Malika Sorel-Sutter : «Face à la pression du communautarisme, la loi de 2004 sur les signes religieux n’est plus suffisante»

Si les intentions de la loi de 2004 sur le port de signes religieux à l’école étaient louables, son application a vite été bafouée, et des mesures plus fortes sont aujourd’hui nécessaires pour faire respecter le principe de laïcité, estime Malika Sorel-Sutter, essa yiste, ancienne membre du Haut Conseil à l’intégration.


Dernier ouvrage paru : « Les Dindons de la farce » (Albin Michel, 2022).


La loi de 2004 pouvait-elle, à elle seule, relever le défi de l’inclusion à l’école d’une immigration de masse issue de sociétés qui avaient renoué avec la religion comme principe organisateur ?

Le 6 février 2004, à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Éducation nationale Luc Ferry ne fait nul mystère de la gravité du moment et s’alarme « des effets pervers que peuvent receler des conceptions dogmatiques et refermées sur elles-mêmes des appartenances communautaires, susceptibles d’avoir des conséquences négatives pour la vie de notre idéal républicain, de conduire parfois jusqu’au rejet des autres ». Il s’inquiète des chiffres du ministère de l’Intérieur qui attestent de la montée des actes de racisme et d’antisémitisme liés, pour l’essentiel, à des affrontements communautaires.

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La loi portée par Luc Ferry apporte enfin une protection aux enseignants et chefs d’établissement mais très vite, et assez régulièrement, elle se retrouve testée puis bafouée en toute impunité, envoyant ainsi le signal que l’autorité de l’État et de ses représentants peut être remise en cause, et les règles du vivre-ensemble accommodées. Malheureusement, au nom d’un « pas de vague », du « pas d’amalgame » et, disons-le, d’un cruel manque de courage politique, y compris au niveau local, lié notamment à la rapide évolution de la démographie électorale, la loi de 2004 n’a pas été aussi défendue qu’elle l’eût exigé.

«Belle et forte idée de neutralité religieuse»

Cette loi s’imposait, car depuis l’affaire dite des foulards de Creil (1989), les tentatives d’introduire le voile dans le cadre scolaire étaient récurrentes. C’est pourquoi, dès septembre 1999, Ségolène Royal alors ministre déléguée chargée de l’Enseignement scolaire, avait adressé une circulaire au personnel administratif de l’ensemble des académies pour leur rappeler que les accompagnateurs des sorties scolaires sont assimilés aux membres de l’enseignement public, et que le principe de laïcité doit donc être respecté.

Pourquoi toutes ces tentatives d’imposer le voile ? Parce que le statut de la femme sculpte l’identité d’un peuple, et par conséquent le projet de société qu’il porte. Le voilement n’est pas anodin. Pour l’islamologue Abdelwahab Meddeb, « la prescription qui impose le voile aux femmes émane de la société en laquelle est né l’islam il y a quinze siècles, une société patriarcale et endogame, phallocratique, misogyne, construite sur la séparation des sexes, sur une hiérarchie des genres » et « le hidjab est rien qu’en lui-même une atteinte au principe de l’égalité et de la dignité partagées entre les sexes ». Comment alors expliquer les décisions du Conseil d’État en la matière, ou encore l’attitude de certaines femmes qui osent se réclamer du féminisme ?

En 2011, le Haut Conseil à l’intégration dresse le constat d’une école sous pression communautariste, où la religion s’invite, où la contestation peut aller jusqu’au rejet de la langue française. Les tensions qui s’exacerbent dans l’enseignement supérieur l’amènent à recommander d’y étendre la loi de 2004, dans le but de pacifier les relations interétudiants et étudiants-professeurs. Cela lui vaudra d’être dissous par le président Hollande, qui opte pour la stratégie de l’autruche ; ce même président qui parlera plus tard de « partition ».

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Ce n’est pas la France qui a inventé cette belle et forte idée de neutralité religieuse qui se révèle si précieuse pour assurer une bonne convivance. Le philosophe anglais John Locke l’érige, dès 1686, en principe de gouvernement des hommes. Locke combat la possibilité d’une identification au travers de signes religieux. Il estime « dangereux qu’un grand nombre d’hommes manifestent ainsi leur singularité » car « il peut s’agir d’un signe de ralliement susceptible de donner aux hommes l’occasion de se compter, de connaître leurs forces, de s’encourager les uns les autres et de s’unir promptement en toutes circonstances ». En toute sagesse, il tire les leçons de décennies de guerre de Religion dont l’Europe émerge à peine.

«Garantir les conditions de transmission des savoirs»

Contrairement à ce qui est propagé, la responsabilité de la situation n’est pas imputable aux seuls Frères musulmans et salafistes. Le problème est plus profond et résulte de causes multiples, notamment la pusillanimité de l’État à défendre la République, et le fait que l’islam est « la religion qui a le plus complètement confondu et entremêlé les deux puissances, le politique et le religieux » (Tocqueville). C’est à l’intérieur des familles que, souvent, les difficultés d’articulation avec le projet de l’école prennent racine.

L’intégration culturelle nécessitait de créer les conditions d’une émancipation apte à faire éclore le libre arbitre et la liberté de pensée. Pour ce faire, il convenait de restreindre les flux migratoires d’une même origine culturelle, et de renoncer à délivrer la nationalité en cas de doute quant à l’assimilation, pour éviter de nourrir un sentiment d’impunité. Persister à vouloir organiser une communauté autour d’un culte est par ailleurs une erreur politique lourde de conséquences. La loi de 2004 était donc nécessaire, indispensable, mais pas suffisante.

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Garantir les conditions de transmission des savoirs exige une union sacrée autour de la laïcité, principe républicain pilier de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Il existe en effet un continuum entre le rejet de la laïcité, puis de certains enseignements et pour finir, les pressions exercées sur les enseignants dont la moitié s’autocensurent par peur de leurs élèves, ce que l’on peut comprendre au regard des 100.000 qui, chaque année, sont victimes de menaces, voire d’agressions (rapport du Sénat, mars 2024).

Il serait vain de se voiler la face ; le redressement sera ardu. Pour préserver la concorde civile, nous n’avons d’autre choix que de réussir. Comme l’exprime Charles de Gaulle en 1920 devant de jeunes officiers, un coup de chance et d’audace peut détourner le cours des événements. Il y a des heures où la volonté de quelques hommes brise le déterminisme et ouvre de nouvelles voies.

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