GRAND DEBAT NATIONAL : Les citoyens français doivent réinventer leur environnement politique
La République « indivisible » est ébranlée par de
profondes fractures sociales, communautaristes, territoriales qui se
répercutent sur la perception des institutions par les citoyens : déficit
de proximité de plus en plus des services publics, échecs des politiques
d’aménagement du territoire (banlieues, zones périurbaines…), centralisation des
décisions, éloignement (social) des représentants.
La crise économique
opposant les victimes des difficultés économiques et sociales et les « nantis »
dont feraient naturellement partie les élites politiques, se traduit par un
désengagement de la vie politique, qui peut aller jusqu’au rejet des
institutions. Elle corrobore la thèse d’un pouvoir politique devenu impuissant
et alimente la défiance des citoyens vis-à-vis de la parole politique en
mettant en évidence un décalage entre les promesses électorales et la situation
vécue par la population.
N'est-ce pas notre Constitution qui est
responsable de bien des difficultés politiques actuelles ? Ne devient-elle pas
un handicap à une nécessaire évolution vers plus de participation et un
meilleur équilibre des pouvoirs ? Que faire alors ? Aller jusqu'à une VIe
République ? Malgré ses succès et ses métamorphoses, née en bravant la
démocratie parlementaire, elle continue de défier la démocratie des citoyens. Sans
doute peut-elle encore durer, mais combien de temps et à quel prix ? « Il y a un accord pour dire que les
institutions actuelles sont à bout de souffle et ne permettent plus un exercice
responsable et démocratique du pouvoir », analysait Dominique Rousseau.
Selon l’historien Pierre Rosanvallon, la démocratie s’est toujours manifestée à la
fois comme une promesse et comme un problème. Promesse d’un régime accordé aux
besoins de la société, cette dernière étant fondée sur la réalisation d’un
double impératif d’égalité et d’autonomie. Problème d’une réalité souvent fort
loin d’avoir satisfait ces nobles idéaux. Le principe de construction
électorale de la légitimité des gouvernants et l’expression de la défiance
citoyenne vis-à-vis des pouvoirs ont ainsi pratiquement toujours été liés. Dans
l’avant-propos du groupe de travail sur le devenir des institutions, le
président Bartolone soulignait combien le régime actuel « n’était plus en mesure de répondre aux
attentes légitimes des citoyens et des citoyennes. » Et de
poursuivre : « De la démocratie
découlent, en effet, deux exigences : que le citoyen ait le sentiment que sa
volonté politique est pleinement représentée et que cette volonté soit en
mesure d’agir sur l’avenir collectif de la Nation. En d’autres termes : que le
peuple souverain est maître de son destin.
Or c’est bien là où le bât blesse. Nos compatriotes, à l’aube de ce
nouveau siècle, pour l’écrasante majorité d’entre eux, ne partagent nullement
ce sentiment. De là, l’impossibilité de
construire tout nouveau projet commun. »
Ce déficit de confiance aurait pu être compensé
par un effort de représentation. C’est l’inverse qui se produit. Le Parlement
français reste, même après le renouvellement de 2017, le mauvais élève européen
en termes de représentation des ouvriers et employés, des minorités visibles. Les
femmes sont mieux représentées mais n’accèdent toujours pas au perchoir ou aux
postes de questeurs. Le maintien d’un mode de scrutin majoritaire à deux tours
aux élections présidentielle et législatives contribue grandement à ce statu
quo, empêchant l’émergence de coalitions gouvernementales, novatrices ou même
de majorités d’union nationale susceptibles de légitimer un processus de
réformes. Les récentes expériences de grandes coalitions en Allemagne ou en
Autriche témoignent d’une flexibilité institutionnelle capable de dépasser les
seuls intérêts des partis politiques. Une démocratie représentative peut-elle
sereinement affronter des périodes de crise économique lorsqu’elle est incarnée
par des élites accusées d’impuissance, voire de myopie à l’égard des priorités
publiques ?
Crise économique (dette étouffante, hausse des prix et du chômage...),
crise sociale (grogne populaire face aux privilèges, revendication sur le pouvoir
d’achat...), et crise politique (incapacité du pouvoir à réformer), le pays est coincé entre l'envie
d'améliorer la situation et la peur d'un changement radical pourtant nécessaire
à cette amélioration.
