendent quasiment que d’eux-mêmes. Il est donc en effet utile et nécessaire de repenser le rôle des juges de la CEDH comme il faudrait le faire aussi pour d’autres juridiction et notamment la Cour de justice de l’Union européenne.
[1] ARTICLE 32, Compétence de la Cour : 1. La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33, 34, 46 et 47. 2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
Il faut fixer les limites d’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme