L’Etat français pourrait-il être décapité par une attaque de drones ? - Par Xavier Tytelman

De l’opération Spider Web menée par les Ukrainiens en Russie aux frappes israéliennes sur les dirigeants du Hezbollah ou de la République islamique d’Iran, les drones sont l’arme qui révolutionne les terrains d’opérations du 21e siècle. Par Xavier Tytelman.


Atlantico : Longtemps cantonné à des usages militaires ciblés, le drone est devenu l’arme de rupture stratégique par excellence. Portée par des États comme par des groupes terroristes, cette technologie bon marché, mobile et difficilement traçable est en train de bouleverser les équilibres de la dissuasion. Loin d’être une menace hypothétique ou cantonnée aux champs de bataille du Moyen-Orient ou d’Ukraine, l’attaque de drones s’impose comme une réalité géopolitique imminente, y compris pour les puissances occidentales. La France est-elle prête à y faire face ? Possède-t-elle les capacités de conception, de production, de défense et de renseignement nécessaires pour prévenir ce type d’attaque ?

Xavier Tytelman: Alors il faut être clair, aucun pays n'a la possibilité aujourd'hui de se défendre contre une attaque telle qu'a subi la Russie avec Spiderweb et tel qu'Israël l'a fait également. Pourtant, c'est une menace qu'on voit monter depuis quelques années, il faut se souvenir de ce que les groupes rebelles avaient fait en Syrie, notamment contre les Russes sur l'aéroport de Lattaquié, dans lequel des drones kamikazes étaient venus s'écraser sur un avion. En 2022, quand les Russes ont perdu un A-50, un avion radar, un drone kamikaze. Et pourtant, il n'y avait jamais eu de véritable retour d'expérience partagé par qui que ce soit.

Je fais partie des gens qui travaillent sur l’innovation. A l'époque, j'avais écrit des rapports sur la menace drone. Je travaillais à la direction de la sécurité civile et de la gestion de crise, avec un court mémo sur les survols de centrales nucléaires, d'installations sensibles, chimiques, et même de l'Élysée. Dès 2016-2017, on voyait déjà des drones civils modifiés par des rebelles, capables de larguer des charges artisanales de manière précise. Ce n’est donc pas réellement nouveau. Cela fait dix ans qu'on voit la menace monter, mais l’absence de prévision stratégique et d’investissement réel nous a laissés désarmés.

Où en est la France dans sa capacité technologique (capacité à concevoir), industrielle (capacité à fabriquer) et militaire (moyens disponibles comme perfectionnement ou non de l’arme drone) ?

Donc massivement il faut être capable de se préparer. D’abord, pour défendre sur la ligne de front, il faut des systèmes capables de brouillage, donc investir dans la guerre électronique. Si un pilote est proche, il faut pouvoir brouiller la communication qui va entre le pilote et le drone.