«Le cœur de la crise politique n’est pas l’excès de pouvoir, mais l’impuissance publique» - Pierre-Henri Tavoillot
Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, auteur de Comment gouverner un peuple-roi, la vraie crise démocratique n’est pas un défaut de représentativité, mais l’impuissance publique. C’est pourquoi il faut selon lui sauver le 49.3 qui permet aux politiques d’agir.
LE FIGARO. - Bien que prévu par la Constitution de la Ve République, le recours au 49.3 par le gouvernement sur la question des retraites répond-il à l’esprit des institutions et est-il légitime d’un point de vue démocratique?
Pierre-Henri TAVOILLOT. - Je suis sidéré que l’on puisse en douter: le 49.3 fait partie de notre Constitution. Loin d’être anecdotique, il est emblématique de l’esprit de la Ve République, conçue pour éviter l’instabilité ministérielle de la IVe. Il a été utilisé notamment pour instaurer la «force de dissuasion nucléaire» (Michel Debré, 1960), la CSG et la création du CSA (Rocard, 1991). Comment ose- t-on l’identifier à un déni de démocratie? Le penser révèle qu’on n’identifie vraiment pas le cœur de la crise politique qui se situe bien plus dans l’impuissance publique que dans l’excès de pouvoir. C’est cela qui décourage le citoyen d’aller voter: pourquoi participer à des élections qui produisent des élus avouant eux-mêmes leur impotence? Je rappelle que dans démocratie, il y a demos (peuple), mais aussi cratos (pouvoir). Or, ce pouvoir démocratique s’exerce selon deux règles claires: représentation et majorité. Le 49.3 les respecte toutes les deux. On peut être contre la réforme des retraites, mais on ne peut pas faire de procès en illégitimité au gouvernement.
En démocratie, le peuple ne se limite pas à ceux qui manifestent, protestent ou s’opposent.
