La justice est-elle encore rendue au nom du peuple français ? - Par Bertrand Saint-Germain et Georges Fenech
Seuls 48% des Français déclarent faire confiance à la justice, un chiffre qui s'est effondré depuis 2008. Ils ne sont que 30% à estimer qu'elle fonctionne bien, selon des chiffres dévoilés au mois d'avril. Au-delà des indignations des réseaux sociaux ou des effets de manche politiques, comment qualifier les peines prononcées lors des comparutions immédiates des personnes interpellées lors des violences ayant suivi la victoire du PSG ? Par Bertrand Saint-Germain et Georges Fenech.
Atlantico : Au-delà des indignations des réseaux sociaux ou des effets de manche politiques, comment qualifier les peines prononcées lors des comparutions immédiates des personnes interpellées lors des violences ayant suivi la victoire du PSG ? Et comment les expliquer ?
Bertrand Saint-Germain : Ces peines, hélas, sont à l’image de celles qui sont prononcées tous les jours à l’encontre des auteurs de violence physique. La seule différence réside dans le fait qu’elles se voient cette fois-ci médiatisées, compte-tenu de l’ampleur des violences qui ont été commises samedi et dimanche. Pour autant, cette clémence de la Justice vis-à-vis des casseurs n’est pas nouvelle, elle est d’ailleurs en adéquation parfaite avec les conseils prodigués par le substitut Oswald Bodaut en 1974. Rappelons que dans sa Harangue à des magistrats qui débutent, après avoir rappelé qu’il croit la répression inutile, il demande à ses collègues d’appliquer restrictivement les lois répressives et conclut « soyez partiaux (…) Ayez un préjugé favorable (…) pour le voleur contre la police ». Si ces préceptes furent l’étendard du Syndicat de la Magistrature, ils forment bien l’ossature intellectuelle de toute la magistrature sortie de l’Ecole à formater les pensées qu’est devenue l’Ecole nationale de la magistrature (ENM).
Georges Fenech : Commençons peut-être par rappeler qu’il appartiendra à tout un chacun de se faire son opinion sur le prononcé exact des peines. Pour ma part, je constate combien elles ont été dérisoires : tous les émeutiers sont libres, alors que l’on parle tout de même de tirs de mortiers dans certains cas, de pillages et de destructions. Bien entendu, il va de soi que les sanctions doivent être individualisées, mais quand bien même : pour l’essentiel, on parle de peines d’emprisonnement très courtes assorties de sursis (c’est-à-dire, qui ne mèneront pas à de la prison) et d’une amende ; éventuellement d’un stage de citoyenneté. Dans ce contexte, on est évidemment en droit de s’interroger. Notre pays a été sous le feu des projecteurs du monde entier, qui ne comprend pas ce qu’il se passe en France ; où une victoire sportive entraîne de tels comportements, de pareilles violences. Et la réponse apportée par les juges a été d’une faiblesse inquiétante. Ils ont opté pour une réponse pénale absolument insignifiante, qui n’est pas de nature à dissuader quiconque songerait à imiter ces « hordes de sauvages » lors d’une prochaine manifestation.
En vérité, on peut même aller jusqu’à parler de faillite de notre système judiciaire. Les causes sont multiples, et je commencerais par citer Oswald Baudot, ancien magistrat connu pour sa célèbre harangue : il incitait alors les jeunes juges à se montrer « partiaux », à se faire « les défenseurs naturels du voleur contre la police ». Cinquante ans après, on voit encore les effets de cette idéologie permissive et subversive. On accentue la responsabilité d’un policier qui agit dans le cadre de ses fonctions — et qu’on traduit devant la justice comme un meurtrier — tandis que l’on gratifie de stages citoyens des jeunes armés de mortiers qui s’en prennent aux forces de l’ordre. N’oublions pas que certains de nos agents — quoique cela ne se soit pas passé cette fois-ci — sont encore entre la vie et la mort après des agressions survenues à l’occasion de précédentes émeutes. Il apparaît clair, me semble-t-il, que la justice ne rend plus des décisions conformes aux attentes des Français.
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