Conçue en 1958, dans une période trouble où la France était frappée par
la guerre d’Algérie, la décolonisation et la Guerre froide, la Constitution de
la Vème République a apporté stabilité et continuité à notre pays.
Dominique Rousseau précise que jusqu’à la révision de juillet
2008, la "Vème République" a connu trois grandes ruptures. En 1962,
avec l’élection populaire du chef de l’État. Sans doute, de 1958 à 1962, les
circonstances politiques – la guerre d’Algérie – ont-elles imposé un
gouvernement présidentiel ; mais, si l’élection parlementaire du président
avait été maintenue, la France aurait eu, après de Gaulle, des présidents-arbitres
et un gouvernement primo-ministériel. En 1974 ensuite, avec le droit de saisir
le Conseil constitutionnel accordé à soixante députés et soixante sénateurs.
Sans doute, là aussi, le contrôle de constitutionnalité avait été introduit en
1958 ; mais sa mise en œuvre était laissée à quatre autorités seulement, le
président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée
nationale et le président du Sénat. D’où ce chiffre : 9 décisions de 1958 à
1974 ! En ouvrant les portes du Conseil, le constituant de 1974 ouvrait le
contentieux de constitutionnalité et mettait fin au légicentrisme : désormais,
la loi n’exprime la volonté générale que si elle respecte la constitution. En
2000 enfin, avec la réduction du mandat présidentiel à cinq ans. Et, plus
encore, avec la décision d’inverser le calendrier électoral pour que l’élection
présidentielle se déroule quelques semaines avant les élections législatives.
L’objectif recherché est d’empêcher toute cohabitation, de souder majorité
présidentielle et majorité parlementaire, de fermer toute évolution
primo-ministérielle du système politique. La pratique mitterrandienne a
entériné et enraciné le caractère présidentiel du régime, les trois
cohabitations l'ont suspendue, le quinquennat et la synchronisation des
élections présidentielle et législative rendent de telles parenthèses
rarissimes ajoute Olivier Duhamel.
Selon Olivier Duhamel, l'efficacité de la Vème
est plus grande que dans le parlementarisme de type IVe République, mais moins
que dans les autres démocraties majoritaires dirigées par le Premier ministre.
Quant à la légitimité, force est de constater que les citoyens adhèrent au
présidentialisme même s'ils en raillent les excès et se révoltent
occasionnellement contre ses bévues.
Le président de la République : l’Etat c’est
lui ?
Pour Frédéric Rouvillois, professeur de
droit public, la Vème République constitue incontestablement un ersatz de
monarchie, le général de Gaulle employait lui-même la formule de « monarchie républicaine ». Il attribuait
à l'absence de monarque, de chef, l'abdication de la Troisième République face
à l'Allemagne ainsi que l'instabilité permanente de l'IVème. Pendant la Troisième
République on a constamment été à la recherche d'un père, d'un chef, de grandes
figures naissent : Gambetta, Ferry, Boulanger, Clémenceau… mais ils finissent
tous par être avalés, recouverts par le système.
Si la Vème République a
pu fonctionner de manière durable et efficace, c'est grâce à une combinaison de
République et de monarchie. Raymond Aron parlait d’une « monarchie paternaliste introduite sous couvert de la Constitution de
1958 ». C'est ce qui lui a permis sa grande stabilité et sa légitimité. Les
institutions françaises sont solides mais elles nécessitent à leur tête, des
personnalités hors norme. On ne peut donc pas être un président
"normal" sous la Vème République ; il faut être exceptionnel pour
exercer la fonction. Quand le monarque ne fait pas son
boulot de monarque, cela donne une raison de plus aux Français d'être
nostalgiques, cette fois de la monarchie tronquée de 1958.
La singularité du
système semi-présidentiel à la française, caractérisée par la dyarchie du pouvoir
exécutif, affaiblit aussi l’exercice du pouvoir et renforce des formes de
conflictualité stériles au sommet de l’Etat. Il n’est pas étonnant d’observer
la perte de confiance envers le premier ministre lorsque celle accordée au
président de la République est à son plus bas.
