Vive la démocratie représentative !

Qu’est-ce qui justifie qu’on décide à la majorité en démocratie ? Peut-on considérer qu’elle a raison et que la minorité a tort ? D. Mineur réfléchit aux fondements philosophiques d’une règle devenue, dans nos sociétés, si évidente.
LIRE L'ARTICLE DE P.E. VANDAMME (LA VIE DES IDEES)


Pourquoi la volonté du plus grand nombre doit-t-elle prévaloir ? Les décisions prises à la majorité sont-elles soumises à une obligation de justice pour être légitimes ? Après avoir retracé l'histoire des justifications du principe majoritaire, cet ouvrage se penche sur les deux principales d'entre elles, celle, substantielle, de la rationalité du nombre, et celle, procédurale, selon laquelle il accorde un poids égal à chaque voix, pour déterminer laquelle est la mieux à même de fonder le gouvernement de la majorité, et tenter d'en déduire les conditions de légitimité de son exercice. L'enjeu en est la possibilité d'un concept de la démocratie qui articule procédure de décision à la majorité et exigence de justice.

En 2010, l'auteur avait étudié ce que l'on appelle la " crise de la représentation " : partant de l'idée qu'elle est affaire de discours, il se propose d'en mettre au jour les régimes de vérité. La représentation politique a été conçue, à ses origines, comme l'invention d'une communauté qui ne lui préexiste pas. C'est pourquoi les discours critiques de la représentation se référant à la réalité du peuple et à la " bonne représentation " ont toujours existé, et peuvent être lus à la lumière de trois grandes présuppositions relatives au peuple " réel " : l'unité substantielle, trahie par des divisions politiques factices, la diversité d'opinions fallacieusement réduite par la représentation, les majorités réelles auxquelles manquent les courroies de transmission qui permettraient de les traduire. L'ouvrage, s'appuyant sur le cas français, analyse les critiques émises au cours de quatre périodes de l'histoire du régime parlementaire et s'interroge sur la persistance de la " crise de la représentation " dans la période contemporaine, alors que l'économie du régime représentatif a été transformée par les partis politiques et, en particulier, par l'avènement du phénomène majoritaire. En définitive, les individus ne sauraient se reconnaître durablement dans la représentation qui est donnée d'eux, en raison de l'indéfinition des fins, propre à la modernité démocratique. La " crise de la représentation ", ainsi, se confond ultimement avec le politique lui-même en régime de modernité.



En 1819, Benjamin Constant prononce un discours mémorable : " De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes ". Pour les Anciens, en Grèce comme à Rome, la liberté consistait à participer à la vie de la cité, en se soumettant à la collectivité. Avec la Révolution, la liberté est devenue, pour les Modernes, synonyme de liberté individuelle. Pourtant, dans ce nouveau régime, il ne faudrait pas que l'individu renonce à son pouvoir. Adepte du libéralisme, Benjamin Constant prône un système représentatif, mais alerte sur la menace que constituerait la renonciation politique de l'individu, désormais trop absorbé par ses intérêts propres : le despotisme. 

Parce que la liberté n’est jamais un acquis, l’auteur de ces quelques pages restées célèbres nous rappelle avec justesse que si les démocraties modernes furent construites afin de promouvoir la liberté des individus citoyens, faut-il encore que ceux-ci ne se replient pas sur la défense de leurs intérêts particuliers et ne s’abstiennent pas de faire vivre cette citoyenneté au sein d’une démocratie à laquelle chacun doit s’efforcer de participer. C’est aussi, de façon plus large, de la définition du mot Liberté dont il est ici question, une liberté dont le lecteur comprendra qu’elle est conditionnée par la faculté accordée à chacun de peser sur l’administration du Gouvernement.

"La liberté individuelle, je le répète, voilà la véritable liberté moderne"
B. Constant - Extrait « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes » (discours prononcé à l'Athénée royal de Paris en 1819).

