«La dissolution de l’Assemblée a acté une décomposition politique à l’œuvre dans toutes les démocraties européennes» - Par Benjamin Morel
Le 9 juin 2024, le président de la République annonçait la dissolution de l’Assemblée nationale. Un an après, le constitutionnaliste Benjamin Morel estime que cet évènement n’a pas créé la crise de régime, mais l’a mis en lumière.
Maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas, Benjamin Morel a récemment publié « Le Nouveau Régime ou l’impossible parlementarisme » (2025, Passés composés, 114 p., 16 €).Un an après la dissolution de l’Assemblée nationale, le bilan de cette décision — dont la rationalité échappe encore aux commentateurs les plus avertis — est pour le moins peu reluisant, mais demeure en grande partie à établir. En rebattant les cartes parlementaires, Emmanuel Macron a déclenché une série de réactions en chaîne dont nous n’avons sans doute pas fini de mesurer les conséquences institutionnelles. Pourtant, il serait sans doute hasardeux d’attribuer à cette seule décision présidentielle l’évolution actuelle de la situation politique. Car si cette dissolution fut bel et bien un acte discrétionnaire du chef de l’État, ses effets plongent leurs racines dans un processus bien plus ancien.
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Les élections législatives partielles comme les enquêtes d’opinion, un an après le scrutin, révèlent une remarquable stabilité des rapports de force électoraux. Selon une enquête Elabe publiée dimanche, le Rassemblement national se maintient autour de 30 %. Le bloc central avoisine les 25 %, en son sein Les Républicains relèvent légèrement la tête, en partie au détriment des macronistes. La gauche, quant à elle, semble être la seule à vraiment reculer, notamment en cas d’union : elle perdrait jusqu’à 7 points. Ce recul est d’autant plus préoccupant pour elle que, si elle se présentait divisée, nombre de ses députés sortants risqueraient d’être battus. Toutefois, l’histoire des deux dernières élections législatives montre qu’en cas d’union, un électorat initialement réticent finit généralement par se rallier.
En définitive, les lignes de fracture n’ont guère bougé en un an. Cette stabilité électorale entre les blocs produit deux effets majeurs. Le premier est un sentiment de frustration généralisée. Le Rassemblement national estime l’avoir emporté en voix et s’être vu voler sa victoire. La gauche considère avoir triomphé en sièges tout en étant marginalisée par des manœuvres institutionnelles. Le centre, quant à lui, conserve le pouvoir, mais réduit à l’impuissance et ce en raison d’une décision prise par le plus éminent représentant de son propre camp. Ces élections devaient raviver le souffle démocratique ; elles ont, au contraire, renforcé le sentiment d’une confiscation du pouvoir.
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