Dominique Rousseau y voit aussi un régime compliqué. Dans la
plupart des systèmes constitutionnels européens, il n’y a qu’une seule
institution élue au suffrage universel direct : le Parlement. La légitimité et
l’efficacité du gouvernement dépendent donc de cette seule institution. En
France, il y a deux institutions élues au suffrage universel direct : le
Parlement et le président de la République. D’où la complication pour le
gouvernement. Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont eu pour
ambition de réduire cette complication en faisant en sorte que les deux élections
aient lieu quasiment en même temps.
La révision de 2008
était indispensable pour tenter un rééquilibrage des pouvoirs favorable au
Parlement, et, sur quelques points, aux citoyens nous dit Olivier Duhamel. Une réforme de la constitution était et reste
nécessaire affirme Dominique Rousseau.
Celle de 2008 n’est pas « utile »
au regard des objectifs qu’elle se donnait. Moderniser les institutions ? Mais
la seule institution qui méritait de l’être parce qu’elle date du XIXème
siècle, le Sénat, n’a pas été « modernisée »
! Équilibrer les institutions ? Mais la révision se contente d’enlever des
pouvoirs au Premier ministre pour les donner au groupe du parti du président !
Donner des droits nouveaux aux citoyens ? Mais le référendum est d’initiative
parlementaire et non pas citoyenne comme on le dit à tort, et le défenseur des
droits un moyen de supprimer des institutions qui fonctionnent ! La seule
réforme intéressante est le pouvoir donné aux justiciables de soulever devant
toute juridiction la question de la constitutionnalité de loi qu’on veut leur
appliquer.
Une réforme utile
serait une réforme qui saurait inventer les institutions capables d’équilibrer
le bloc gouvernant constitué du président de la République, du gouvernement et
du Parlement. Car aujourd’hui, le « rééquilibrage » des pouvoirs ne
passe plus par une revalorisation des pouvoirs du Parlement ; il passe par la
reconnaissance de l’autonomie constitutionnelle de la Justice, des Médias et
des Collectivités territoriales.
D’ailleurs, pour Guy Carcassonne, le quinquennat et la synchronisation
n’apportent pas un véritable changement institutionnel, mais ne font que
renforcer le régime de la Ve République. Jean
Gicquel confirme que le renforcement institutionnel du Parlement par la
révision constitutionnelle de juillet 2008 ne correspond, en raison du fait
majoritaire, qu’au renforcement de la majorité présidentielle.
Idéalement, Olivier Duhamel reconnait préférer une démocratie parlementaire
dirigée par le Premier ministre, parce qu'il ne peut se targuer d'une
investiture personnelle, parce qu'il rend compte en permanence devant le
Parlement, bref parce qu'un tel système rompt avec le césarisme français.
Mais nos concitoyens adorent élire César, ce
qui rend très difficile sinon impossible le passage au primo-ministérialisme. D’ailleurs,
Le Parlement souffre du système partisan en France et de la faiblesse intrinsèque
des partis expose Yves Meny. Elle se
caractérise par des divisions radicales et une fragmentation extrême de la
représentation. Le Parlement français n’a jamais réussi à acquérir une culture
du contrôle (du budget, de l’administration, de l’application des lois). Les
relations avec l’exécutif et l’administration sont contaminées par le clientélisme
et le localisme. La Ve République a maintenu les maux du parlementarisme
français : localisme des élus nationaux, absentéisme et faible participation au
quotidien du travail parlementaire.
Quel est l'impact de la construction européenne sur
le fonctionnement de la Ve République ?
Sur le plan de la théorie du droit
constitutionnel, l’Europe invite les constitutionnalistes à reprendre l’étude
de tous leurs « fondamentaux » : la constitution est-elle le produit
du peuple ou le peuple est-il le produit de la constitution ? la constitution
est-elle ontologiquement liée à l’État ou peut-elle être pensée sans l’État ?
s’interroge Dominique Rousseau.
