19 octobre 1789 : Fondation du Club des Jacobins


« C’est ici que s’est préparée la Révolution, c’est ici qu’elle s’est faite, c’est ici que se sont préparés tous les grands événements. »
Georges (Aristide) Couthon – 1793 (guillotiné le 28 juillet 1794)

Le 30 avril 1789, les députés bretons aux états généraux — notamment Isaak Le Chapelier (guillotiné le 22/4/1794), Jean-Denis Lanjuinais et Jacques-Marie Glezen, avocats au barreau de Rennes — fondent, à Versailles le Club breton, bientôt ouvert à d’autres députés patriotes. L’action du Club breton se limite à discuter des affaires en cours avant les débats à l’Assemblée. Il se caractérise concrètement dans l’homogénéité des votes que vont émettre les députés du Tiers qui cessent par son entremise d’être une cohue pour devenir un parti.

Après les journées des 5 et 6 octobre et le transfert de l'Assemblée constituante à Paris, à la suite du roi, ce club se reconstitue sous le nom de « Société des amis de la Constitution » et s’installe au couvent des Jacobins, nom qui va faire sa célébrité. Commence alors véritablement l’histoire du Club.

« Il y a eu le jacobinisme primitif, parlementaire et nobiliaire, de Duport, Barnave et Lameth, celui qui tua Mirabeau. Il y a eu le jacobinisme des journalistes républicains, orléanistes, Brissot, Laclos, etc., où Robespierre domina. Enfin… le jacobinisme de 1793, celui de Couthon, Saint-Just, Dumas, etc., lequel doit user Robespierre, s’user avec lui. »
Jules Michelet – Furet et Ozouf 1988, p. 751.

Certains historiens comme Claude Mazauric refusent cette périodisation car elle correspond trop aux trois Assemblées successives (Constituante, Législative et Convention). Ce qui est important, c’est de voir l’évolution de la Société dans le temps et comment elle en est venue à diriger politiquement le pays. Pour simplifier, j’utiliserai toute de même la périodisation chronologique.

Le Club sous la Constituante (automne 1789 – automne 1791)

De 200 adhérents à sa création à plus d’un millier en décembre 1789, le recrutement ne se limite plus aux seuls députés. Une cotisation (24 livres) et la nécessité d’être présenté par cinq parrains confèrent à la société un caractère fermé. La Société regroupe des députés de tendances diverses. Son premier président est le député breton Isaac Le Chapelier. On y trouve aussi ce qui va former le triumvirat, Antoine Barnave (guillotiné le 23 novembre 1793), Adrien Duport, les frères Lameth (dont Alexandre le triumvir), des députés de la gauche comme Maximilien de Robespierre (guillotiné le 28/7/1794) à Mirabeau, de La Fayette à Jérôme Pétion de Villeneuve (mort le 18/6/1794 par suicide). Le recrutement se fait essentiellement dans l’élite du tiers état : négociants, magistrats, officiers, médecins, rentiers.

Le club ouvre en province des sociétés filiales à qui il donne une investiture. Près de 150 filiales fin 1790, assez nombreuses déjà pour constituer un réseau national doté, dès octobre 1790, d’un Journal des Sociétés des amis de la constitution, fondé par Choderlos de Laclos. Un comité de correspondance, le plus important du club, contrôlé par Barnave et ses amis veille aux relations entre la société-mère et les filiales.

Au moins jusqu’en décembre 1790, Mirabeau exerce l’influence principale du club à Paris.

Le 2 mars 1791, Lameth l’accuse de collusion avec les « aristocrates ». Dès lors, c’est le triumvirat qui domine aux jacobins (Duport, Barnave et Lameth). Mais la fuite du roi en juin 1791 et son retour change la donne. Les décrets qui déclarent l’inviolabilité du roi et le rétablissent dans ses fonctions provoquent une scission. Le 16 juillet 1791, la veille de la fusillade du Champ-de-Mars, Barnave entraîne la majorité modérée (dont la quasi-totalité des députés) à créer le Club des Feuillants. Aux jacobins, seuls restent une dizaine de députés dont Robespierre, Pétion, Pierre-Louis comte de Roederer, François Buzot (mort le 18/6/1794 par suicide), Henri Jean-Baptiste dit l’abbé Grégoire et quelques autres. Mais la scission provoquée par Barnave va se révéler un échec politique, aussi bien à Paris qu’en province (à l’automne 1791, on dénombre 442 sociétés jacobines contre 60 feuillantes et 110 hésitantes).

En juin et en septembre 1791, la société procède à un certain nombre d'exclusions liées à l'introduction de la question coloniale dans la vie politique française. Barnave se montre hostile à ce qu’on accorde le droit de citoyen aux « gens de couleurs » dans les colonies françaises, suivant le Club Massiac dont font partie les Lameth. Ainsi, au cours de débats à l'assemblée constituante, Barnave s'exclama : « le nègre ne peut croire qu'il est l'égal du blanc ». Les 10 et 12 juin sur demande de Georges Jacques Danton (guillotiné le 5/4/1794), plusieurs députés des colonies sont suspendus (Louis-Mather marquis de Gouy d'Arcy, guillotiné le 23/7/1794 ; Méderic Louis Elie Moreau de Saint-Mery, Jean-Baptiste Gérard, Joseph Curt) pour avoir violé le serment du jeu de paume en boycottant l'Assemblée nationale depuis le vote du décret du 15 mai 1791 qui accordait l'égalité politique à une partie des hommes de couleur libres. Après Varennes (21 et 22 juin 1791), ils adhèreront au club des Feuillants. Le 25 septembre c’est au tour de Barnave, Alexandre et Charles Lameth, Guillaume François Charles Goupil de Prefeln et Adrien Duport d’être purement simplement radié, car la veille ils avaient fait révoquer ce même décret que l'abbé Grégoire avait appelé dans un discours au club à maintenir.

