2 et 3 décembre 1805 : Sous le Soleil d'Austerlitz

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Au bivouac, le 10 frimaire.

« Soldats,

« L'armée russe se présente devant vous pour venger l'armée autrichienne d'Ulm. Ce sont ces mêmes bataillons que vous avez battus à Hollabrunn, et que depuis vous avez constamment poursuivis jusqu'ici.

« Les positions que nous occupons sont formidables ; et pendant qu'ils marcheront pour tourner ma droite, ils me présenteront le flanc.

« Soldats, je dirigerai moi-même tous vos bataillons ; je me tiendrai loin du feu, si avec votre bravoure accoutumée vous portez le désordre et la confusion dans les rangs ennemis ; mais si la victoire était un moment incertaine, vous verriez votre Empereur s'exposer aux premiers coups : car la victoire ne saurait hésiter, dans cette journée surtout, où il y va de l'honneur de l'infanterie française, qui importe tant à l'honneur de toute la nation.

« Que sous prétexte d'emmener les blessés on ne dégarnisse pas les rangs, et que chacun soit bien pénétré de cette pensée, qu'il faut vaincre ces stipendiés de l'Angleterre, qui sont animés d'une si grande haine contre notre nation.

« Cette victoire finira notre campagne, et nous pourrons reprendre nos quartiers d'hiver, ou nous serons joints par les nouvelles armées qui se forment en France ; et alors la paix que je ferai sera digne de mon peuple, de vous et de moi.

Signé NAPOLÉON.
Par ordre, Le major général de l'armée, maréchal BERTHIER. »

Le 11 frimaire, le jour parut enfin. Le soleil se leva radieux ; et cet anniversaire du couronnement de l'Empereur, où allait se passer un des plus beaux faits d'armes du siècle, fut une des plus belles journées de l'automne.

Cette bataille, que les soldats s'obstinent à appeler la journée des trois empereurs, que d'autres appellent la journée de l'anniversaire, et que l'Empereur a nommé la bataille d'Austerlitz, sera à jamais mémorable dans les fastes de la grande nation.

L'Empereur, entouré de tous les maréchaux, attendait, pour donner ses derniers ordres, que l'horizon fût bien éclairci. Aux premiers rayons du soleil les ordres furent donnés, et chaque maréchal rejoignit son corps au grand galop.

L'Empereur dit, en passant sur le front de bandière de plusieurs régiments : « Soldats, il faut finir cette campagne par un coup de tonnerre qui confonde l'orgueil de nos ennemis » et aussitôt les chapeaux au bout des baïonnettes, et des cris de vive l'Empereur ! furent le véritable signal du combat. Un instant après la canonnade se fit entendre à l'extrémité de la droite, que l'avant-garde ennemie avait déjà débordée ; mais la rencontre imprévue du maréchal Davoust arrêta l'ennemi tout court, et le combat s'engagea.

Le maréchal Soult s'ébranle du même instant, se dirige sur les hauteurs du village de Pratzen avec les divisions des généraux Vandamme et Saint-Hilaire, et coupe entièrement la droite de l'ennemi, dont tous les mouvements devinrent incertains. Surprise par une marche de flanc pendant qu'elle fuyait, se croyant attaquante et se voyant attaquée, elle se regardes comme à demi battue.

Le prince Murat s'ébranle avec sa cavalerie. La gauche, commandée par le maréchal Lannes, marche en échelons par régiments, comme à l'exercice. Une canonnade épouvantable s'engage sur toute la ligne ; 200 pièces de canon et près de 200.000 hommes faisaient un bruit affreux ; c'était un véritable combat de géants. Il n'y avait pas une heure qu'on se battait, et toute la gauche de l'ennemi était coupée. Sa droite se trouvait déjà arrivée à Austerlitz, quartier général des deux empereurs, qui durent faire marcher sur- le-champ la garde de l'empereur de Russie, pour tâcher de rétablir la communication du centre avec la gauche. Un bataillon du 4ème de ligne fut chargé par la garde impériale russe à cheval, et culbuté ; mais l'Empereur n'était pas loin : il s'aperçut de ce mouvement ; il ordonna au maréchal Bessières de se porter au secours de sa droite avec ses invincibles, et bientôt les deux gardes furent aux mains.