Face à l’articulation toujours plus poussée
entre droit national et droit européen, et à la remise en cause de la
suprématie de la Constitution – suprématie devenue fictive et théorique – Marc Guillaume pose trois principes
qu’il juge nécessaires : l’effectivité de la hiérarchie des normes, la
reconnaissance de la spécificité du droit européen par rapport au droit
international, et le dialogue des juges.
La construction européenne obligera à réviser
fréquemment notre constitution, selon
Olivier Duhamel, elle n'invalide pas les concepts d'État et de
Constitution.
La Vème République ne souffre-t-elle pas de la
permanence des mœurs politiques ?
Les femmes en politique le sont en grande
partie par la volonté du Prince dénonce Yves
Mény. La politique volontariste au sommet masque l’état de minorité des
femmes en politique, notamment au niveau local. La France est ainsi une des
plus mauvais élèves en la matière et la Ve République n’aurait rien changé.
La société politique française se caractérise,
en outre, par son incapacité à s’organiser. Yves Mény se réfère au sociologue américain Jessie Pitts qui
qualifie la société française de « communauté
délinquante » : les Français ne
savent se rassembler qu’épisodiquement et « contre ». La Ve
République, en concentrant l’autorité au sommet, en marginalisant davantage les
partis, syndicats et autres groupes, contribue à renforcer le style politique
et les comportements ou pratiques qui privilégient la règle autoritaire et la
rébellion. Il conclut que « la
tradition française est une association indissoluble d’autorité monarchique et
de révolte, d’individualisme exacerbé et de faiblesse des agrégats sociaux,
d’affichage du droit et de sa violation, d’égalitarisme sans véritable égalité,
de refus du compromis mais de l’acceptation tacite du conflit d’intérêts ».
La IVe
République valait-elle mieux ?
« Se
dire satisfait de la Ve République dans sa pratique actuelle, depuis 2000,
relève de l'aveuglement » affirme Maxime
Tandonnet. On juge une Constitution par son efficacité, son résultat. Or,
il est évident que les institutions issues de la Constitution de 1958 sont en
échec patent : elles ne permettent plus de gouverner et de régler les grands
problèmes de la société française.
La IVème valait-elle mieux ? Aveuglé par le
dogme, on oublie son bilan réel : la reconstruction de la France, le début des
« Trente Glorieuses », la réconciliation de l'Europe, la décolonisation de
l'Indochine, du Maroc et de la Tunisie, et même la décision de doter la France
de l'arme nucléaire, que l'on doit à Félix Gaillard... Bien sûr son image
finale, celle de la déliquescence de l'Etat sous l'effet de la guerre
d'Algérie, surtout à partir de 1956 est exécrable. La faiblesse dramatique de
ce régime tient à son instabilité chronique (22 présidents du Conseil ou Premiers
ministres en 12 ans), sous l'effet des coalitions partisanes. Le défaut de la Ve République dans sa
pratique actuelle est exactement inverse : la déresponsabilisation et
l'immobilisme. L'autorité politique incombant à un chef de l'Etat élu pour
cinq ans et appuyé sur une majorité parlementaire élue en même temps que lui,
le pouvoir en place a les mains totalement libres pendant cinq ans, à l'abri de
toute sanction politique, et peut s'adonner aux pires erreurs, renoncements,
démissions, sombrer dans un rejet populaire radical sans qu'aucune conséquence
ne s'ensuive pour lui et persévérer ainsi dans le déni ou la fuite en avant.
« Si j’avais à défendre la Constitution de la
Ve République, je le ferais d’abord en la comparant aux constitutions qui l’ont
précédée. Il est manifeste qu’auprès des défauts et des impuissances de la IIIe
et de la IVe République, elle a fait preuve d’une solidité et d’une efficacité
qu’aucun régime politique n’avait eues dans l’histoire française depuis la
Révolution. Elle a permis aux gouvernements successifs de gouverner. Née dans
des circonstances dramatiques – la guerre d’Algérie –, elle a permis à notre
pays d’assumer la décolonisation, d’affronter les impératifs de la
modernisation et d’entreprendre de grandes réformes sociales et sociétales
» soulignait ainsi M. Michel Winock
lors de la première réunion du groupe de travail sur l’avenir des institutions
(27novembre 2014). Et d’ajouter « Malgré
cela, nos institutions ne répondent plus exactement à l’attente des citoyens.
