Incapable de protéger nos forêts, l’État joue avec le feu - Par Jean-Philippe Feldman


Nous avons détourné la phrase ampoulée de Jacques Chirac prononcée en 2002 pour l’adapter au domaine forestier. En effet, comme chaque année ou presque, des dizaines de milliers d’hectares de forêts brûlent dans notre pays et font la une de l’actualité. Dans 90 % passés des cas, les feux ont une origine humaine, volontaire ou involontaire, d’autant plus dramatique compte tenu des températures accrues.

Nous délaisserons les aspects préventifs pour nous concentrer sur les moyens d’intervention. Tant l’an dernier (26 août 2024) que cette année (5 juin, 9 juillet et 6 août 2025), Le Figaro a consacré des articles, parfois substantiels, afin de se demander pour quelle raison l’État se trouvait si démuni.

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Il en ressort qu’en 2024, sur une flotte réduite à 12 bombardiers d’eau de type Canadair, seuls 0 à 2 d’entre eux étaient opérationnels ! Cette année, le total disponible a grimpé à 9, mais les appareils sont toujours vétustes, en moyenne 30 ans d’âge. Quant au sous-traitant de la Sécurité civile chargé de la maintenance, s’il est compétent, il semble en sous-effectif.

Pourtant, en 2022, année lors de laquelle 66.000 hectares de forêts avaient brûlé, Emmanuel Macron avait annoncé un « Plan de renouvellement aérien d’urgence », la flotte devant passer à 16 bombardiers de type Canadair d’ici à 2027 moyennant un investissement de 250 millions d’euros. Ce plan a fait… long feu, mais des commandes groupées de plusieurs Etats européens ont enfin été lancées. Or, on sait que le fabricant ne tiendra pas les délais, ainsi que le précisait déjà un rapport de 2023 (rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestiers, Assemblée nationale, n° 1178, 2 mai 2023).

Le contribuable paye beaucoup pour la lutte contre les feux de forêts

Bruno Retailleau a présenté le 5 juin dernier une « Stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies », ce qui n’a pas empêché plus de 16.000 hectares de forêts d’être ravagés dans l’Aude. En fait, la flotte actuelle est prévue pour traiter trois incendies de manière simultanée sur 500 hectares… Et comme le 7 juillet déjà un feu se déclarait dans l’Aude et que le lendemain un grave feu ravageait Marseille, les moyens d’intervention ont dû être redéployés en catastrophe de l’un à l’autre au détriment du premier !

Il ressort d’un rapport de l’Assemblée nationale (rapport d’information relatif à la gestion forestière de l’État, n° 1643, 25 juin 2025) que le coût de la lutte contre les feux de forêts s’est établi à 340 millions d’euros en 2024. Compte tenu de la médiocrité des résultats, le contribuable est amené à se demander si l’argent dépensé a bien été employé et si la gestion de l’Etat a été avisée. Il est permis d’en douter.