Les Jobs de rêve de la République : aujourd’hui, « président de l’AFITF »
Sous ce sigle imprononçable se cache l’Agence de financement
des infrastructures de transport de France (AFITF). Etablissement public de l’Etat créé à la suite
d’une décision du comité interministériel d’aménagement et de développement du
territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, l’agence est chargée d’apporter la part
de l’Etat dans le financement
des opérations d’infrastructures de transport, à partir des
dividendes versés par les sociétés publiques d’autoroutes, de certaines taxes
ou redevances, d’éventuels concours budgétaires et d’un recours à l’emprunt. La
privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes en France en 2006 a
privé l'État d'une importante source de financement pour l'entretien et la
construction des réseaux routiers. Après cette privatisation, l'Agence a reçu
une dotation de 4 milliards € en substitution des dividendes qui lui étaient
initialement affectés. Le grenelle de l'Environnement a proposé la mise en
place d'une écotaxe pour financer l'AFITF, mais la mise en place de
cette redevance et du contrat Ecomouv a été annulée. L'utilisation du fonds de
substitution de l'Agence étant épuisée fin 2008, celle-ci ne dispose plus que
de recettes constituées par le produit des redevances domaniales des sociétés
concessionnaires d’autoroutes, la taxe d’aménagement du territoire, les amendes
forfaitaires des radars automatiques, la Taxe intérieure de consommation sur
les produits énergétiques (TICPE), le plan de relance autoroutier et autres recettes
diverses.
La tutelle de
l'État est exercée par le Ministère de la Transition écologique et solidaire.
Le Président
Le président de l’Afitf
bénéficie d’une indemnité
annuelle de 42 000 euros, de quoi susciter quelques convoitises
du côté de nos hauts-fonctionnaires. Le rythme de travail n’est guère
soutenu :
-
2
conseils d’administration en 2010
-
3
conseils d’administration en 2018 et en 2013.
-
4
conseils d’administration en 2017, en 2014 et en 2012.
-
5
conseils d’administration en 2016 et en 2011.
-
6
conseils d’administration en 2015.
A sa présidence, se succèdent les anciens ministres en attente de jours meilleurs ou ceux qui espèrent un portefeuille. Ainsi, Gérard Longuet (ministres de 1986 à 1988 et de 1993 à 1994) a-t-il été désigné président de l’Agence à la création de celle-ci, à la suite de la « vague rose » des régionales de 2004, qui lui font perdre les présidences de la Lorraine et de l'Association des régions de France (ARF). Il va occuper ces fonctions jusqu’en 2011… alors qu’il redevient ministre (2011 à 2012). Cette fonction présidentielle ne l’occupe visiblement pas suffisamment puisqu’il cumulera sur la même période son mandat de sénateur et de conseiller régional de Lorraine.
Lui succède Dominique
Perben. Celui-ci, plusieurs fois ministres (de 1993 à 1997, de 2002 à 2007), ne
restera qu’un an en fonction, après avoir annoncé son retrait de la vie
politique pour travailler comme avocat. Pendant cette année de
présidence, il conserve son mandat de député.
En septembre 2011,
Philippe Duron prend la tête de l’agence, poste qu’il occupera jusqu’au 23
avril 2018. Le 8 février 2013, l’hebdomadaire Le Parisien Magazine le classe en
tête des parlementaires les plus cumulards avec 4 mandats (il est entre autre
maire de Caen et député du calvados) et 24 fonctions. En 2013, c’est l’hebdomadaire
Le Point qui lui décerne en 2013 le titre de champion de France des cumulards.
Christophe Béchu, le maire LR d’Angers, rêvait de devenir ministre. Il n’entre
pas (pour l’instant) au gouvernement, mais pour son soutien (tardif)*, le
président de la République l’a nommé, le 16 février 2018, au conseil d'administration
de l'Agence en tant que personnalité qualifiée. Il en
devient le président le 23 avril 2018.
