«La France, championne olympique de la surveillance au détriment des libertés publiques» - Par Yann Padova

QR Code, drones... la dérive liberticide de l’Etat, à l’occasion des Jeux olympiques, offrira au prochain gouvernement un ensemble d'outils juridiques de surveillance d'une efficacité et d'une ampleur sans précédent, s’inquiète l’avocat Yann Padova.

Yann Padova est avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles, associé chez Wilson Sonsini.

Les Jeux olympiques s'annoncent comme une fête. Et 100 ans après leur dernière tenue en France, chacun souhaite que ce soit le cas. Avec ses près de 15.000 athlètes olympiques et paralympiques, ses treize millions de visiteurs attendus, les défis en termes de sécurité publique sont considérables. L'État n'a d'ailleurs pas lésiné sur les moyens : restriction de la circulation routière, fermeture de stations de métro, instauration d'un QR code pour accéder à certaines zones, enquête administrative sur les riverains du pourtour de la Seine et, enfin, déploiement, «à titre expérimental et jusqu'au 31 mars 2025» de système de vidéoprotection dits «intelligents» ayant recours à des caméras et des drones filmant la voie publique. Bien évidemment, la loi a prévu qu'une «évaluation pluridisciplinaire et objective» de cette expérimentation aurait lieu.

Ce déploiement pourrait être acceptable si son caractère expérimental et temporaire était assuré, son contrôle indépendant garanti et son évaluation rigoureuse. Or rien n'est moins sûr.

En effet, depuis les attentats de septembre 2001, près de quinze textes législatifs, comportant des dispositions initialement expérimentales et temporaires dans le domaine de la sécurité publique, sont intervenus en France. Et toutes, sans exception, ont été prorogées, puis pérennisées par le Parlement, sans que l'évaluation de leur application ne soit d'ailleurs souvent même produite. Et lorsqu'elle le fut, le ministère à l'origine de la demande, généralement celui de l'Intérieur, s'en chargea lui-même. Est-il besoin de dire qu'elle fut systématiquement positive ?

Cette succession ininterrompue de soi-disant expérimentations qui n'en sont pas, de pérennisations sans réelles évaluations, modifie imperceptiblement, par étapes, l'équilibre global du système juridique français, au détriment des libertés publiques et individuelles. Cette extension continue de la surveillance est notamment rendue possible par la conjonction de deux facteurs institutionnels.

Du côté du Parlement, la force du fait majoritaire, même en situation de majorité «relative», associée à la faiblesse de la culture de l'évaluation, explique la constance et la facilité avec lesquelles ces lois «d'exception» sont devenues la norme. Il suffit de regarder des auditions de commissions d'enquête en Grande Bretagne, en Allemagne, ou aux États-Unis pour constater cette faiblesse hexagonale.

Du côté du contrôle de l'administration par les juridictions ou par des régulateurs indépendants, à l'instar du Conseil d'État ou de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), une trop grande proximité avec ladite administration, conjuguée avec des pouvoirs d'intervention très limités, ont facilité cette même extension. À cet égard, à titre de garanties pour les libertés individuelles, la loi prévoit que l'expérimentation des caméras et drones intelligents est soumise au contrôle de la CNIL. Mais la loi française interdit à la CNIL de sanctionner pécuniairement l'État, d'ordonner la suspension de son traitement de données ou de lui enjoindre, sous peine d'astreinte quotidienne, de se conformer à la loi. Toutes mesures que la CNIL peut pourtant prononcer à l'encontre des entreprises. Dans ces conditions, l'effectivité de son contrôle de l'État est pour le moins réduite. Et la CNIL n'y peut rien puisque c'est le législateur français qui l'a voulu, à la différence des choix effectués en la matière par certains de nos voisins européens.

Cette dérive, progressive, ancienne et continue en défaveur des libertés individuelles, fruit du tropisme étatique de notre pays, offrira au prochain gouvernement un ensemble d'outils juridiques de surveillance d'une efficacité et d'une ampleur sans précédent sous la Ve République. Il est temps d'en prendre conscience, alors qu'aux deux extrémités du spectre politique, des mouvements illibéraux aux penchants autoritaires sont aux portes du pouvoir.

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