« Vladimir Poutine ne négociera que sous la contrainte ». - Par Peter Doran

La guerre d’Ukraine a suscité une vague d’inquiétude dans les pays baltes quant aux risques représentés par le voisin russe. En Ukraine, les perspectives de paix s’éloignent, Vladimir Poutine ne souhaitant pas la fin des combats. Entretien avec Peter Doran par Henrik Werenskiold.


Vous avez récemment effectué un voyage d’études en Estonie. Quelles sont vos principales conclusions ?

J’étais avec un groupe d’Américains, sept personnes au total. Nous sommes allés à Narva, où 95,7 % de la population est russophone. Là-bas, nous avons eu des discussions très intéressantes avec des Estoniens de souche et des citoyens estoniens russophones ; cela m’a ouvert les yeux. Nous avons également assisté à plusieurs réunions d’information organisées par différents services du gouvernement estonien, qui portaient principalement sur les alliances des États-Unis et sur ce que nous appelons l’escalade dans la zone grise russe en mer Baltique, en particulier la « flotte fantôme » russe.

En ce qui concerne les Estoniens russophones de Narva, quelle est votre impression sur leur sentiment face à la situation actuelle ? Dans quelle mesure sont-ils loyaux envers l’État estonien, par opposition au soutien à l’impérialisme russe et à la « grandeur de la mère patrie » ?

Voir les deux côtés de la médaille m’a ouvert les yeux. Je n’ai pas eu l’impression que les russophones de Narva aient des loyautés partagées, même si l’un des principaux messages que nous avons entendus est qu’il existe de nombreux mythes sur Narva et sur ce que veulent ses habitants. Ils ont essayé de minimiser les tensions et avaient une attitude du type « nous voulons juste qu’on nous laisse tranquilles ».

D’après nos conversations sur le terrain, nous avons clairement perçu leur désir de simplement vivre leur vie et d’être laissés tranquilles. C’était leur message principal et notre sentiment général. Dans le même temps, les Estoniens soulignent que, pour un groupe qui souhaite être laissé tranquille, ils reçoivent beaucoup de subventions économiques du gouvernement estonien. Donc, comme dirait Bill Clinton, « c’est l’économie, idiot ».

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Dans ce contexte, Narva m’a rappelé, dans un certain sens, une version balte des Appalaches : un endroit qui a souffert d’un déclin économique à long terme et d’un exode rural, et cela se voit vraiment. Un chiffre qui m’a frappé est que Narva ne compte plus aujourd’hui qu’environ 50 000 habitants, contre environ 80 000 il y a quelques décennies. Le nombre de personnes qui partent est élevé, et le nombre de celles qui reviennent et ont des enfants est très faible, de sorte que la ville souffre vraiment de cet exode.