Le succès ne pouvait être douteux : dans un moment la garde russe fut en déroute. Colonel, artillerie, étendards, tout fut enlevé. Le régiment du grand-duc Constantin fut écrasé. Lui-même ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval.

Des hauteurs d'Austerlitz, les deux empereurs virent la défaite de toute la garde russe. Au même moment le centre de l'armée, commandé par le maréchal Bernadotte, s'avança ; trois de ses régiments soutinrent une très belle charge de cavalerie. La gauche, commandée par le maréchal Lannes, donna trois fois. Toutes les charges furent victorieuses. La division du général Caffarelli s'est distinguée. Les divisions de cuirassiers se sont emparées des batteries de l'ennemi. A une heure après midi la victoire était décidée ; elle n'avait pas été un moment douteuse.

Pas un homme de la réserve n'avait été nécessaire et n'avait donné nulle part. La canonnade ne se soutenait plus qu'à notre droite. Le corps de l'ennemi, qui avait été cerné et chassé de toutes ses hauteurs se trouvait dans un bas-fond et acculé à un lac.

L'Empereur s'y porta avec 20 pièces de canon. Ce corps fut chassé de position en position, et l'on vit un spectacle horrible, tel qu'on l'avait vu à Aboukir, 20.000 hommes se jetant dans l'eau et se noyant dans les lacs.

Deux colonnes, chacune de 4000 Russes, mettent bas les armes et se rendent prisonnières ; tout le parc de l'ennemi est pris. Les résultats de cette journée sont 40 drapeaux russes, parmi lesquels sont les étendards de la garde impériale ; un nombre considérable de prisonniers ; l'état-major ne les connaît pas encore tous ; on avait déjà la note de 20.000 ; 12 ou 15 généraux ; au moins 15.ooo Russes tués, restés sur le champ de bataille. Quoiqu'on n'ait pas encore les rapports, on peut, au premier coup d'œil, évaluer notre perte à 800 hommes tués et à 15 ou 1600 blessés. Cela n'étonnera pas les militaires qui savent que ce n'est que dans la déroute qu'on perd des hommes, et nul autre corps que le bataillon du 4ème n'a été rompu.

Parmi les blessés sont le général Saint-Hilaire, qui, blessé au commencement de l'action, est resté toute la journée sur le champ de bataille ; il s'est couvert de gloire ; les généraux de division Kellermann et Walther, les généraux de brigade Valhubert, Thiébaut, Sébastiani, Compan, et Rapp, aide de camp de l'Empereur. C'est ce dernier qui, en chargeant à la tête des grenadiers de la garde, a pris le prince Repnin, commandant les chevaliers de la garde impériale de Russie. Quant aux hommes qui se sont distingués, c'est toute l'armée qui s'est couverte de gloire. Elle a constamment chargé aux cris de vive l’Empereur ! et l'idée de célébrer si glorieusement l'anniversaire du couronnement animait encore le soldat.

L'armée française, quoique nombreuse et belle, était moins nombreuse que l'armée ennemie, qui était forte de 105.000 hommes, dont 80.000 Russes et 25.000 Autrichiens. La moitié de cette armée est détruite ; le reste a été mis en déroute complète, et la plus grande partie a jeté ses armes.

Cette journée coûtera des larmes de sang à Saint-Pétersbourg. Puisse-t-elle y faire rejeter avec indignation l'or de l'Angleterre ! et puisse ce jeune prince, que tant de vertus appelaient à être le père de ses sujets, s'arrachera l'influence de ces trente freluquets que l'Angleterre solde avec art, et dont les impertinences obscurcissent ses intentions, lui font perdre l'amour de ses soldats, et le jettent dans les opérations les plus erronées ! La nature, en le dotant de si grandes qualités, l'avait appelé à être le consolateur de l'Europe. Des conseils perfides, en le rendant l'auxiliaire de l'Angleterre, le placeront dans l'histoire au rang des hommes qui, en perpétuant la guerre sur le continent, auront consolidé la tyrannie britannique sur les mers et fait le malheur de notre génération. Si la France ne peut arriver à la paix qu'aux conditions que l'aide de camp Dolgorouki a proposées à l'Empereur, et que M. de Novozilzof avait été chargé de porter, la Russie ne les obtiendrait pas, quand même son armée serait campée sur les hauteurs de Montmartre.