La Constitution a été le fruit d’une période dramatique, à un moment où la
France était au bord de la guerre civile. Elle fut approuvée par l’immense
majorité du corps électoral, lassée d’une République irrésolue, divisée,
incapable de faire face au terrible problème algérien. C’était il y a
cinquante-six ans. Les temps ont changé, la demande est nouvelle ».
« Le choix en
politique n'est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le
détestable. » Raymond Aron
Réformer la
constitution, les « politiques
adorent ça. L'avantage de ces débats, c'est que cela ne coûte pas un centime et
pendant ce temps-là on ne parle pas emploi, retraite, fiscalité, gaz de schiste »,
tempère le constitutionnaliste Didier
Maus, ancien professeur à l'université de Marseille.
Pendant les primaires
de 2016/2017, tous impétrants à la candidature à l’élection présidentielle y
allaient de leur projet de réformes.
A gauche,
tout le monde est assez d’accord (ce qui est rare) pour dire que le président
de la République est trop puissant, et le Parlement pas assez. Mais ce
consensus sur les défauts du régime actuel ne conduit pas à un accord sur les
qualités dont il faudrait doter la VIème. La principale divergence porte sur
une question simple : qui sera le chef ? Au-delà de la question de la
nature du régime, se pose la question du scrutin et de la part de
proportionnel, de l’avenir du Sénat, de la durée du mandat présidentiel, la
place du référendum, l’instauration d’un Cour constitutionnelle, de
l’indépendance de la justice.
« Il faut passer à la VIème République »,
exhortait Cécile Duflot dans son
livre « De l’Intérieur » (Fayard), dans la droite ligne des
écologistes et qui en avaient fait un point de leur projet présidentiel en
2012. Les écologistes
veulent une organisation « sur un mode
fédéral, avec un pouvoir fort aux régions », « un statut de l'élu », « la généralisation de la proportionnelle à
tous les scrutins » et un renforcement du Parlement.
Arnaud
Montebourg
a fondé il y a quelques années, avec Bastien
François (professeur de science politique à la Sorbonne) « C6R »,
une association pour une VIe République, où l'ancien ministre voulait en finir
avec ce président tout-puissant (quand bien même il estime avoir l'étoffe du
poste) et le confiner au statut d'arbitre, tandis que le Parlement serait
renforcé. Aurélie Filippetti et Benoît Hamon ont eux aussi appelé à un
nouveau régime. Tout comme Delphine Batho
qui considère la Vème République « ringarde ».
Le Parti socialiste n’était
pas en reste. Ainsi, le courant Cohérence
socialiste, notamment animé par les députées Karine Berger et Valérie
Rabault, professait une présidentialisation accrue qui passerait par la
suppression du Premier ministre, comme une conséquence du quinquennat. Dans un
livre d'entretiens avec la journaliste du Monde Hélène Bekmezian, "Je ne
me tairai plus - plaidoyer pour un socialisme populaire" (Flammarion), Claude Bartolone notait que la France
est « le seul pays où, non seulement le
chef de l'État - dont tout le monde procède - n'a de compte à rendre à personne
pendant la durée de son mandat, mais aussi celui où les parlementaires sont
politiquement dépendants de lui ».
Un régime présidentiel
signifierait la suppression du poste de Premier ministre et du droit de
dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République, tandis
que celle-ci « ne devrait plus avoir
la faculté de pouvoir renverser le gouvernement ». Claude Bartolone se prononce aussi pour
la fusion du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental (CESE),
la réduction du nombre de députés et une dose de proportionnelle pour leur
élection.
L’originalité du propos
de Jean-Luc Mélenchon tenait
davantage dans le mouvement qu’il souhaitait initier que dans la forme définitive
de la nouvelle architecture institutionnelle. Jean-Luc Mélenchon assurait que «
toutes les structures sont déjà en train
d'exploser ». L'ancien co-président du Parti de gauche entendait créer un « objet
politiquement neuf » et souhaitait que « le peuple se constitue en tant que sujet politique ». « Notre but est subversif. L'élection de 2017
fonctionnera comme une subversion citoyenne », pensait savoir celui qui
veut susciter une révolution citoyenne.
