Le fameux scénario Zéro Émission Net est malheureusement une fiction - Par Dominique Finon



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Le scénario Net Zero Emissions (NZE) de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) vise la neutralité carbone d’ici 2050.
Ce scénario part d’un objectif souhaité et imagine les étapes pour y parvenir, sans tenir compte de la faisabilité réelle. Il ignore les inerties économiques, sociales et techniques. L’auteur dénonce une vision hors-sol, fondée sur une gouvernance mondiale fictive capable de piloter les comportements et les investissements. En outre, en focalisant sur l’arrêt des investissements fossiles, l’AIE risque de provoquer une instabilité énergétique. La destruction prématurée de l’ancienne économie (fossile) sans avoir construit la nouvelle pourrait être coûteuse et contre-productive.
Dominique Finon appelle à des objectifs réalistes, fondés sur les capacités techniques, les ressources disponibles et les besoins sociaux. Il plaide pour une transition graduelle, en commençant par réduire la demande mondiale de pétrole et de gaz avec patience et pragmatisme.

Laurent Sailly

Dominique Finon
Le fameux scénario Zéro Émission Net est malheureusement une fiction

L’Agence internationale de l’énergie a transformé un exercice de prospective en une feuille de route impérative. Le souhaitable est devenu le faisable. Dans ce type d’exercice de prospective, on part de l’objectif à atteindre et on remonte toutes les étapes nécessaires pour y arriver. Peu importe qu'il s’agisse d’un scénario impossible à réaliser pour des raisons à la fois techniques, économiques, sociales et politiques. En fait, il conduit à détruire l’ancienne économie avant même d’avoir construit la nouvelle. 

Par Dominique Finon, directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur associé à la chaire European Electricity Markets (université Paris-Dauphine) et au CIRED (Pont ParisTech & CNRS). Ancien président de l’Association des économistes de l’énergie (FAEE). 

Article paru dans le numéro 23 du magazine Transitions & Energies.

À partir de l’idée impérative de tout faire pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C et « éviter la catastrophe », un dogme s’est établi autour de l’objectif de neutralité carbone en 2050, le désormais célèbre Zéro Émissions Net, d’où a découlé le corollaire de l’urgence de sortie des combustibles fossiles.

Pour avoir une très forte baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050, il faudrait dès à présent réduire les quantités de combustibles fossiles mises en œuvre, car il n’y aurait aucune marge de manœuvre pour ne pas dépasser un budget carbone de 400 gigatonnes (Gt) de CO2 cumulées. Selon le rapport Net Zero Emissions in 2050 (NZE) publié en avril 2021 par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui est devenu la référence incontournable, il faudrait une réduction très rapide de la consommation de combustibles fossiles de 25 % d’ici à 2030 et de 80 % d’ici 2050 pour tenir ce budget carbone. Il faudrait aussi que les demandes de pétrole, de gaz naturel et de charbon atteignent leur pic autour de 2030 pour ensuite décroître vite, date désormais très emblématique sur laquelle l’AIE ne cesse d’insister depuis 2021 dans ses rapport annuels, les World Energy Outlook. Pourtant, en dehors de la profession pétrolière, toutes les analyses des grands cabinets spécialisés (Ernst & Young, Rystad Energy, McKinsey, Wood Mackenzy, etc.) réfutent cette vision.