Dans une relation plus détaillée de cette bataille, l'état-major fera connaître ce que chaque corps, chaque officier, chaque général, ont fait pour illustrer le nom français et donner un témoignage de leur amour à leur Empereur.

Le 12, à la pointe du jour, le prince Jean de Lichtenstein, commandant l'armée autrichienne, est venu trouver l'Empereur à son quartier général, établi dans une grange. Il en a eu une longue audience. Cependant nous poursuivons nos succès. L'ennemi s'est retiré sur le chemin d'Austerlitz à Godding. Dans cette retraite il prête le flanc ; l'armée française est déjà sur ses derrières, et le suit l'épée dans les reins.

Jamais champ de bataille ne fut plus horrible. Du milieu de lacs immenses on entend encore les cris de milliers d'hommes qu'on ne peut secourir. Il faudra trois jours pour que tous les blessés ennemis soient évacués sur Brünn. Le cœur saigne. Puisse tant de sang versé, puissent tant de malheurs retomber enfin sur les perfides insulaires qui en sont la cause ! puissent les lâches oligarques de Londres porter la peine de tant de maux !

Austerlitz, le 12 frimaire.

« Soldats,

« Je suis content de vous ; vous avez, à la journée d'Austerlitz, justifié tout ce que j'attendais de votre intrépidité. Vous avez décoré vos aigles d'une immortelle gloire. Une armée de 100.000 hommes, commandée par les empereurs de Russie et d'Autriche, a été en moins de quatre heures ou coupée ou dispersée ; ce qui a échappé à votre fer s'est noyé dans les lacs.

« 40 drapeaux, les étendards de la garde impériale de Russie, 120 pièces de canon, 20 généraux, plus de 3o.ooo prisonniers, sont le résultat de cette journée à jamais célèbre. Cette infanterie tant vantée, et en nombre supérieur, n'a pu résister à votre choc, et désormais vous n'avez plus de rivaux à redouter. Ainsi, en deux mois cette troisième coalition a été vaincue et dissoute. La paix ne peut plus être éloignée ; mais, comme je l'ai promis à mon peuple avant de passer le Rhin, je ne ferai qu'une paix qui nous donne des garanties et assure des récompenses à nos alliés.

« Soldats, lorsque le peuple français plaça sur ma tête la couronne impériale, je me confiai à vous pour la maintenir toujours dans ce haut éclat de gloire qui seul pouvait lui donner du prix à mes yeux. Mais dans le même moment nos ennemis pensaient à la détruire et à l'avilir : et cette couronne de fer conquise par le sang de tant de Français, ils voulaient m'obliger à la placer sur la tête de nos plus cruels ennemis ; projets téméraires et insensés que, le jour même de l'anniversaire du couronnement de votre Empereur, vous avez anéantis et confondus. Vous leur avez appris qu'il est plus facile de nous braver et de nous menacer que de nous vaincre.

« Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli, je vous ramènerai en France. Là vous serez l'objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire : J'étais à la bataille d'Austerlitz, pour que l'on réponde : Voilà un brave !

Signé NAPOLEON. »



Austerlitz, le 12 frimaire an 14

En ce moment arrive au quartier général la capitulation envoyée par le maréchal Augereau, du corps d'armée autrichien commandé par le général Jellachic. L'Empereur eut préféré que l'on eût gardé les prisonniers en France, cela eût-il dû occasionner quelques jours de blocus de plus ; car l'expérience a prouvé que, renvoyés en Autriche, les soldats servent incontinent après.

Le général de Wrède, commandant les Bavarois, a eu différentes affaires en Bohême contre l'archiduc Ferdinand. Il a fait quelques centaines de prisonniers.

Le prince de Rohan, à la tête d'un corps de 6000 hommes qui avait été coupé par le maréchal Ney et par le maréchal Augereau, s'est jeté sur Trente, a passé la gorge de Bonacio, et tenté de pénétrer à Venise. Il a été battu par le général Saint-Cyr, qui l'a fait prisonnier avec ses 6000 hommes.