À droite,
l’enthousiasme est moins flagrant. Personne ne voulant « tuer le
père » (le Général), on trouvait plutôt des projets d’aménagement par le
biais d’une énième révision (24 fois déjà). Pourtant, au début de son
quinquennat, Nicolas Sarkozy n’avait
pas hésité à énumérer les défauts du régime, mais avait fini par faire siens
des dysfonctionnements de celui-ci.
Xavier Bertrand plaidait pour un mandat présidentiel de sept
ans non renouvelable. François Fillon,
qui a souffert d'un président tout-puissant, admettait qu'il faudrait revenir
sur l'organisation du couple exécutif, désormais boiteux. Bruno Le Maire a été le premier à lancer l'idée d'une réduction
drastique du nombre de parlementaires. Dès le 1er octobre 2012, l'élu de l'Eure
avait déposé une proposition de loi organique visant à baisser le nombre de
députés de 577 à 450 et les sénateurs de 326 à 250. Depuis, l'idée fait florès :
Nicolas Sarkozy, Xavier Bertrand, François Fillon, Alain Juppé, Marine Le Pen,
François Bayrou et Claude Bartolone, s’y étaient ralliés. Même François
Hollande y avait songé, c'est dire !
Les réformes
institutionnelles que le président socialiste comptait mettre en œuvre sont restées
dans les cartons faute d'une majorité qualifiée au Congrès. Ainsi se sont
enlisées dans les sables mouvants du Parlement la réforme consacrant
l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature et l'autonomie du
parquet, la suppression de la Cour de justice, la normalisation du statut pénal
du chef de l'État et la reconnaissance constitutionnelle du dialogue social... François
Hollande n'aura jamais les moyens politiques de cette révision constitutionnelle.
D'où l'idée de dépasser
le blocage du Parlement par le recours au référendum. Mais le peuple français
ne répond jamais à la question d'un référendum, il acclame ou rejette celui qui
la pose répètent les uns et les autres. Surtout ne rien changer !
Considérant la situation de la France, est-il opportun de
changer de République actuellement ?
Michaël Foessel, lors de la réunion du 27 novembre 2014 du
groupe de travail de l’Assemblée nationale dirigé par le président Bartolone
résumait ainsi les motivation d’une réforme : « On s’égarerait en pensant que la question des institutions est seconde
et qu’on ne peut tenter de repolitiser le débat politique – ou les citoyens –
autrement qu’en parlant d’économie et de social. C’est en effet par les
institutions – qui ne doivent pas être entendues comme un simple partage du
pouvoir mais doivent faire l’objet d’une réflexion sur ce qu’est le pouvoir
dans un monde où il semble être de plus en plus évanescent, voire invisible –
que l’on peut espérer que les citoyens, à condition de les associer le plus
largement possible (…), se retrouveront dans un jeu auquel, il faut bien le
dire, ils sont une majorité à ne plus croire. Et l’un des moyens fondamentaux
pour que les citoyens s’intéressent à nouveau à un jeu auquel ils ne croient
plus, c’est de leur donner la possibilité d’en récrire au moins partiellement
les règles ».
Car il y a une urgence avérée, celle de combler le fossé qui ne cesse
de s’élargir entre les citoyens et leurs dirigeants politiques.
Les Français, non coupables et non responsables ?
L’élite politique,
démagogiques et irréalistes, provocatrices et carriéristes, n’entend plus les
Français et leurs doléances. Perdus dans leurs délires narcissiques, ignorant
le monde réel, la question de leur formation refait surface. Mais il n’est pas
question d’exonérer les Français de leur responsabilité. On a souvent la classe
politique qui nous ressemble. Et donc, qu’on mérite ! On critique nos
élus, mais personne n’est prêt à prendre leur place. On accuse le clientélisme,
mais on cherche tous à faire jouer nos relations. On accuse une catégorie
identifiée comme privilégiée, mais on ne remet pas en cause nos acquis. En 40 ans, l'alternance gauche-droite s'est
produite à 8 reprises laissant la droite au pouvoir 22 ans et la gauche 18 ans.
