Tribune contre Tribune: mais où est donc passée la démocratie ?
© Laurent SAILLY pour
Méchant Réac ! ®
Le débat ce n’est pas
un match de boxe qui doit se terminer par le K.O. de l’un des contradicteurs.
L’affaire Weinstein est très certainement le scandale sexuel de la
décennie. Les révélations qui se succèdent contre le producteur américain. Le nombre
des victimes, les actes reprochés à l’auteur et la complicité de son entourage
(par son silence) lèvent le voile sur des pratiques barbares.
Chaque jour, une
nouvelle victime libère sa parole. La honte passée, la pression sociale ayant (enfin)
changé de bord, les violeurs et agresseurs de toutes sortes ont du mauvais sang
à se faire. Des acteurs, des hommes politiques, des dirigeants d’entreprises
vont se voir confronté à leurs « proies ».
Mais l’Occident, ayant perdu ses valeurs et le sens de la proportionnalité,
confond tout, mélange tout, oublie tout. On confond tout, dénonciation et délation, victimisation
et respect des victimes, présomption d’innocence et droit des victimes, viols
et relations sexuelles !
Le scandale s’étend et
submerge la société.
*
* *
L’hashtag #BalanceTonPorc sur Twitter en France, mais aussi
les dénonciations publiques en Grande-Bretagne illustrent la désintégration de
la société occidentale. Républiques ou Monarchies constitutionnelles, les
nations européennes se vantent d’être des sociétés démocratiques. Mais l’un des
fondements de la Démocratie c’est la Justice. Et une Justice démocratique doit se préoccuper de la protection des
victimes et assurer les droits de la défense. Le déballage médiatique sur
la place publique n’assure ni l’un ni l’autre. Les victimes vont devoir
affronter les actions défensives de leurs bourreaux et peut-être ainsi détruire
des années de reconstruction psychologiques. Les accusés (au sens général du
terme) sont jetés en pâture à la populace. Des vies vont être à nouveau
brisées. La vengeance prend le pas sur la condamnation. La rumeur supplante la
preuve.
Quel que soit le
« crime », la présomption d’innocence doit être respectée. Cette
présomption doit s’appliquer tout en assurant les droits des victimes.
Dans la même idée, la notion de proportionnalité doit être redécouverte. Quel rapport entre
les exactions d’un Weinstein (ou à un autre temps celui de DSK), qui, il y a
encore un mois, brisait des carrières ou a soumis des jeunes femmes à ces
fantasmes sexuels et un ministre britannique qui a posé, il y a 35 ans, une
main sur un genou ? Entendons-nous bien, dans un cas comme dans
l’autre il y a faute. Cette faute doit être condamnée. Mais les actes reprochés
ne sont-ils pas à relativiser entre eux ?
En refusant cette
relativité, en généralisant les comportements, le risque est de faire de gestes
intolérables envers des femmes, des pratiques courantes, habituelles. De là à
voir un système de défense d’un harceleur de faire de ses pratiques des
« coutumes » sociales il n’y a pas loin. Ce manque de relativité est,
dans un autre débat, celui de la laïcité, de brouiller les règles.
Par la faute de quelques-uns, on crée un climat de suspicion et de division
entre les hommes et les femmes. Comme aux Etats-Unis, on verra des hommes éviter de
prendre seul un ascenseur avec une femme. Dans un monde qui ne communique plus que
par réseau sociaux interposés, où l’individualisme est érigé en système, où il
faut appartenir à un clan ou nier les différences, le clivage homme-femme
marquerait l’ultime rupture de notre société.
*
* *
Face aux accusations de harcèlement d’agressions
sexuelles, une centaine de femmes, dont Catherine
Deneuve, Brigitte Lahaie, ou Catherine
Millet, ont écrit une
tribune, publiée
dans le journal Le Monde de mardi pour laisser les hommes libres
d'« importuner ».
Rejetant
le « puritanisme » et dénonçant le
viol comme étant un crime (sujet qui ne fait pas débat), elles défendent « une liberté d’importuner, indispensable à la
liberté sexuelle. » Le collectif déclare que « la drague insistante
ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste. »
« Nous défendons une
liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes
aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par
nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes
pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle » poursuivent les signataires de ce texte.
« En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas
dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le
visage d’une haine des hommes et de la sexualité ».
Cette phrase va susciter le courroux des féministes bien-pensantes menées par Caroline
De Hass, les journalistes Lauren Bastide et Giulia Foïs, la présidente des Chiennes de garde Marie-Noëlle Bas
et la psychiatre Muriel Salmona.
« Dès
que l’égalité avance, même d’un demi-millimètre, de bonnes âmes nous alertent
immédiatement sur le fait qu’on risquerait de tomber dans l’excès. »,
écrivent les signataires d’un texte publié sur le site France Info en « réponse »
à cette tribune.
Tel Fouquier-Tinville, de leurs
doigts accusateurs, avec des arguments sans fondement, elles condamnent les
auteures pour avoir osées émettre un avis différent. Au nom de l’égalité absolue homme femme, la liberté
d’expression doit se taire.
Car
au-delà du bien fondé de l’une ou l’autre des positions, la violence des propos
dans les réactions des deux camps doit nous amener à nous interroger sur le droit de pensée et la liberté d’exprimer cette
pensée.
*
* *
Agissons en société civilisée.
N’oublions pas que
nous avons tous une mère qui peut (ou a pu) être une victime et un père qui
peut (ou a pu) être injustement dénoncé.
N’oublions pas que sans
liberté d’expression, il n’y a pas de démocratie ; et que cette liberté d’expression
ne peut être limitée que par la loi.
A défaut, tout le monde sortira perdant.