Austerlitz, le 14 frimaire an 14

L'Empereur est parti hier d'Austerlitz, et est allé à ses avant-postes près de Saruschitz, et s'est là placé à son bivouac. L'empereur d'Allemagne n'a pas tardé à arriver. Ces deux monarques ont eu une entrevue qui a duré deux heures. L'empereur d'Allemagne n'a pas dissimulé, tant de sa part que de la part de l'empereur de Russie, tout le mépris que leur inspirait la conduite de l'Angleterre. « Ce sont des marchands, a-t-il répété, qui mettent en feu le continent pour s'assurer le commerce du monde. »

Ces deux princes sont convenus d'un armistice et des principales conditions de la paix, qui sera négociée et terminée sous peu de jours.

L'empereur d'Allemagne a fait également connaître à l'Empereur, que l'empereur de Russie demandait à faire sa paix séparée, qu'il abandonnait entièrement les affaires de l'Angleterre et n'y prenait aucun intérêt.

L'empereur d'Allemagne répéta plusieurs fois dans la conversation : « Il n'y a point de doute ; dans sa querelle avec l'Angleterre, la France a raison. » Il demanda aussi une trêve pour les restes de l'armée russe. L'Empereur lui fit observer que l'armée russe était cernée, que pas un homme ne pouvait échapper : « Mais, ajouta-t-il, je désire faire une chose agréable à l'empereur Alexandre ; je laisserai passer l'armée russe, j'arrêterai la marche de mes colonnes ; mais votre majesté me promet que l'armée russe retournera en Russie, évacuera l'Allemagne et la Pologne autrichienne et prussienne. » - « C'est l'intention de l'empereur Alexandre, a répondu l'empereur d’Allemagne ; je puis vous l'assurer : d'ailleurs, dans la nuit vous pourrez vous en convaincre par vos propres officiers. »

On assure que l'Empereur a dit à l'empereur d’Allemagne, en le faisant approcher du feu de son bivouac : « Je vous reçois dans le seul palais que j'habite depuis deux mois. » L'empereur d'Allemagne a répondu en riant : « Vous tirez si bon parti de cette habitation, qu'elle doit vous plaire. » C'est du moins ce que l'on croit avoir entendu. La nombreuse suite des deux princes n'était pas assez éloignée pour qu'elle ne put entendre plusieurs choses.

L'Empereur a accompagné l'empereur d'Allemagne à sa voiture, et s'est fait présenter les deux princes de Lichtenstein et le général prince de Schwartzenberg. Après cela il est revenu coucher à Austerlitz.

On recueille tous les renseignements pour faire une belle description de la bataille d'Austerlitz. Un grand nombre d'ingénieurs lèvent le plan du champ de bataille. La perte des Russes a été immense : les généraux Kutuzow et Buxhowden ont été blessés ; 10 ou 12 généraux ont été tués : plusieurs aides de camp de l'empereur de Russie et un grand nombre d'officiers de distinction ont été tués. Ce n'est pas 120 pièces canon qu'on a prises, mais 15o. Les colonnes ennemies qui se jetèrent dans les lacs furent favorisées par la glace ; mais la canonnade la rompit, et des colonnes entières de se noyèrent. Le soir de la journée et pendant plusieurs heures de la nuit, l'Empereur a parcouru le champ de bataille et a fait enlever les blessés : spectacle horrible s’il n’en fut jamais ! L'Empereur, monté sur des chevaux très vites, passait avec la rapidité de l'éclair, et rien n'était plus touchant que de voir ces braves gens le reconnaître sur-le-champ ; les uns oubliaient leurs souffrances et disaient : « Au moins la victoire est-elle bien assurée ? » Les autres : « Je souffre depuis huit heures, et depuis le commencement de la bataille je suis abandonné, mais j'ai bien fait mon devoir. » D'autres : « Vous devez être content de vos soldais aujourd'hui. » A chaque soldat blessé l'Empereur laissait une garde qui le faisait transporter dans les ambulances. Il est horrible de le dire : quarante-huit heures après la bataille, il y avait encore un grand nombre de Russes qu'on n'avait pu panser. Tous les Français le fuirent avant la nuit, Au lieu de 40 drapeaux., il y en jusqu'à cette heure 45, et l'on trouve encore les débris de plusieurs.

Rien n'égale la gaieté des soldats à leur bivouac.

