La grande peur du progrès technique : radioscopie d’une panique morale… - Raul Magni-Berton et Bertrand Vergely
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La polémique autour de la loi Duplomb, qui autorise l’usage des néonicotinoïdes malgré leur validation par la majorité des agences sanitaires européennes, suscite une vive réaction populaire. Plus d’un million de citoyens ont signé une pétition contre cette loi, révélant un malaise plus profond vis-à-vis du progrès technique. Selon Raul Magni-Berton et Bertrand Vergely, ce rejet peut être interprété comme une "panique morale", symptomatique d’une société en perte de repères. Un entretien Atlantico.
Raul Magni-Berton est actuellement professeur de science politique à Sciences Po Grenoble. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.
Bertrand Vergely est philosophe et théologien. Normalien, agrégé de philosophie et professeur de khâgne, il enseigne également à l'Institut d'études politiques de Paris et à l'Institut Saint-Serge.
Magni-Berton souligne le décalage entre comportements individuels et attentes politiques : les citoyens réclament des politiques environnementales strictes tout en conservant des habitudes peu écologiques. Ce paradoxe s’explique par une volonté d’être contraint par la loi afin d’agir autrement. Il insiste aussi sur la méfiance croissante envers les institutions, nourrie par une complexité du monde jugée incontrôlable et un manque de débat démocratique.
Vergely rappelle que cette panique morale trouve racine dans un climat de surveillance généralisée, qui rappelle les systèmes autoritaires du passé. L’écologie punitive et la montée des contrôles techniques nourrissent cette angoisse. Il déplore la perte d’intériorité dans nos sociétés modernes, devenue prison virtuelle où chacun surveille l’autre.
Tous deux alertent sur la tension entre les écologistes, soucieux de préserver la planète, et les agriculteurs, préoccupés par leur survie économique. Le débat devient polarisé, chacun accusant l’autre d’être responsable de catastrophes. Enfin, la méfiance interpersonnelle et envers les institutions alimente cette panique, mettant à mal la cohésion démocratique.
©Laurent Sailly
Raul Magni-Berton et Bertrand Vergely
La grande peur du progrès technique : radioscopie d’une panique morale…