Une critique continue de la Cour des
Comptes et de l’Inspection des Finances
La Cour
des comptes a rendu public, le 29 août 2016, un référé sur l’Agence. Comme
elle l’a déjà fait dans son rapport public annuel de 2009, la Cour constate
l'absence de plus-value apportée par l'AFITF, opérateur de l'État sans feuille
de route ni marge de manœuvre. Elle insiste, indépendamment de la question du
devenir de cet opérateur, sur la nécessité d'une maîtrise de la trajectoire de
financement des infrastructures de transport.
L’agence ne serait qu’une “coquille vide”, une simple chambre d’enregistrement de
décisions émanant du ministère des Transports. Un seul chiffre pour s’en
convaincre : “À ce jour, aucun administrateur n’a
émis un vote négatif sur une seule des quelque 600 conventions proposées à
l’approbation du conseil au cours des dix dernières années.” De quoi
relativiser le “lieu de débat et de partage entre
l’Etat et les représentants des collectivités locales sur la politique des
transports”.
Pour la Cour des comptes, l’établissement
serait surtout un “moyen de s’affranchir des principes du
droit budgétaire”. La Cour pointe également l’absence de vision à long
terme : “Le financement pluriannuel des infrastructures de
transport ne fait jusqu’à présent l’objet d’aucune programmation.”
Cette situation financière précaire
s’explique par “une accumulation incontrôlée de
besoins de paiement, dont le financement n’est pas assuré à moyen terme”. La
Cour des comptes estime nécessaire de “définir des priorités
de projets à venir” :
"L’analyse
du niveau des restes à payer de 11,9 milliards d’euros constatés à la fin 2015
menée par la Cour est par ailleurs à relativiser puisqu’elle inclut plus de 6
milliards d’euros pris au titre de contrats de partenariat qui ont vocation à
être décaissés par l’AFITF sur le long terme (jusqu’en 2037 pour le
contournement Nîmes-Montpellier par exemple)."
En 2009,
la Cour des Comptes avait préconisé la fermeture pure et simple de cette
agence relevant que cette agence était "transparente et sans réelle valeur
ajoutée".
"La Cour, en conséquence,
recommande :
- la suppression de l’AFITF en intégrant
ses activités dans la nouvelle DGITM, notamment la conclusion des conventions
de financement ;
- la préparation par la DGITM, en
liaison avec la direction du budget, d’une programmation pluriannuelle (par
exemple sur 6 ans) des infrastructures de transport ;
- la mise en place autour de la
DGITM d’un comité des engagements (comme recommandé par la RGPP) assurant la
transparence interministérielle a priori des projets financés."
L'inspection des finances se montre également très critique à
l'encontre de ces agences, notamment de l’Afitf, qui vote régulièrement
de nouveaux engagements budgétaires sans limite ni contrôle alors qu'il manque
10 à 20 Mds€ à l’Afitf pour honorer ses engagements dans
des projets pourtant déjà lancés.
Pourquoi donc continuer à payer pour cette
coûteuse Afitf
qui ne sert à rien ?
*Un soutien très tardif, puisque le maire d’Angers ne se rallie
au futur vainqueur de la présidentielle que l’avant-veille du second tour, mais
un soutien clair et net. Le parcours idéologique de l’édile angevin est
compliqué à suivre. Après avoir soutenu, pendant les primaires de la droite Alain
Juppé, puis François Fillon, avant de supplier Juppé de se présenter, a fini
par parrainer Fillon ! Dans une tribune publiée dans Le Figaro, il avait
ostensiblement fait une offre de service au futur président de la République.
Entre les lignes, nul ne s’y était trompé, il se disait prêt à être ministre. Qu’importe,
s’il jurait la main sur le cœur, lors de ses vœux du début de l’année 2017,
qu’il laisserait son mandat de sénateur pour se consacrer désormais à « sa »
ville, car, disait-il, son « obsession »
était bien « le développement du territoire
angevin ».
Qu’importe s’il avait toujours promis de ne pas devenir ministre tant qu’il
serait maire. Nous verrons bien si les électeurs d’Angers s’en souviendront le
temps venu.