A peine aperçoivent-ils un officier de l'Empereur, qu'ils lui crient : « L'Empereur a-t-il été content de nous ? »

En passant devant le 28ème de ligne, qui a beaucoup de conscrits du Calvados et de la Seine-Inférieure, l'Empereur lui dit : « J'espère que les Normands se distingueront aujourd'hui. » Ils ont tenu parole ; les Normands se sont distingués. L'Empereur, qui connaît la composition de chaque régiment, a dit à chacun son mot ; et ce mot arrivait et parlait au cœur de ceux auxquels il était adressé, et devenait leur mot de ralliement au milieu du feu. Il dit au 57ème : « Souvenez-vous qu'il y a bien des années que je vous ai surnommé le Terrible. » Il faudrait nommer tous les régiments de l'armée ; il n'en est aucun qui n'ait fait des prodiges de bravoure et d'intrépidité. C'est là le cas de dire que la mort s'épouvantait et fuyait devant nos rangs, pour s'élancer dans les rangs ennemis ; pas un corps n'a fait un mouvement rétrograde.

L'Empereur disait : « J'ai livré trente batailles comme celle-ci, mais je n'en ai vu aucune où la victoire ait été si décidée, et les destins si peu balancés. » La garde à pied de l'Empereur n'a pu donner, elle en pleurait de rage. Comme elle demandait absolument à faire quelque chose : « Réjouissez-vous de ne rien faire, lui dit l'Empereur : vous devez donner en réserve ; tant mieux si l'on n'a pas besoin de vous aujourd'hui. »

Trois colonels de la garde impériale russe sont pris avec le général qui la commandait. Les hussards de cette garde ont fait une charge sur la division Caffarelli. Cette seule charge leur a coûté 3oo hommes qui restèrent sur le champ de bataille. La cavalerie française s'est montrée supérieure et a parfaitement fait. A la fin de la bataille, l'Empereur a envoyé le colonel D’Allemagne avec deux escadrons de sa garde en partisans, pour parcourir à volonté les environs du champ de bataille, et ramener les fuyards. Il a pris plusieurs drapeaux, 15 pièces de canon, et fait 1500 prisonniers. La garde regrette beaucoup le colonel des chasseurs à cheval Morland, tué d'un coup de mitraille, en chargeant l'artillerie de la garde impériale russe. Cette artillerie fut prise ; mais ce brave colonel trouva la mort. Nous n'avons eu aucun général tué. Le colonel Mazas, du 14ème de ligne, brave homme, a été tué. Beaucoup de chefs de bataillon ont été blessés Les voltigeurs ont rivalisé avec les grenadiers.

Les 55ème, 43ème, 14ème, 36ème, 40ème et 17ème mais on n'ose nommer aucun corps, ce serait une injustice pour les autres, ils ont tous fait l'impossible. Il n'y avait pas un officier, pas un général, pas un soldat qui ne fut décidé à vaincre ou à périr.

Il ne faut point taire un trait qui honore l'ennemi : le commandant de l'artillerie de la garde impériale russe venait de perdre ses pièces ; il rencontra l'Empereur : « Sire, lui dit-il, faites-moi fusiller, je viens de perdre mes pièces. » - « Jeune homme, lui répondit l'Empereur, j'apprécie vos larmes ; mais on peut être battu par mon armée, et avoir encore des titres à la gloire. »

Nos avant-postes sont arrivés à Olmutz ; l'impératrice et toute sa cour s'en sont sauvés en toute hâte.

Le colonel Corbineau, écuyer de l'Empereur, commandant le 5ème régiment de chasseurs, a eu quatre chevaux tués ; au cinquième il a été blessé lui-même, après avoir enlevé un drapeau. Le prince Murat se loue beaucoup des belles manœuvres du général Kellermann, des belles charges des généraux Nansouty et d'Hautpoult, et enfin de tous les généraux ; mais il ne sait qui nommer, parce qu'il faudrait les nommer tous.

