«Il faut changer la philosophie pénale de la justice des mineurs» - Par Béatrice Brugère

La réponse pénale n’est plus adaptée à l’ultraviolence de certains délinquants mineurs, plaide la secrétaire générale du syndicat Unité-magistrats Béatrice Brugère.


LE FIGARO. - Les deux suspects avaient été déférés le 30 octobre 2024 pour un vol avec violence et devaient comparaître huit mois plus tard, en juin 2025, devant le tribunal pour mineurs. Comment expliquer un tel délai ?

Béatrice BRUGÈRE. -
Aujourd’hui, nous rencontrons d’importantes difficultés concernant notre capacité à juger rapidement, qu’il s’agisse de mineurs ou de majeurs. Nous avons trop de dossiers et cela accouche de délais extrêmement importants. La réforme de la justice des mineurs - entrée en vigueur en septembre 2021 - souhaitait d’ailleurs répondre à ces délais trop longs. Pour ce faire, elle a raccourci le délai d’établissement de la culpabilité en mettant en place ce qu’on appelle la césure.

Ce mécanisme met en place deux procédures distinctes : une première qui doit être rapide - dans un délai de trois mois - pour déterminer la culpabilité ou non du mineur poursuivi. Et une deuxième qui s’occupe de la sanction et qui peut aller jusqu’à huit ou neuf mois. Au bout du compte, on arrive tout de même à plus d’un an. Par ailleurs, faire deux audiences au lieu d’une, au vu de nos moyens et du nombre de magistrats, me semble impossible. Quitte à juger plus vite, autant juger en une fois. Et cette affaire le démontre en partie : il ne faut pas attendre trop longtemps pour sanctionner le mineur, sinon il peut croire qu’il ne se passe rien de grave, ni de fort, en réponse à ses actes.

Ces deux jeunes avaient toutefois l’interdiction d’entrer en contact l’un avec l’autre…

Ce type de mesure existe effectivement ; mais nous n’avons pas les moyens de les contrôler, ou seulement très peu. D’autant que c’est une mesure qui ne dissuade pas réellement les mineurs violents. D’autres mesures plus strictes existent, telles que le placement ou le suivi éducatif. Mais à l’heure actuelle, rien de tout cela ne fonctionne vraiment.

Faut-il, comme l’a évoqué Gabriel Attal, relancer le débat sur « l’idée de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans, déjà connus de la justice, poursuivis pour des actes d’atteintes graves aux personnes » ? Concrètement, qu’est-ce que cela changerait ?

Pour des faits très graves avec des profils de mineurs récidivistes, il faut absolument engager des procédures plus rapides, sur le modèle de la comparution immédiate (ce qui n’est actuellement pas possible pour les mineurs, NDLR). Cela changerait beaucoup de choses : d’abord, car le mineur appréhenderait tout de suite la gravité de ses actes en fonction de la sanction. Pour des faits graves, il apparaît par ailleurs nécessaire de pouvoir prononcer des ultracourtes peines de prison : la dernière loi de Nicole Belloubet a rendu cela impossible. En clair, il faut sanctionner plus rapidement et plus efficacement.


Dorénavant, que risquent ces mineurs ? Peuvent-ils bénéficier de l’excuse de minorité ?

Il faut d’abord rappeler que l’excuse de minorité est un principe constitutionnel, un principe de la justice des mineurs qui affirme qu’un mineur ne peut pas être jugé comme un majeur. Cela étant dit, l’excuse de minorité - prononcée sur la quasi-totalité des dossiers - peut être écartée au nom de l’individualisation de la peine (adaptation de la sanction en fonction de la personnalité du condamné et des circonstances dans lesquels il a commis son délit ou son crime, NDLR). En réalité, elle ne l’est que très rarement. Il faut désormais inverser le processus : l’excuse de minorité ne devrait plus être prononcée automatiquement, mais être au contraire motivée par le juge, voire surmotivée en cas de récidive.


Plus généralement, quel regard portez-vous sur la justice des mineurs aujourd’hui ? Est-elle toujours adaptée à ce que certains appellent « l’utraviolence des mineurs » ?

Il faut garder à l’esprit que seule une minorité de mineurs a ce type de comportements. Mais les concernant, la justice des mineurs ne semble effectivement plus adaptée : la loi ne lui donne pas assez de possibilités pour y répondre. En effet, la dernière réforme de la justice des mineurs de 2021 empêche quasiment les juges de mettre en détention provisoire des mineurs qu’il faudrait éloigner, le temps de l’enquête, de leur milieu ou environnement criminel ou encore de leurs mauvaises fréquentations. Il existe certes des centres fermés, mais ces derniers ne sont malheureusement pas si fermés que cela et surtout ne comptent pas beaucoup de places. Le résultat est sans appel : aujourd’hui, il est presque impossible de mettre en détention provisoire un mineur s’il n’a pas commis des faits criminels.

Il faut donc changer la loi (avoir des ultracourtes peines et des sanctions rapides), avoir plus de moyens (pouvoir envisager des prises en charge éducatives après les peines) mais surtout changer la philosophie pénale de la justice des mineurs. Aujourd’hui, cette dernière s’attache davantage à l’évolution du mineur qu’à la gravité du fait qu’il a commis. On est plus sur une philosophie d’excuse où l’on considère le mineur - à tort pour certains - comme une victime de la société. Or, aujourd’hui, il y a des mineurs extrêmement violents, qui sont dépourvus d’empathie : il faut relire les travaux du pédopsychiatre Maurice Berger qui décrivent ce qu’il appelle « ces nouveaux barbares » desquels il faut protéger les autres mineurs. Il ne faut pas oublier que les premières victimes des mineurs ultraviolents sont d’autres mineurs : il y a urgence à les protéger !

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