L'instabilité politique voulue par les électeurs français est un frein à
la conduite de mesures qui ne prennent leur sens qu'avec le temps. Il faut dire que l'impuissance du gouvernement ne
fournit que trop d'arguments aux pleurnichards du renoncement. Inversement, le
gouvernement lui-même invoque la dépression généralisée pour justifier sa
médiocrité. Inutile de chercher ailleurs les causes de la crise.
Le peuple français,
dans les années 1970 et jusqu’au début des années 1980, était convaincu que le
changement politique allait accoucher d’un véritable changement de société.
Depuis les citoyens sont revenus à la politique, mais sur un mode protestataire
aboutissant aujourd’hui à une forte abstention et une montée en puissance du
Front national.
Pourtant, « l'intérêt pour la chose publique ne se dément pas », constatait, en 2015, Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et
enseignant à Sciences po. Une majorité de personnes sondées déclare
s'intéresser à la politique et le vote aux élections demeure de très loin le
moyen privilégié pour peser sur les décisions. Les Français sont « attachés
à la démocratie représentative, mais ne sont satisfaits ni de son fonctionnement
ni de son efficacité. Ce sont des citoyens critiques. »
Les sondés expriment
une forte aspiration au renouvellement du personnel dirigeant et des pratiques
politiques : « La classe politique est perçue comme non empathique, corrompue,
parlant de manière abstraite, ne se souciant que des riches et des puissants,
qui n'inspire que peu le respect et ne tient pas ses promesses ». Il
existe une véritable prime à la proximité : le niveau de confiance baisse
au fur et à mesure que les institutions sont considérées comme éloignées des
personnes interrogées. Ainsi les Français ont davantage confiance en leur maire
qu'en leurs députés ou eurodéputés.
C’est alors au peuple français de prendre son
destin en main avec lucidité et détermination, de choisir son combat, et
d’incarner le contraire de cette politique du perpétuel recul. Le régime des
partis, avec son flot de promesses mensongères et d’apparatchiks n’a d’autre
ambition que d’assurer leur survie. Ils font clairement obstacle au
redressement.
Il
faut arracher les Pouvoirs publics des conflits de chapelles, faire en sorte
que le Gouvernement, le Parlement, la Justice, soient séparés et, par
conséquent, responsables chacun pour son compte, avec, au-dessus d'eux, un chef
de l’Etat qui puisse recourir au pays.
Aujourd'hui,
dans le tumulte d'un monde en mutation, au milieu de tant d'appels à la haine
ou à la faiblesse, parmi tous les intérêts opposés et embrouillés, les forces vives
de la Nation les bonnes volontés de toutes sortes, doivent reconstituer l'unité
nationale, avant tout par l'harmonie sociale en privilégiant le mérite à l’école et la liberté d’entreprendre pour lutter
contre le chômage. Le rétablissement de
l’autorité de l’Etat nécessite de donner aux forces de l’ordre les moyens
de leurs actions et l’indépendance de la
Justice. L’indépendance de la Nation passe par une politique diplomatique
guidée par le seul intérêt de la France et par le renforcement de nos dispositifs militaires (renseignement, guerre
numérique, combats urbains, dissuasion nucléaire…).
Cette
nouvelle France nécessitera le renoncement à certains de nos privilèges, de nos
petits avantages, l’intérêt de tous primant sur nos petits arrangements. Quand,
ensemble, les Français auront gagné la partie, on apercevra tout à coup le
visage radieux de la République constituée d’une nation rassemblée composée de
patriotes où tous auront leur place !
Les citoyens Français doivent réinventer leur environnement
politique. Les progressistes étaient à gauche. Les
conservateurs étaient à droite. Et comme dans un attelage de chevaux, les uns
donnaient de la vitesse, les autres évitaient les sorties de route. La folie
égalitariste a poussé les premiers à courir moins vite et les seconds à ne plus
retenir l'ensemble. La France est une terre de progrès et de tradition. Cette
dichotomie est une force. Il faut retrouver un équilibre, une pensée, un
objectif. Les Français doivent se ressaisir pour relancer l'attelage et changer
de cocher.
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