France : comprendre les émeutes pour en tirer les bonnes leçons - Par Côme de Bisschop, Jean-Baptiste Noé et Daniel Dory

Les émeutes de 2023 divergent de celles de 2005 sur au moins trois points : elles durèrent moins longtemps, mais furent beaucoup plus violentes ; elles furent le reflet des évolutions migratoires et des conséquences directes de la loi SRU ; elles trouvèrent, pour la première fois, un relais politique à l’Assemblée nationale (LFI) en s’insérant dans une cartographie du clientélisme électoral.

Conflits a décidé d’entreprendre une recherche approfondie sur les causes, le déroulement et les conséquences de cet épisode. Dans ce cadre, nous propose ici quelques réflexions préliminaires sur la base de données factuelles, ainsi que des hypothèses qui seront explorées dans un proche avenir.

Nanterre : un secteur de métropole globale épicentre des émeutes

Pour analyser les émeutes qui se sont produites en France entre le 27 juin (mort de Nahel Merzouk à Nanterre après un refus d’obtempérer) et la première semaine de juillet 2023, il a paru nécessaire de commencer les recherches en se concentrant, par une sorte d’effet de zoom, sur le lieu initial des violences.

Lieu du départ des émeutes et ville principale des affrontements initiaux, Nanterre n’est pas vraiment, aujourd’hui, une ville de banlieue au sens de territoire périphérique et déshérité. Bien au contraire. Située à 7 km de Paris et 10 mn en voiture (hors embouteillage), Nanterre est la préfecture des Hauts-de-Seine (92), département le plus riche de France avec Paris, et voit s’installer sur son territoire de nombreux bureaux et zones d’activités de l’économie mondialisée. C’est un fief du Parti communiste, la mairie étant tenu par le PCF depuis 1944 (le maire actuel, Patrick Jarry, communiste historique, est désormais classé divers gauche). Aux présidentielles de 2022, les résultats électoraux ont été marqués par une très forte abstention qui coïncide avec une très forte adhésion à Jean-Luc Mélenchon. C’est cette situation géographique, économique, sociale et politique qu’il faut avoir à l’esprit pour mieux comprendre le processus des émeutes de juin/juillet 2023.