Les soldats du train ont mérité les éloges de l'armée. L'artillerie a fait un mal épouvantable à l'ennemi. Quand on en a rendu compte à l'Empereur, il a dit : « Ces succès me font plaisir, car je n'oublie pas que c'est dans ce corps que j'ai commencé ma carrière militaire. »

L'aide de camp de l'Empereur, le général Savary, avait accompagné l'empereur d'Allemagne après l'entrevue, pour savoir si l'empereur de Russie adhérait à la capitulation. Il a trouvé les débris de l'armée russe sans artillerie ni bagages et dans un épouvantable désordre ; il était minuit ; le général Meerfeld avait été repoussé de Godding par le maréchal Davoust ; l'armée russe était cernée ; pas un homme ne pouvait s'échapper. Le prince Czartorinski introduisit le général Savary près de l'empereur. « Dites à votre maître, lui cria ce prince, que je m'en vais ; qu'il a fait hier des miracles ; que cette journée a accru mon admiration pour lui ; que c'est un prédestiné du ciel ; qu'il faut à mon armée cent ans pour égaler la sienne. Mais puis-je me retirer avec sûreté ? » - « Oui, sire, lui dit le général Savary, si V.M. ratifie ce que les deux empereurs de France et d'Allemagne ont arrêté dans leur entrevue. » - « Et qu'est-ce ? » - « Que l'armée de V.M. se retirera chez elle par les journées d'étape qui seront réglées par l'Empereur, et quelle évacuera l'Allemagne et la Pologne autrichienne. A cette condition, j'ai l'ordre de l'Empereur de me rendre à nos avant-postes qui vous ont déjà tourné, et d'y donner ses ordres pour protéger votre retraite, l'Empereur voulant respecter l'ami du premier consul. » - « Quelle garantie faut-il pour cela ? » - « Sire, votre parole. » - « Je vous la donne. »

Cet aide de camp partit sur-le-champ au grand galop, se rendit auprès du maréchal Davoust, auquel il donna l'ordre de cesser tout mouvement et de rester tranquille. Puisse cette générosité de l'Empereur des Français ne pas être aussitôt oubliée en Russie que le beau procédé de l'Empereur qui renvoya 6000 hommes à l'empereur Paul avec tant de grâce et de marques d'estime pour lui ! Le général Savary avait causé une heure avec l'empereur de Russie, et l'avait trouvé tel que doit être un homme de cœur et de sens, quelques revers d'ailleurs qu'il ait éprouvés. Ce monarque lui demanda des détails sur la journée. « Vous étiez inférieurs à moi, lui dit-il, et cependant vous étiez supérieurs sur tous les points d'attaque » - « Sire, répondit le général Savary, c'est l'art de la guerre et le fruit de quinze ans de gloire ; c'est la quarantième bataille que donne l'Empereur. » - « Cela est vrai ; c'est un grand homme de guerre. Pour moi, c'est la première fois que je vois le feu. Je n'ai jamais eu la prétention de me mesure avec lui. » - « Sire, quand vous aurez de l'expérience, vous le surpasserez peut-être. » - « Je m'en vais donc dans ma capitale. J'étais venu au secours de l'empereur d'Allemagne ; il m'a fait dire qu'il est content ; je le suis aussi. »

A son entrevue avec l'empereur d'Allemagne, l'Empereur lui a dit : « M. et Mme Colloredo, MM. Paget et Rasumowski ne font qu'un avec votre ministre Cobentzel : voilà les vraies causes de la guerre, et si V. M. continue à se livrer à ces intrigants, elle minera toutes ses affaires et s'aliénera le cœur de ses sujets, elle cependant qui a tant de qualités pour être heureuse et aimée ! »

Un major autrichien s'étant présenté aux avant-postes, porteur de dépêches de M. de Cobentzel pour M. de Stadion à Vienne, l'Empereur a dit : « Je ne veux rien de commun avec cet homme qui s'est vendu à l'Angleterre pour payer ses dettes, et qui a ruiné son maître et sa nation, en suivant les conseils de sa sœur et de madame Colloredo. »

L'Empereur fait le plus grand cas du prince Jean de Lichtenstein ; il a dit plusieurs fois : « Comment, lorsqu'on a des hommes d'aussi grande distinction, laisse-t-on mener ses affaires par des sots et des intrigants ? » Effectivement le prince de Lichtenstein est un des hommes les plus distingués, non-seulement par les talents militaires, mais encore par ses qualités et ses connaissances.

On assure que l'Empereur a dit, après sa conférence avec l'empereur d'Allemagne : « Cet homme me fait faire une faute, car j'aurais pu suivre ma victoire, et prendre toute l'armée russe et autrichienne ; mais enfin quelques larmes de moins seront versées. »
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