Norvège, la vertueuse qui surfe sur nos vices - Par Hugues Serraf
Les ventes de voitures électriques représenteront 100 % du marché norvégien fin 2025 mais c’est grâce à l’argent du pétrole. Est-ce bien durable ?
La Norvège est une drôle de nation : une sorte de boucher végétarien ou de boxeur non-violent, pour ainsi dire.
Scandinave au carré, elle est en tête de tous les classements de vertu environnementale : elle construit durable, se chauffe exclusivement aux énergies renouvelables, mange local même si ça doit un peu manquer de variété, trie consciencieusement ses déchets pour mieux les recycler et, désormais, n’achète pratiquement plus de véhicules thermiques…
En 2024, près de 90 % de ses immatriculations de voitures neuves auront d’ailleurs été des électriques (contre seulement 16,9 % pour la France et 15 % pour l’Europe) et les 100 % pourraient être atteints l’an prochain. Avant de faire plus vert, il faudrait inventer un nouveau nom de couleur.
Le paradoxe, c’est que pour être à l’aise au point de ne faire ses courses que chez Biocoop et chez Tesla, il faut une bonne source de revenus et, celle de la Norvège, c’est la manne pétrolière. Oh, ils font aussi d’autres trucs, les Norvégiens, comme du saumon d’élevage en tranches, mais c’est surtout la piscine d’or noir au bord de laquelle ils habitent qui finance le gros de leur train de vie (soit 20 % du PIB et 35 % des exportations ; un poil plus lorsqu’il y a une guerre avec l’Irak ou la Russie
Relocalisée plus au sud, on l’appellerait émirat.
On ne reprochera certainement pas aux Norvégiens d’être vertueux. Ce serait du vice. Ils ont collectivement du blé, ils s’en servent pour ne pas trop dégueulasser l’endroit où ils habitent, c’est parfaitement respectable. Mais s’ils ont du blé, justement, c’est parce qu’ils vendent du pétrole à ceux qui, volens nolens, continuer de dégueulasser le reste de la planète…
C’est avec nos turpitudes qu’ils financent leur pureté. Avec notre CO2 qu’ils ripolinent leur atmosphère. Il leur faut donc des crasseux pour être propres et des méchants pour qu’ils soient gentils. Mais c’est une situation précaire : que nous suivions enfin leur exemple en nous passant à notre tour du pétrole, et c’est tout leur modèle de vertu qui s’effondre – et avec lui les mensualités pour la Tesla.
Mais bon, il leur restera bien de quoi nous racheter nos diesels d’occasion...