Qui rendra la justice indépendante ?
En début d’année,
la
loi du 18/11/2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle est
entrée en vigueur. Or celle-ci qui, selon le Garde des Sceaux, crée
les conditions d’un meilleur fonctionnement de la Justice française, si elle
comporte de réelles avancées, ne va pas assez loin. La grande
majorité des Français veulent une réforme en profondeur de notre système
judiciaire. Or selon moi, la réforme attendue ne peut faire l’économie d’une
révision constitutionnelle.
La réforme
fondamentale est constituée par l’article
16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lequel : "Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution." Le préambule de
la constitution de la Vème République fait référence à ce texte.
Pourtant, la méfiance des constituants à l’égard d’un éventuel
gouvernement des Juges (souvenir biblique mais surtout des juges de
l’Ancien Régime) fait que la Justice dans notre pays n’est pas indépendante. Elle
n’est même pas un pouvoir puisqu’elle est qualifiée de « autorité judiciaire ».
De plus, la Constitution de la Vème République n’évoque que l’ordre judiciaire
(oubliant
fort à propos l’ordre administratif !). Cet asservissement au pouvoir
politique (et plus exactement au pouvoir exécutif) trouve sa traduction à
plusieurs niveaux : le Président de la République est le garant de l’indépendance
de la justice (art. 64) ; droit de grâce du président de la République qui
résonne comme un anachronisme, véritable déni de justice ; dans la
désignation du Conseil Supérieur de la Magistrature (art. 65) ;
intervention dans l’évolution professionnelle des magistrats. De plus, pour les
magistrats
du parquet reçoivent directement leurs instructions du ministre de la
justice !
La
multiplication des « affaires »
politico-judiciaires ont mis à jour cette dépendance des juges aux politiques.
De même, l’existence de juridiction d’exception (Haute
Cour et Cour
de Justice de la République) participe à cette défiance.
Alors il
convient, dans une société moderne comme la nôtre, dans une démocratie qui a
une histoire plus que centenaire (avec des périodes plus difficiles) de
consacrer un véritable pouvoir judiciaire.
Anachronisme
comme l’a été le ministère de l’information, les ingérences (réelles ou non) dans
l’organisation de la justice sont intolérables dans notre démocratie. Le ministère
de la Justice prendrait alors la forme d’une Chancellerie en charge des Sceaux
de la République et des relations avec le pouvoir judiciaire (comme il existe
un ministre en charge des relations avec le Parlement).
La
transformation du Conseil Supérieur de la Magistrature en un Conseil Supérieur de
la Justice dont les membres sont élus par les magistrats, qui récupère
l’ensemble des attributions de l’ancien Ministère. Il
serait chargé du déroulement de carrière des magistrats du siège, mais aussi
des magistrats du parquet qui ne dépendraient plus du gouvernement et donc du
pouvoir politique.
L’élection des
magistrats au suffrage universel indirect par un collège de Grands Electeurs
(conseillers municipaux, territoriaux et magistrats en fonction) a une double
fonction : indépendance et responsabilité. La conséquence est la disparition
de l’Ecole Nationale de la Magistrature au profit du développement d’une
filière complète des « carrières judiciaires » (faculté de droit). Mais
tout citoyen doit pouvoir se présenter à une fonction de la Magistrature :
on ne demande pas aux candidats à l’élection présidentielle s’il a le niveau
d’étude suffisant pour assumer la fonction !
La suppression
de l’ordre administratif et par conséquent du Conseil
d’Etat (et du Tribunal des
Conflits), de la Haute Cour et de la Cour
de Justice de la République, l’ordre judiciaire devenant seul compétent au
travers d’une Chambre Administrative. De même, les Tribunaux de commerce et les
Prud’hommes sont remplacés respectivement par une Chambre des conflits
commerciaux et une Chambre prud’homale au sein de chaque Tribunal.
Le contrôle de
constitutionnalité des normes réglementaires est depuis longtemps assuré par le
juge administratif. Dans notre proposition, cette compétence revient à l’ordre
judiciaire. Aussi, pourquoi ne pas faire confiance à ces mêmes acteurs (élus du
peuple dans notre système pour juger de la constitutionnalité de la loi
« expression de la volonté générale ». Dès
lors, le Conseil Constitutionnel, composé de « sages » fortement
politisé n’a plus de raison d’être.
Les
magistrats ne doivent plus avoir le droit de se syndiquer, ni d’adhérer à
un parti politique, ni avoir le droit de grèves. Le « mur des cons »
a donné une image désastreuse du juge. La politisation des magistrats (le
fameux « juge rouge »), légalisée par la possibilité de se syndiquer,
constitue un manquement certain à la neutralité de ceux-ci.
En conclusion,
il n’existe sans doute pas de système juridique parfait et l’expérience montre
qu’à un moment ou à un autre de l’histoire les « juges » sont au cœur de la
polémique. Il est important d’assurer leur indépendance, mais elle sera
effective et la justice sera rendue de façon satisfaisante si tous les autres
pouvoirs sont aussi libres de l’exercer : exécutif, législatif mais aussi la
presse dont la liberté d’expression est garante de démocratie effective.