Œuvre collective : De Platon à Soljenitsyne, revenir aux sources de la pensée politique


Chercher le bien commun pour Platon, penser l’homme comme animal politique pour Aristote, désamorcer la violence pour Hobbes, donner une limite au pouvoir pour Montesquieu, comprendre les logiques de classe pour Marx, concilier le souci de l’homme et l’amour du monde pour Hannah Arendt : chacun des plus grands philosophes depuis vingt-cinq siècles continue de nous dire aujourd’hui, pour notre monde, la grandeur et la nécessité de la politique.

«Le Figaro» et les éditions Tallandier publient «Éloge de la politique - Les Grandes Œuvres», un essai collectif dont l’idée revient à François Huguenin et dirigé par Vincent Trémolet de Villers dans lequel des plumes contemporaines rendent accessibles les principaux textes de la philosophie politique de Platon à Hannah Arendt: 
  1. Allan Bloom "L'âme désarmée" (1987): la dictature du relativisme - Par Michel De Jaeghere (mechantreac.blogspot.com)
  2. Alexandre Soljenitsyne "Le déclin du courage": Combat pour une liberté responsable - Par Chantal Delsol (mechantreac.blogspot.com)
  3. Hannah Arendt "La condition de l'homme moderne" (1958): S'orienter dans la confusion des temps - Par Bérénice Levet (mechantreac.blogspot.com)
  4. Raymond Aron "Essai sur les libertés" (1965): Grandeur et fragilité de la liberté politique - Par Nicolas Baverez (mechantreac.blogspot.com)
  5. Charles Péguy "Notre Jeunesse" (1910): Une leçon d'exactitude - Par Eugénie Bastié (mechantreac.blogspot.com)
  6. Simone Weil "L'Enracinement" (1949): Le patriotisme de compassion - Par Eugénie Bastié (mechantreac.blogspot.com)
  7. Alexis de Tocqueville "L'Ancien régime et la Révolution" (1856): A fond de cale entre deux mondes - Par François Sureau (mechantreac.blogspot.com)
  8. Karl Marx "Manifeste du Parti communiste" (1848): Les métamorphoses de la lutte des classes - Par Alexandre Devecchio (mechantreac.blogspot.com)
  9. Benjamin Constant "Principes de politique" (1815) : Les fondements du libéralisme politique - Par Lucien Jaume (mechantreac.blogspot.com)
  10. Carl Von Clausewitz "De la guerre" (1832-1835): L'indépensable horizon de la politique - Par Charles Jaigu (mechantreac.blogspot.com)
  11. Joseph de Maistre "Considérations sur la France" (1797) : Le triomphe paradoxal de la modernité - Par François Huguenin (mechantreac.blogspot.com)
  12. Edmund Burke "Réflexions sur la révolution de France" (1790) : Tradition et liberté - Par Jacques de Saint Victor (mechantreac.blogspot.com)
  13. Montesquieu "De l'esprit des lois" (1748) : Liberté et modération - Par Philippe Raynaud (mechantreac.blogspot.com)
  14. Jean-Jacques Rousseau "Du Contrat Social" : La question du peuple dans la modernité - Par Mathieu Bock-Côté (mechantreac.blogspot.com)
  15. Thomas Hobbes "Léviathan" (1651) : Aux origines de l'Etat protecteur - Par Maxime Tandonnet (mechantreac.blogspot.com)
  16. John Locke "Le second traité du gouvernement" (1690) : Le précurseur de la propriété de soi - Par Gaspard Koenig (mechantreac.blogspot.com)
  17. Nicolas Machiavel "Le Prince" (1532) : Contre l'influence politique du christianisme - Par Guillaume Perrault (mechantreac.blogspot.com)
  18. Saint Augustin "La Cité de Dieu" (412/413-426/427) : Penser l'histoire du salut et l'autonomie du politique - Par Jean-Marie Salamito (mechantreac.blogspot.com)
  19. Aristote "Les Politiques" (IVème siècle av. J.-C.) : L'homme est un animal politique - Par Paul-François Schira (mechantreac.blogspot.com)
  20. Platon "La République" (vers 380-370 av. J.-C.) : A la recherche de la Justice - Par François-Xavier Bellamy (mechantreac.blogspot.com)


Pierre Manent: «De Platon à Soljenitsyne, revenir aux sources de la pensée politique»

Disciple de Raymond Aron, directeur d’études honoraire à l’École des hautes études en sciences sociales, le philosophe a lu et apprécié l’ouvrage «Éloge de la politique - Les Grandes Œuvres» (Tallandier/«Le Figaro»).

