9 janvier 1431: Début du procès de Jeanne d'Arc
« La pucelle ne voulait croire conseil, ainst faisoit tout à son plaisir » : ainsi s’exprimait Regnault de Chartes, chancelier de Charles VII, roi de France, dans sa lettre aux habitants de Reims pour les informer de la capture de Jeanne d’Arc par les Bourguignons, le 23 mai 1430, lors du siège de Compiègne.
Le contexte historique
Le traité de Troyes
En ce début du XVe siècle, la guerre civile sévit dans le royaume de France entre les Bourguignons et les Armagnacs. Philippe le Bon, chef des Bourguignons est maître en Flandres, Bourgogne et Artois. En 1419, les Bourguignons s’allient aux Anglais qui ont envahi la Normandie et profitent des querelles internes.
Par cette clause, Charles VI et Isabeau de Bavière déshéritent leur propre fils, Charles de Ponthieu. Mais les deux rois de France et d’Angleterre meurent la même année, en 1422, laissant cette succession mal résolue. Elle est à l'origine de la reprise de la guerre de Cent ans avec les Anglais qui revendiquent la terre de France, avec le soutien des Bourguignons.
Charles de Ponthieu est cependant reconnu comme dauphin de France par les Armagnacs, ennemis des Bourguignons. Depuis les terres du Centre et de la Loire où il s’est retiré, Charles et ses alliés partent à la reconquête des villes occupées par les Anglais.
La capture
Ville-forteresse remarquable, Compiègne est un point stratégique sur le chemin de Paris. Aussi Jeanne s’y précipite-t-elle dès que lui parvient la nouvelle de l’arrivée des troupes anglaises. Mais Compiègne est un piège.
Le soir du 23 mai 1430, sur les conseils du capitaine de Compiègne, Guillaume de Flavy, Jeanne sort des murs de Compiègne pour une inspection, revêtue de sa lourde armure. Curieusement, dès qu’elle est hors les murs, les cloches de la ville se mettent à sonner à toute volée. À ce signal, les Bourguignons prêts et armés se ruent sur Jeanne et ses compagnons sans que personne ne vienne à leur secours. Rapidement, Jeanne est faite prisonnière et emmenée à Margy.
Les Bourguignons envoient aussitôt des messages portant l’heureuse nouvelle de la capture de Jeanne vers leurs partisans et alliés anglais. Les archives nous livrent aujourd’hui quelques-uns de ces courriers. Ils révèlent l’importance extrême de la prisonnière.
L’emprisonnement
Durant de longs mois, nombre de courriers diplomatiques sont échangés entre, d’une part, Philippe le Bon, chef des Bourguignons qui tient Jeanne, d’autre part, les Anglais et l’Université de Paris, qui la veulent pour la juger. Quant à la cour de France et à Charles VII, il semble qu’ils se soient peu investis pour récupérer leur championne.
Enfermée au château de Beaurevoir, Jeanne essaie de s’échapper plusieurs fois, sans succès. Finalement, elle est vendue aux Anglais par les Bourguignons.
Prisonnière quelques temps au Crotoy, elle est amenée et emprisonnée au château de Rouen où se tient la gouvernance anglaise.
Prise de guerre, Jeanne aurait pu être échangée contre une rançon. Mais derrière Jeanne se trouve une couronne, celle de Charles VII qu’elle a conduit à Reims… Et, pour les Anglais, faire de cette paysanne une sorcière, c’est ternir avantageusement la couronne de France et celui qui la porte.
Les archives nous livrent aujourd’hui une copie du procès, le « manuscrit d’Urfé » et trois copies des procès verbaux.
L'instruction du procès
Juger la sorcellerie au XVe siècle
Jeanne affirme que les révélations qui lui viennent de ses visions ne sont réservées qu’à son roi et qu’elle ne pourra donc répondre aux questions qui les concernent :
« …Mais quant aux révélations qui me viennent de Dieu, je n’en ai onques rien dit ni révélé à personne, sinon à Charles mon roi… »
Jeanne maintiendra jusqu’au bout cette restriction sur sa prestation de serment.
Pendant plusieurs semaines, elle est interrogée sur sa vie avant et après son départ de son village natal de Domrémy. Paysanne sans éducation ni savoirs, Jeanne fait face comme elle le peut à ses juges, sans se recouper, avec assurance, voire audace. Surtout, Jeanne ne veut ni renoncer à ses vêtements d’homme, ni réfuter ses visions.
Aux tribunaux ecclésiastiques de procédure accusatoire et administrés par les évêques, l’Eglise adjoint, au XIIIe siècle, l’inquisition qui donne au juge l'initiative de la poursuite et durcit ainsi le ton contre les hérétiques en augmentation depuis le XIe siècle. De plus en plus marginalisés par les populations et poursuivis par l’Eglise, guérisseurs et sorciers sont eux aussi confiés à l’inquisition.
