Laxisme ou pas laxisme de la Justice ? Ces très intéressantes questions que soulève le procureur de Paris sur les casseurs… en se gardant bien d’y répondre - Par Pierre-Marie Sève, Olivier Bonhoure et Bertrand Saint-Germain
Après les débordements survenus lors de la célébration de la victoire du PSG en Ligue des Champions, les sanctions judiciaires prononcées en comparution immédiate suscitent l’indignation. Jugées trop clémentes par une partie de l’opinion, elles relancent le débat sur l’efficacité de la réponse pénale.
Faut-il adopter une nouvelle loi « anticasseurs » ou simplement faire appliquer les textes déjà en vigueur ? Entre sentiment d’impunité, limites structurelles de la justice et pressions sociales, juristes et experts interrogent l’équilibre entre fermeté, efficacité et respect de l’État de droit. Par Pierre-Marie Sève, Olivier Bonhoure et Bertrand Saint-Germain.
Pierre-Marie Seve. Je pense en effet que la réalité des manifestations et du cassage collectif en groupe aujourd’hui appelle une réponse judiciaire adaptée. Et la loi anticasseur est la plus pertinente innovation pénale possible.
En effet, une des grandes difficultés de la police et des enquêteurs est de prouver la responsabilité directe et individuelle de telle ou telle personne interpellée à proximité de casse.
La loi anticasseur permettrait donc de condamner des personnes si elles se trouvent à proximité de casse, même si elles n’ont pas personnellement commis de violences.
Maintenant, en l’occurence, les casseurs lors du match du PSG ne cassaient pas à visage découvert et se sont parfois même dénoncés eux-mêmes sur les réseaux sociaux. La profusion des vidéos et caméras a permis de poursuivre beaucoup de ces casseurs. Et en l’occurence, les premières condamnations ont concerné des gens dont la responsabilité directe avait été établie. La loi anticasseur aurait été inutile, et n’auraient pas empêché la faiblesse des peines prononcées…
Bertrand Saint-Germain. À mes yeux, l’arsenal répressif dont nous disposons est bien assez complet pour viser toutes les situations susceptibles de se présenter et d’ailleurs, de manière générale nous souffrons bien plus d’un excès de loi que d’un trop peu. Parler de la nécessité d’une nouvelle loi « anticasseurs », à l’instant même de ces dernières émeutes, ressemble bien à ce que nous connaissons trop souvent depuis une vingtaine d’années : « un problème ; une loi ». Et c’est quelque chose qui ne sert bien souvent à rien ! Qui se souvient du délit d'occupation abusive des halls d'immeuble qu’avait fait adopter Nicolas Sarkozy dans la loi pour la Sécurité intérieure du 18 mars 2003 ? Ce délit figurant désormais à l’art. L. 272-4 du code de la sécurité intérieure permet de punir les contrevenants de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende ; il n’a, de fait, jamais été appliqué et on l’a simplement modifié pour pouvoir verbaliser sous forme d’amendes forfaitaires… Il en serait probablement de même d’une nouvelle loi. L’enjeu n’est pas dans l’adoption de nouveaux textes, mais bien dans l’application de ceux existants.
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