Mathieu Bock-Côté: «Vers la surveillance des conversations privées»

L’abolition de la distinction entre le public et le privé n’est-elle pas la marque distinctive du totalitarisme, qui met toujours en place non seulement une police de la pensée mais aussi une police des arrière-pensées ?


La proposition de loi votée en première lecture par l’Assemblée nationale « visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste, antisémite ou discriminatoire » peut surprendre, dans la mesure où elle projette d’étendre la pénalisation de ce qu’on appelle communément les discours haineux dans le domaine privé. Son promoteur semble surpris qu’on puisse s’y opposer : il soutient que cette proposition de loi n’innove en rien, ne change en rien la caractérisation des délits, et actualise seulement un dispositif répressif nécessaire, dans un contexte marqué par la renaissance de l’antisémitisme, suite au 7 octobre.

Mais la référence au 7 octobre semble surtout servir de prétexte. Car le véritable contexte est autre. Depuis plusieurs années, plusieurs sociétés occidentales ont voulu mettre en place un appareil juridique pour traquer les propos haineux dans le domaine privé. La lutte contre la haine justifie tout, et des lois sont élaborées pour persécuter ceux qui s’en rendraient coupables. L’Écosse comme l’Irlande ont montré jusqu’où cette volonté pouvait conduire. Mais l’abolition de la distinction entre le public et le privé n’est-elle pas la marque distinctive du totalitarisme, qui met toujours en place non seulement une police de la pensée mais aussi une police des arrière-pensées ?

Surveiller et sanctionner les propos haineux

On nous répond alors que la proposition de loi ne vise pas les propos strictement privés - en gros, ceux qui sont tenus dans la chambre à coucher - mais les propos tenus dans le domaine « non public ». Cette distinction jésuitique, ou orwellienne, devrait-on dire, est censée nous rassurer. On y verra surtout une manière comme une autre d’étendre la société de surveillance à des domaines de l’existence qui, autrefois, étaient sanctuarisés. Elle donne ainsi aux pouvoirs publics de s’immiscer dans les boucles WhatsApp, dans les groupes Facebook privés, pour pénaliser d’éventuels propos jugés litigieux.


Elle permet aussi de surveiller et de sanctionner les propos haineux qui se tiennent, par exemple, sur un lieu de travail. Le principal promoteur de la PPL a ainsi expliqué qu’on pourrait sanctionner un homme qui dirait à un autre « sale juif ». Certes. Mais c’est ici qu’on bute sur la question de la définition des propos haineux. Car le domaine de ces derniers n’a cessé de s’étendre depuis quelques années. Sera-t-il possible, ainsi, de pénaliser celui qui, dans une conversation à la machine à café, oserait affirmer qu’il y a en France un « grand remplacement », quand on sait que cette formule est systématiquement associée par la presse de gauche à une théorie conspirationniste et raciste ? Il ne s’agit pas ici de reprendre cette formule à notre compte mais de savoir quel sort sera réservé à celui qui le ferait.

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Quel sort réservera-t-on à celui qui, contestant la valeur de la théorie du genre, refusera de croire qu’un homme puisse devenir une femme et osera blaguer à ce sujet ? Faudra-t-il sanctionner celui qui se permettra quelques observations sur les liens entre l’insécurité et l’immigration ? Ou le farceur, plus ou moins maladroit, qui, au second degré, se moquera de tel ou tel article du dogme diversitaire ? On nous répondra peut-être qu’il appartiendra aux tribunaux d’en juger - ce qui ne devrait rassurer personne, quand on voit le bilan de ces derniers. C’est un effet d’engrenage qui s’enclenche. Et quoi qu’on en dise, tôt ou tard, les dîners tomberont aussi sous le coup de la loi. La vie privée sera placée sous surveillance étatique.

Que faire de ceux qui se seront tus, et n'auront pas dénoncé ?

Surtout, la pénalisation des propos dans le domaine « non public » s’accompagne par définition d’un appel à la délation généralisé, chacun devant surveiller son prochain pour s’assurer qu’il ne dérape pas, qu’il ne sort pas du cadre de la loi, qu’il ne tient pas des propos que l’ordre idéologico-juridique de notre temps prescrit. Et que faire de ceux qui se seront tus, et n’auront pas dénoncé ? Seront-ils considérés comme complices de l’odieux propos ? On devrait pourtant savoir que la transformation du délateur zélé en citoyen exemplaire vient avilir l’esprit civique d’un peuple et semer une méfiance globale qui détruit le lien politique et fait régner partout le soupçon.

Ajoutons que la définition de la haine ne cessant de s’étendre, on ne sait jamais à quel moment tel propos hier anodin sera d’un coup jugé litigieux. Les lois qui sanctionnent le délit d’opinion favorisent à la fois l’autocensure et le règne de l’arbitraire, et marquent au fer rouge le déviant idéologique qu’il faudra un jour priver de ses droits civiques. Le délit d’opinion n’est-il pas que la forme sécularisée du délit de blasphème d’autrefois ? J’ai cru comprendre que le simple fait de remettre en question une telle loi suffisait à étiqueter un homme à « l’extrême droite ». Étrange société qui est parvenue à se convaincre que la défense de la société libérale est le masque du fascisme.

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#JeSoutiensNosForcesDeLOrdre par le Collectif Les Citoyens Avec La Police