Maurice Berger : « La France ne s’est jamais donnée les moyens de comprendre les racines de la violence des mineurs »
Actes isolés, attaques en milieu scolaire, violences de gangs... La France n'a pas mis en place de dispositifs conséquents pour enrayer la spirale de la violence des mineurs, selon le pédopsychiatre Maurice Berger.
Atlantico : Dans cette "vague irrésistible" de violence infantile, pour reprendre le mot de François Bayrou, faut-il distinguer les actes isolés, du type de l'assassinat d'une surveillante à Nogent par un collégien, ou de l'attaque en milieu scolaire à Nantes, des violences de gangs ? Qu'est-ce qui, toutefois, peut rapprocher ces formes de violences juvéniles ?Maurice Berger : Vous avez raison, on a tendance à parler de « violence des mineurs » de manière globale, alors qu’il existe de nombreuses sortes de violence, qui correspondent à des processus psychiques différents. Certaines sont dues à une exposition à des scènes de violence conjugale pendant les premières années de la vie ; l’agresseur explique comment surgit en lui l’image d’un père violent qui squatte son psychisme et qui le fait agir. Ou dans les familles claniques, chaque membre a dans son psychisme un groupe dont l’ « honneur » doit être défendu, et qu’il rameute rapidement: « mes frères vont venir te tuer ». Dans les rixes, c’est une logique de territoire géographique ou ethnique qui prime, avec la nécessité de se fabriquer des ennemis extérieurs pour se sentir unis « contre ». On pourrait encore citer beaucoup d’autres formes de violences individuelles ou groupales, je renvoie pour cela à mon dernier livre « Mineurs violents, Etat inconsistant. Pour une révolution pénale » (L’Artilleur).
Y-a-t-il des méthodes idoines pour enrayer cette spirale infernale ? Des pays étrangers ont-ils réussi à juguler les pulsions violentes et parfois suicidaires de leur jeunesse ?
Là est le point essentiel. En France, nous n’avons pas mis en place de dispositif de recherche dans ce domaine. Les recherches effectuées par la Protection de la Jeunesse sont insuffisantes, et cette institution peut avoir des positionnements idéologiques. Le ministère de la Justice n’a pas de structure permettant de telles recherches, et ce n’est pas non plus le rôle de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Par ailleurs, nous n’avons pas développé de culture de l’évaluation de nos résultats, car pour cela, il faut accepter que son propre travail soit jugé. Il est souhaitable que soit créé un institut de recherche et de formation sur la délinquance juvénile et sa prise en charge, avec une cohabitation entre chercheurs et praticiens suivant une méthodologie précise.