Vers un soulèvement populaire en Iran ? Révélations sur ce qui se joue en coulisses en l’état - Par Emmanuel Razavi

Et si l’Iran touchait au point de rupture ? Dans un contexte de guerre larvée et de pressions internationales, Emmanuel Razavi décrypte un tournant décisif. Pour la première fois, Reza Pahlavi appelle à une insurrection. En face : un régime fragilisé, divisé entre réformateurs compromis et conservateurs radicalisés. Et dans l’ombre, des coalitions d’opposition qui s’organisent. Le pari d’un renversement semble à portée. Mais les Iraniens, longtemps trahis par l’Occident, hésitent encore à croire qu’ils ne seront pas une fois de plus abandonnés.


Atlantico : Reza Pahlavi, héritier du Shah d'Iran, a pour la première fois appelé au soulèvement populaire. Le cas échéant, si soulèvement populaire il y a, sera-t-il relativement structuré, ou diffus et prolongé ?

Emmanuel Razavi : Je pense que le prince Reza Pahlavi juge que cette guerre est parvenue à un point de non-retour. Comme d’autres leaders des oppositions iraniennes, notamment chez les Kurdes avec lesquels je parle régulièrement, ou encore au sein des mouvements libéraux, il sait que les mollahs sont animés par une idéologie meurtrière, et qu’Israël est désormais menacé de façon existentielle. Dès lors, tous ces chefs de l’opposition considèrent que l’Iran est à un tournant de son histoire. C’est la raison pour laquelle, sur les boucles de certains mouvements, on entend parler depuis 2 jours, de coalitions, et de soulèvements. Cela étant, j’ai l’humilité de dire que je ne sais pas tout, ce qui est heureux. Car l’opposition iranienne sait aussi garder ses secrets, alors que ses mouvements de résistance sont tous en alerte… Je voudrais terminer sur Reza Pahlavi, que j’ai interviewé dans Paris Match l’année passée, et vous dire que quoiqu’en pense certains, il a une vision politique et géopolitique à long terme de ce qui doit changer en Iran, et évoluer au Moyen-Orient. Comme d’autres leaders iraniens, c’est aussi un homme habité par la démocratie, et la laïcité. Concernant la structuration des partis démocratiques iraniens, ils sont de plus en plus structurés, et je vois depuis un moment qu’ils cherchent à former une ou des coalitions, ce qui n’est pas simple, chacun de leurs chefs ayant son agenda. Mais là, je crois comprendre qu’ils sont presque tous en train de gérer l’urgence. En clair, essayer de réunir ceux qui le veulent, et faire tomber le régime, pour ensuite se mettre autour de la table et travailler à ce qui deviendra l’Iran libéré des mollahs. Personnellement je le pense, il faut faire confiance à ces mouvements d’opposition iraniennes démocratiques.

En partant des déclarations de Trump, peut-on raisonnablement croire à un soulèvement, alors que les doutes persistent et que nombreux sont ceux qui redoutent d’être réduits à de la chair à canon, puis abandonnés par l’Occident, comme dans d’autres conflits passés ?

Emmanuel Razavi : C’est une bonne question. Les Iraniens sont abandonnés depuis 46 ans par l’Occident, qui s’arrange des mollahs. Je crois pourtant comprendre des échanges que j’ai eus, que le sentiment qui domine en Iran dans certaines villes, c’est la peur et la panique, notamment dans les zones bombardées. Mais il y aussi une lassitude profonde, ainsi qu’une envie de voir cette guerre se terminer. Bien sûr, le régime compte encore des soutiens parmi les gens qui travaillent pour lui, et qui font vivre des familles entières. Mais ils sont de moins en moins nombreux. Après, en Iran, comme partout ailleurs dans le monde, les opinions et les convictions sont plurielles. J’ajoute qu’elles le sont d’autant plus que les Iraniens, très éduqués, ont une mentalité ainsi qu’une culture politique fine et complexe. Mais les Iraniens, dans leur majorité, ne veulent plus du régime.

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