Amin Maalouf et Frédéric Encel : «Guerre entre Israël et le Hamas... vers un conflit mondial ?»

Le secrétaire perpétuel de l'Académie française et le géopolitologue évoquent le conflit qui a bouleversé une partie du monde


Amin Maalouf, auteur du « Labyrinthe des égarés » (Grasset), voit dans l'affrontement entre Israël et le Hamas un conflit qui a sa propre logique, mais s'inscrit également dans une nouvelle guerre froide. Frédéric Encel, qui publie «Les Voies de la puissance» (Odile Jacob), estime que si l'Occident forme un bloc cohérent, ce n'est pas le cas du « Sud global ».


LE FIGARO. – Frédéric Encel, vous avez expliqué que le conflit israélo-palestinien était régional. Faites-vous encore ce diagnostic aujourd'hui ou l'implication de Téhéran dans cet affrontement en a-t-il fait un conflit central ?

Frédéric ENCEL. –
J'ai dit souvent et longtemps, en le regrettant, que ce conflit était relégué au rang de contentieux local. Or oblitérer le problème ne revient pas à le régler : il risquait de resurgir violemment. S'il présente des implications mondiales, je ne crois pas à une grande régionalisation du conflit et encore moins à une guerre mondiale. Ce conflit n'a pas engagé les grandes puissances ces dernières décennies, si ce n'est de manière secondaire pendant la Guerre froide, précisément. En 1973 quand les deux grands haussèrent le ton, même si cette quatrième guerre israélo-arabe n'avait en réalité aucun rapport avec la question palestinienne : ce fut un conflit militaire interétatique classique opposant une coalition syro-égyptienne à Israël. La guerre du Liban en 1982 a certes impliqué la question palestinienne, mais elle n'a pas connu de grande régionalisation. Ce constat ne signifie pas que l'Iran ne joue pas un rôle important dans ce conflit et qu'elle ne l'instrumentalise pas, mais elle suit son propre agenda, de même que l'Égypte ou l'Arabie saoudite.

Quel est le rôle de la Russie ? Ce conflit est-il une bonne nouvelle pour Poutine ?

F. E. –
Le chaos est toujours une bonne nouvelle pour une puissance révisionniste, au sens où elle veut réviser des traités passés considérés comme défavorables, « inégaux » comme les appelle la Chine. En même temps, la Russie est une puissance très faible, comme on l'a vudepuis 19 mois en Ukraine, qui n'a pas les capacités d'entraînement diplomatique ni la puissance économique et financière suffisantes pour répondre à ses ambitions. Elle essaie donc cyniquement de faire jouer tout ce qui peut parvenir à la favoriser, notamment en portant le regard des Occidentaux ailleurs. Poutine fait preuve d'une grande duplicité vis-à-vis des Israéliens et des Palestiniens, jouant successivement les uns et les autres selon ses intérêts, et plus encore envers les Arméniens : Moscou est signataire d'un accord de défense mutuel avec l'Arménie pour 60 ans ; on appréciera la valeur de la parole donnée… Le conflit au Proche-Orient est donc positif pour la Russie, alors qu'au contraire l'instabilité dans cette région pétrolifère est préjudiciable à la Chine, laquelle qui a impérieusement besoin que le prix du baril de pétrole ne s'envole pas pour se développer.

Amin Maalouf, vous établissez le constat pessimiste que nous marchons comme des somnambules vers la guerre. Ce nouveau conflit s'inscrit-il dans un contexte où une guerre mondiale ou du moins mondialisée est inévitable ?

Amin MAALOUF. – Nous entrons dans une nouvelle Guerre froide. Les principaux belligérants ne s'affrontent pas directement mais à travers des alliés et des clients dans le monde entier : une Guerre dite « froide » ne l'est pas partout. Ses développements sont nombreux : le conflit entre la Russie et l'Occident, qui n'est pas engagé militairement directement contre elle mais qui aide l'Ukraine ; le conflit en Afrique sahélienne où la Russie a contribué à déstabiliser les alliés de la France et des Etats-Unis, à tel point qu'on ne sait plus, au Soudan, en Libye, au Mali, au Niger ou au Burkina Fasso, qui est l'allié de qui ; sans oublier l'interminable conflit au Proche-Orient, qui n'est évidemment pas une simple ramification de cette nouvelle Guerre froide, puisqu'il a sa propre logique, mais dans lequel un rôle significatif est dévolu aujourd'hui à l'Iran, qui se trouve être à la fois un important soutien du Hamas et un important allié de la Russie comme de la Chine.

Amin Maalouf-Frédéric Encel: «Guerre entre Israël et le Hamas : vers un conflit mondial ?» (lefigaro.fr)

S'il y a effectivement une crise du modèle occidental, il n'y a, à l'heure actuelle, aucun modèle de remplacement.
Amin Maalouf

Je crois le pacifisme ennemi de la paix.
Frédéric Encel

L'une des grandes leçons de l'Histoire, c'est que tous les peuples peuvent passer de la barbarie à la civilisation, et aussi, hélas, de la civilisation à la barbarie.
Amin Maalouf
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