Pierre Garello : S’intéresser aux enjeux actuels sans tomber dans la pensée unique
Nous
rendons hommage dans [le numéro 6 du Journal des Libertés] à un économiste hors du commun, qui aimait à
penser « en dehors des modes » tout en étant un fin observateur de son
monde : Anthony de Jasay. Un jour alors que nous faisions quelques pas
ensemble, il avait attiré mon attention sur une expression qui revient souvent
dans notre hexagone, à la radio ou à la télévision, dans la bouche des
politiques comme dans celle des journalistes : « Vous parlez sans
cesse, disait-il, de votre gouvernement qui a consenti à débloquer des
fonds pour ceci ou pour cela. » C’est vrai, c’est ainsi que les choses
sont souvent présentées ! Et cela, ainsi qu’il me le faisait remarquer, entretient
l’illusion d’un grand réservoir plein d’argent dans lequel il suffirait de
puiser pour satisfaire les besoins et les attentes des citoyens. 0n endort ainsi
notre vigilance, notre sens des responsabilités et de la vraie solidarité.
J’aime
à penser que Anthony serait heureux de lire ce numéro, non pas parce que son
nom y est mentionné et ses travaux y sont évoqués à travers deux contributions,
mais parce que nous nous sommes efforcés à nous inscrire dans la même tradition
intellectuelle que lui : une tradition consistant à observer avec
attention, à ne pas tomber dans le piège des mots et des idées reçues.
C’est
ainsi que plusieurs contributions de ce sixième numéro reviennent sur ce qui
serait — à en croire médias et politiciens…— « la » question parmi
les plus pressantes de notre monde contemporain : celle des inégalités.
Nous avons tout d’abord Hannes Gissurarson qui, avec un humour tout islandais,
reprend les travaux de deux « géants » de la pensée contemporaine,
Rawls et Piketty et, nous explique pourquoi les politiques qui prennent appui
sur leurs travaux sont dangereuses ou tout simplement irréalistes. Ainsi, à
pointer sans cesse du doigt « les 1% les plus riches », avec une
certaine agressivité parfois, tout ce que l’on parviendra à accomplir sera
d’appauvrir un peu plus « les 10% les plus pauvres ». Cette réflexion
s’articule parfaitement avec le compte-rendu du dernier livre de Bernard
Zimmern que nous offre Nicolas Lecaussin. Nous y apprenons que l’ouvrage
recensé est une source précieuse d’informations sur le vrai lien entre
inégalités, croissance et pauvreté.
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