En 1326, le pape Jean XXII rédige une bulle qui assimile les sorciers à des hérétiques.
À l’époque de Jeanne, les faits de sorcellerie et d’hérésie dont on la soupçonne sont donc liés, ils sont du domaine de compétence du grand inquisiteur de France et de l’évêque du lieu du délit.
Maître Jean Graverent est sollicité dans l’affaire Jeanne d’Arc : grand inquisiteur de France, délégué permanent du Saint-Siège, il est installé à l’Université de Paris. Corporation de juristes et de théologiens célèbres, l’Université de Paris aime à se distinguer de l’Eglise romaine par des prises de position. Elle a pris le parti des Anglais et leur offre le procès d’inquisition en sorcellerie.
Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, juridiction dont dépend Compiègne où Jeanne a été arrêtée, préside le procès devant un tribunal ecclésiastique. Jeanne étant prisonnière à Rouen, il obtient du chapitre de cette ville le droit d’y instruire le procès..
Rédaction des articles et délibération
Douze articles servent de base à la condamnation. Ils ne seront pas transmis à l’accusée. Des ajouts et des manquements seront détectés lors du procès en réhabilitation, quelques années plus tard, en comparant les articles du procès avec les pièces conservées par un greffier.
Dans la délibération du 12 avril (44e séance), basée sur ces articles, les visions de Jeanne sont décrites comme « des fictions d’invention humaine en procédant du malin esprit ». Jeanne est également présentée comme une hérétique et une schismatique, accusée de blasphèmes et de « divinations superstitieuses ». En conclusion, « (…) la prévenue doit être abandonnée au bras séculier pour expier son crime (…) ».
La renonciation de Saint-Ouen
Cette abjuration, destinée à lui faire renier ses visions, se tient le lendemain au cimetière de Saint-Ouen, en plein air. Mais c'est en réalité une simple soumission. Jeanne a probablement simplement accepté de reconnaître l’autorité de l’Eglise et de reprendre les vêtements féminins en échange de sa vie.
En effet, des éléments troublants survenus durant cette journée sont venus jusqu’à nous grâce à des témoignages : des désordres sont relatés après la signature de Jeanne, l’évêque Cauchon est pris à partie et accusé de complaisance par les religieux anglais, la foule crie à la tromperie… De plus, la soi-disant pièce d'abjuration rapportée au procès n’est pas la pièce que maître Guillaume Erard fit signer à Jeanne en public. Grâce à cette mascarade, Jeanne échappe toutefois au bourreau qui était prêt à l’emmener. Elle est reconduite à la prison anglaise.
La condamnation
Le répit est de courte de durée. De retour dans sa prison anglaise, Jeanne s’habille de nouveau en homme. Là aussi, les circonstances de ce revirement sont suspectes. On sait aujourd’hui que les Anglais ont infligé sévices et violences à Jeanne et lui ont ôté et subtilisé ses vêtements féminins. Greffiers et clercs appelés pour constater le revirement vestimentaire sont empêchés de pénétrer dans la prison. Ils sont molestés et menacés par les Anglais.
Pour s’être ainsi de nouveau vêtue, Jeanne est déclarée relapse (retombant dans ses erreurs passées). Le 28 mai, un second jugement lui sera fatal. Interrogée sur ses visions, Jeanne campe sur ses positions habituelles et ne reconnaît pas son abjuration du 24 mai :
« Dit qu’elle n’a point dit ou entend révoquer ses apparicions… »…
« …et que ce qui estoit en la cédule de l’abjuracion, elle ne l’entendait point ».
Jeanne meurt sur le bûcher le 30 mai 1431.
Le frère Ladvenu qui l’accompagna jusqu’au supplice se souvint que « jusqu’à sa dernière heure, comme toujours, Jeanne affirma et maintint que ses voix étaient de Dieu… ».
En 1456, la parole libérée de nombreux témoins éclaira d’un autre jour le procès de Jeanne qui, toute jeune encore, mourut sans avoir renié ni ses visions célestes, ni son roi, Charles VII dit « le bien servi ».
C’est en effet vers la fin de son long règne et après le départ des Anglais que, pour Jeanne, Charles VII demanda un procès en réhabilitation.
En savoir plus
- Jehanne : qui était Jeanne d’Arc ?
- Jeanne d’Arc : procès de condamnation
- Procès de condamnation de Jeanne d’Arc
- "Jehanne nommée d'Arc née et morte sous Y", J.Y. Laurent-Lefèvre, collection Vérité, édition Die
- "Le Procès de Jeanne d'Arc', traduction R.P. Dom H. Leclerc, édition ESR