Depuis plus de six mois, la vie de tous et de chacun est suspendue au développement d’une pandémie que nous ne savons comment combattre. Nous dépendons de ce qui ne dépend pas de nous. Le gouvernement a décidé, et en général la classe politique a convenu, que dans ces conditions il n’y avait pas lieu de délibérer. Une décision fondatrice - le confinement général et rigoureux - nous a tous placés, gouvernants et gouvernés, dans une certaine disposition dont nous ne savons pas comment sortir et à laquelle nous revenons sans cesse. La décision du gouvernement est moins surprenante que la docilité avec laquelle elle a été acceptée. Chacun a répété: comment faire autrement? En vérité cela fait bien longtemps que nous sommes gouvernés par cette question qui contient la réponse: comment faire autrement? Retrouverons-nous un jour l’usage de la faculté de choisir?

Vincent Trémolet de Villers a pris l’initiative d’un livre collectif qui voudrait contribuer à notre convalescence. Il a réuni vingt auteurs, de générations et de formations diverses, dont chacun présente une œuvre fondamentale, ou significative, de philosophie ou de réflexion politique. Les œuvres de pensée nous éclairent, et les grandes œuvres nous éclairent grandement.
Ce qui est commun à tous ces auteurs, c’est une ardente confiance, si j’ose dire, dans la raison politique, dans la capacité de la raison à éclairer le monde humain, et d’abord l’ordre politique.

Ces auteurs, que j’aimerais pouvoir nommer tous, partagent un même souci de ce qui peut rassembler et motiver les hommes, d’abord le bien commun visé par une action commune, mais aussi les mœurs et les manières, ou le lien rassemblant un peuple politique, ou encore l’enracinement comme besoin de l’âme. On dira que de telles perspectives signalent sans doute

une tendance conservatrice, et il est vrai qu’aujourd’hui le souci du «commun» passe nécessairement pour «conservateur» puisqu’il implique de ne pas tout accorder aux droits humains qui pour l’opinion régnante forment le contenu exclusif du «progrès».

Seul Gaspard Kœnig, je dois le relever, rompt crânement avec l’orientation générale de l’ouvrage puisqu’il plaide pour un nouveau droit, le droit à la propriété de soi et de «tout ce qui émane du soi». Un tel droit de propriété éviterait «des débats sans issue sur l’éthique» en permettant «à chacun de choisir ses propres valeurs». Peut-être, mais ces «débats sans issue» sur l’éthique, c’est-à-dire sur la justice, c’est la philosophie même, c’est l’effort même de l’homme européen depuis Socrate et Platon, comme le rappelle ici François-Xavier Bellamy. Comment Gaspard Kœnig, si sincère et si vif, ne voit-il pas que s’il parvenait au terme de la «neutralisation» des questions sur l’éthique et la justice comme il l’ambitionne, il viderait la vie commune de son ressort humanisant et ôterait à la vie humaine son honneur et son prix? Il aurait de la peine, je pense, à habiter le monde qu’il croit désirer.

Les auteurs ici rassemblés s’efforcent donc de recouvrer et de nous faire réentendre la «question du commun». Ils partagent un certain élan, une certaine ardeur civique. Leur perspective n’est pas militante, mais plutôt «explorante» et souvent méditative, avec une sincérité qui se traduit parfois par le franc aveu d’une hésitation ou d’une perplexité. Les accents partisans y sont rares et la polémique gratuite en est absente. À l’importance des enjeux répond le sérieux de la démarche.

De fait, la gravité et la durée de la crise civique signalent que ce sont les ressorts mêmes de notre régime politique qui sont en cause. C’est pourquoi la forme qu’a prise l’action gouvernementale face à la pandémie ne peut pas être ramenée à un ensemble de mesures sanitaires dictées par les circonstances. Comme le souligne François Sureau, elle découle «de quelque chose de plus profond et de plus grave: d’une conception de l’homme comme espèce à protéger, non comme personnalité politique, sujet de droit, source du droit, citoyen pour finir». Oui, tandis que nous laissons s’éroder le commandement le plus inviolable - tu ne tueras point -, nous mettons notre fierté à tenter de valider la plus folle promesse: tu ne mourras point. C’est comme si l’accident sanitaire nous avait fait parvenir d’un coup au terme du processus de dépolitisation et de démoralisation commencé il y a un demi-siècle. Venant après un long déclin de la confiance civique, il nous a tous installés, gouvernants et gouvernés, dans une passivité qui semble insurmontable.

Les auteurs de ce livre ne se résignent pas à cette passivité. Ils n’entérinent pas cette dépolitisation comme le terme désirable, ou irrémédiable, de l’histoire européenne. Ils n’imaginent pas que l’immense effort d’esprit et d’âme qui a cristallisé dans les œuvres ici ouvertes pour notre réflexion et notre action, que cet immense effort soit désormais caduc, et que nous soyons devenus incapables d’une action commune en direction d’un bien commun.

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