L’avortement : au-delà du bien et du mal - Par Jean-Philippe Delsol

La France semble avoir retrouvé la concorde politique en votant, à une majorité de plus de 90% des parlementaires réunis ce 4 mars à Versailles, l’inscription de l’IVG dans la Constitution, analyse Jean-Philippe Delsol, avocat et président de l’Iref (Institut de recherches économiques et fiscales). Et pourtant…


À son article 34, la Constitution formule désormais que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». « Fierté française, message universel », s’est félicité Emmanuel Macron. La liberté pourtant n’y trouve pas son compte.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, avait raison de regretter qu’on transforme la Constitution en un catalogue de “droits à”. Ces droits sont toujours des créances données aux uns à la charge des autres. Le “droit à” l’avortement est accompagné d’une dépense mise, à 100 %, à la charge de la Sécurité sociale, c’est à dire de tous les assurés sociaux, quand bien même ils pourraient être en désaccord avec l’IVG.

La loi a déjà donné aux femmes la liberté d’avorter il y a près de cinquante ans. Les partisans de la constitutionnalisation de ce droit veulent le rendre irréversible. Ils ne font que le renforcer sans empêcher qu’un jour la Constitution soit modifiée, car les œuvres des hommes ne sont jamais éternelles.

Mais ils voulaient sans doute et surtout, insidieusement, se donner les moyens de contester demain le droit des praticiens, médecins ou pharmaciens notamment, à exercer leur clause de conscience en refusant de pratiquer l’avortement ou de vendre des médicaments abortifs. Ils voulaient des armes pour condamner ceux qui chercheraient encore à s’opposer à l’avortement ou même simplement qui se permettraient de conseiller de l’éviter à des femmes en questionnement. C’est là que le bât blesse.

La liberté de l’individu n’est pourtant pas dans la seule jouissance de son corps, comme certains l’ont proclamé à cette occasion. L’être humain a cette particularité, que n’ont pas les animaux, de disposer de la raison et de la volonté dans l’usage desquelles ses actes peuvent exprimer leur pleine liberté.

Certes, la liberté peut être spontanée, mais sur les sujets sensibles, difficiles, elle ne s’accomplit que dans l’examen informé et réfléchi de la valeur et des conséquences de son exercice.

Ce qui suppose la possibilité de confronter les avis, de faire jouer son discernement dans une analyse des choix possibles sous tous leurs rapports. Toute démarche tendant à entraver ce nécessaire processus de détermination sur des questions qui ne peuvent pas être tranchées définitivement réduit, voire supprime, la liberté constitutive de notre humanité.

Et la question de l’avortement exige ce débat. L’autorisation d’avorter, prévue d’abord avant dix semaines de grossesse, a été accordée ensuite jusqu’à treize semaines, puis quatorze semaines, ce qui montre qu’on ne peut pas dire avec certitude quand le fœtus devient une personne.

C’est dans cette incertitude que certains estiment encore avoir le droit de refuser l’arbitraire d’une césure dans la vie de l’embryon et soutiennent, non sans raison — leurs raisons —, que la vie est là dès son commencement et que, dès lors, le respect du droit à la vie ne saurait connaître de limites depuis la conception de l’enfant.

Restreindre la discussion sur une si sérieuse affaire, comme d’ailleurs le fait déjà la loi du 20 mars 2017 qui rend délictuel de tenter de persuader une femme qui a le projet d’avorter de ne pas le faire, n’est-il pas contraire à la démocratie et au droit même de la femme de se déterminer en connaissance de cause ?

Un enjeu de civilisation

Tout État de droit traduit quelques règles éthiques communes sans lesquelles il n’y aurait pas de société durable et paisible. Il en est ainsi des préceptes reconnus par l’Ancien Testament, auquel puisent les civilisations méditerranéennes, mais plus généralement par l’histoire des hommes qui en ont façonné leur morale.

Le respect de la vie est l’un des principes essentiels qui nous ont fait sortir de la barbarie. Il y a toujours des cas où l’atteinte à la vie de l’autre peut être justifiée par la guerre juste, par la légitime défense.

Mais quand une civilisation tente de faire bouger les frontières de ces interdictions fondatrices, elle risque de se perdre en méconnaissant les repères du bien et du mal ou en prétendant que c’est à l’État d’en décider, alors qu’il ne peut que leur donner force.

La loi doit veiller à ce que chacun respecte la vie des autres mais elle ne saurait s’ingérer dans la conscience et l’intimité des personnes au moment où elles donnent la vie, pas plus d’ailleurs qu’à celui où se pèse le sort de leur vie à son aboutissement.

Les régimes totalitaires ont d’ailleurs toujours pensé que les catégories du bien et du mal relevaient de mythes coupables. Ils distinguent les méchants (bourgeois, riches, juifs, étrangers…), qu’il faut éliminer, des bons (prolétaires, aryens, citoyens de souche…), qu’il faut ériger en demi-dieux.

Ils croient à un prochain éden qui ne saurait connaître le mal. Sûrs de faire le bien, ils le méprisent. Qui veut construire des cités parfaites génère toujours la terreur. La démocratie libérale, pour sa part, n’ignore pas l’imperfection humaine et accepte les bornes qu’il faut ériger pour contenir ses turpitudes.

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