"Messieurs, je me propose de vous soumettre quelques distinctions, encore assez neuves, entre deux genres de liberté, dont les différences sont restées jusqu'à ce jour inaperçues, ou du moins trop peu remarquées. L'une est la liberté dont l'exercice était si cher aux peuples anciens ; l'autre, celle dont la jouissance est particulièrement précieuse aux nations modernes. (…)
Demandez-vous d'abord, Messieurs, ce que de nos jours un Anglais, un Français, un habitant des États-Unis d'Amérique, entendent par le mot de liberté ?
C'est pour chacun le droit de n'être soumis qu'aux lois, de ne pouvoir ni être arrêté, ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité d'aucune manière, par l'effet de la volonté arbitraire d'un ou de plusieurs individus. C'est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie et de l'exercer ; de disposer de sa propriété, d'en abuser même ; d'aller, de venir, sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches. C'est pour chacun, le droit de se réunir à d'autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour remplir ses jours et ses heures d'une manière plus conforme à ses inclinations, à ses fantaisies. Enfin, c'est le droit, pour chacun, d'influer sur l'administration du gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des demandes, que l'autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération. Comparez maintenant à cette liberté celle des anciens.
Celle-ci consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté tout entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités d'alliance, à voter les lois, à prononcer les jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats, à les faire comparaître devant tout en peuple, à les mettre en accusation, à les condamner ou à les absoudre ; mais en même temps que c'était là ce que les anciens nommaient liberté, ils admettaient comme compatible avec cette liberté collective, l'assujettissement complet de l'individu à l'autorité de l'ensemble. Vous ne trouverez chez eux presque aucune des jouissances que nous venons de voir faisant partie de la liberté chez les modernes. Toutes les actions privées sont soumises à une surveillance sévère. Rien n'est accordé à l'indépendance individuelle, ni sous le rapport des opinions, ni sous celui de l'industrie, ni surtout sous le rapport de la religion (…).
Puisque nous vivons dans les temps modernes, je veux la liberté convenable aux temps modernes ; (…). La liberté individuelle, je le répète, voilà la véritable liberté moderne. La liberté politique en est la garantie ; la liberté politique est par conséquent indispensable (…). Ce n'est point la garantie qu'il faut affaiblir, c'est la jouissance qu'il faut étendre. Ce n'est point à la liberté politique que je veux renoncer ; c'est la liberté civile que je réclame avec d'autres formes de liberté politique (…). Que le pouvoir s'y résigne donc ; il nous faut la liberté, et nous l'aurons ; mais comme la liberté qu'il nous faut est différente de celle des anciens, il faut à cette liberté une autre organisation que celle qui pourrait convenir à la liberté antique (…) ; dans l'espèce de liberté dont nous sommes susceptibles, plus l'exercice de nos droits politiques nous laissera de temps pour nos intérêts privés, plus la liberté nous sera précieuse. De là vient, Messieurs, la nécessité du gouvernement représentatif. Le système représentatif n'est autre chose qu'une organisation à l'aide de laquelle une nation se décharge sur quelques individus de ce qu'elle ne peut ou ne veut pas faire elle-même (…). De même, les peuples, qui, dans le but de jouir de la liberté qui leur convient, recourent au système représentatif, doivent exercer une surveillance active et constante sur leurs représentants, et se réserver à des époques, qui ne soient pas séparés par de trop longs intervalles, le droit de les écarter s'ils ont trompé leurs vœux, et de révoquer les pouvoirs dont ils auraient abusé (…).
Le danger de la liberté moderne, c'est qu'absorbés dans la jouissance de notre indépendance privée, et dans la poursuite de nos intérêts particuliers nous ne renoncions trop facilement à notre droit de partage dans le pouvoir politique (…).
Loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux espèces de libertés dont je vous ai parlé, il faut, je l'ai démontré, apprendre à les combiner l'une avec l'autre."
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