L’Iran face à ses défis - Par Ardavan Amir-Aslani

Changement possible de régime, accès au nucléaire civil, déstabilisation de la région, inquiétude des pays arabes : la guerre qui sévit en Iran menace de bouleverser tout le Moyen-Orient. Éclairage et analyse de Ardavan Amir-Aslani


Maître Ardavan Amir-Aslani est avocat et auteur de nombreux ouvrages consacrés aux sujets géopolitiques. Il est notamment l’auteur de De la Perse à l’Iran. 2500 ans d’histoire
Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé

Conflits : Pourquoi l’Iran tient-il autant à disposer de l’arme nucléaire ? Est-ce pour se protéger des attaques extérieures ou pour en faire un usage offensif ?

Ardavan Amir-Aslani : Dans l’absolu, l’Iran ne cherche pas spécialement à se doter de la bombe nucléaire. En revanche, il a besoin d’une énergie nucléaire peu coûteuse. Dès les années 1950, le Shah lance le développement d’un programme nucléaire civil, avec l’appui des Occidentaux.

L’avènement de la révolution islamique en 1979 interrompt ce programme civil. Mais la guerre entre l’Iran et l’Irak, de 1980 à 1988, change la donne. Le régime iranien prend alors conscience que, malgré l’agression irakienne, les Occidentaux soutiennent Saddam Hussein.

L’Iran décide donc de relancer un programme nucléaire pour sanctuariser son territoire contre les attaques extérieures.

Ce programme a donné lieu, en 2015, à un accord entre les États-Unis et l’Iran qui limitait l’enrichissement de l’uranium à 3,67 %, uniquement pour ses besoins civils. L’Iran a respecté la totalité de ses engagements, comme l’ont attesté treize rapports successifs de l’AIEA, jusqu’au retrait des États-Unis en 2018. Depuis cette dénonciation, l’Iran a effectivement accéléré l’enrichissement de son uranium, dont le taux avoisine à présent les 60 %. Cependant, Israël fait semblant d’ignorer que, certes, seule une décision politique et quelques semaines suffiraient pour passer aux 90 % nécessaires à l’arme nucléaire, mais que la militarisation de ces armes prendrait plusieurs années.

Tous les rapports des renseignements occidentaux, y compris celui de la CIA, ont démenti que l’Iran cherchait à se doter de l’arme nucléaire. Le témoignage en mars dernier de Tulsi Gabbard, directrice du renseignement américain, le confirme.

Il faut aussi rappeler que Téhéran est signataire du TNP, contrairement à Tel-Aviv, qui n’accepte pas les vérifications de l’AIEA. Cependant, les frappes israéliennes risquent de bousculer les choses et de pousser l’Iran à accélérer son programme nucléaire clandestinement, en se retirant du TNP.

La situation actuelle prouve bien que les accusations de Tel-Aviv sont infondées et que l’Iran ne constitue pas une menace nucléaire imminente : l’armée israélienne contrôle l’espace aérien de Téhéran, la plupart des missiles iraniens lancés contre Tel-Aviv ont été interceptés, et les capacités balistiques iraniennes seront bientôt épuisées. Israël et les États-Unis veulent une reddition complète de l’Iran afin de le priver même de son droit au nucléaire civil, qui est pourtant prévu par le Traité de non-prolifération.