Malgré cette victoire, les jacobins n’obtiennent qu’un succès relatif aux élections de septembre 1791 à la législative : leurs candidats sont battus à Paris – même si c'est un jacobin, le plus proche ami de Robespierre, Jérôme Pétion, qui est élu maire de Paris (en novembre 1791) à la place de Jean Sylvain Bailly (guillotiné le 12/11/1793) et contre le feuillant Lafayette. Ils connaissent en province un sort meilleur. Dans la nouvelle Assemblée, 136 députés s’inscrivent aux jacobins, 260 aux Feuillants. Les autres, plus de 300, refusent de choisir entre les factions. Mais le club a changé de rôle. Grégoire et Roederer reformulent les principes d’organisation et la doctrine. Le club devient une machine politique au service d’une deuxième révolution.

Le Club sous la Législative (automne 1791 – automne 1792)

C’est une nouveau club jacobin dans une nouvelle assemblée qui apparait à l’automne 1791. L’Assemblée législative est composée d’hommes nouveaux, un décret, voté sur proposition de Robespierre, ayant interdit aux Constituants de siéger dans la nouvelle assemblée. Les grands débats politiques ont lieu maintenant aussi bien au Club des jacobins qu’à l’Assemblée. Les Jacobins deviennent dès lors les gardiens de l’esprit révolutionnaire.

Le 28 septembre, dans un discours Brissot cite parmi les tâches qui incombent au club de « soumettre la conduite des fonctionnaires publics à la censure rigoureuse du tribunal de l’opinion publique », et surtout « dénoncer les mauvaises lois et rechercher les moyens d’obtenir leur révocation ».

L’admission du public aux séances, le 12 octobre 1791, soumet dorénavant le club à la pression des activistes parisiens dans les tribunes. Néanmoins, le comité de correspondance conserve son rôle stratégique et regroupe les chefs de file en vue : Pétion, Brissot, Buzot, Robespierre, Pierre-François comte de Réal, Jean-Louis Carra (guillotiné le 31/10/1793), François-Louis Bourdon dit Bourdon de l’Oise, Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, Jean-Marie Collot dit Collot d’Herbois, Camille Desmoulins (guillotiné le 5/4/1794), Etienne Clavière (8 décembre 1793 par suicide).

L’hiver 1791 – 1792 est marqué au Club des jacobins par le débat sur la guerre et un duel entre Brissot et Robespierre. Brissot (chef de file du parti brissotin, bientôt les girondins) se montre comme l’un des plus acharnés à défendre la déclaration de guerre aux puissances de l’Europe : « Le moment est venu d’une nouvelle croisade : c’est une croisade de liberté universelle. » Robespierre craint une dictature militaire et dénonce l’idéalisme de Brissot : « La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à main armée chez un peuple étranger pour lui faire adopter ses lois et sa Constitution. Personne n’aime les missionnaires armés. » Mais Robespierre n’arrive pas à convaincre. La guerre est déclarée à l’Autriche le 20 avril 1792. La constitution d’un ministère girondin par le roi au printemps 1792, rendra Brissot et ses amis vulnérables aux attaques de Robespierre.

L’annonce des premières défaites permet à Robespierre de reprendre l’avantage dès juillet 1792. Dans un important discours, le 29 juillet, Robespierre orchestre les mots d’ordre spontanés des fédérés (20 000 gardes nationaux de province appelés à Paris pour assister à la fête de la Fédération) et des sections parisiennes : déchéance du roi et élection d’une Convention nationale élue au suffrage universel.

La journée du 10 août 1792 (chute de la monarchie) bénéficie principalement aux jacobins et inaugure la période jacobine de la Révolution française.

Le Club sous la Convention (automne 1792 – automne 1794)

Le club change de nom et devient la « Société des amis de la Liberté et de l’Égalité ». Le club devient plus un club de militants qu’un club de députés. 
« Cette troisième légion convoquée en quelque sorte au nom de l’égalité différait beaucoup des deux autres. D'abord elle était plus jeune. Puis la grande majorité se composait d’hommes de conditions peu lettrées comme le menuisier Maurice Duplay, etc. Ces braves gens très passionnés étaient généralement honnêtes et désintéressés. Profondément fanatiques du salut de la patrie, s’avouant leur ignorance, ils ne cherchaient qu’un directeur, il leur fallait un honnête homme, bien sûr et bien solide qui voulût pour eux, ils remettaient leur conscience dans la main de Robespierre. Ils étaient, si je ne me trompe, plus naïfs et plus violents, moins fins et moins pénétrants que le peuple d'aujourd'hui. Le fanatisme sincère, si peu éclairé des uns, la violence vraie ou simulée des autres, la concurrence de fureur qui était entre eux, chacun voulant primer l’autre en colère patriotique, rendaient la société (toute disciplinée qu’elle semblait) très difficile à manier. Elle sortait souvent de la mesure que comportait le moment. » (Michelet).

Le club est le siège du conflit entre montagnards (129 députés) et girondins (38 députés) qui disposent de la majorité à la Convention grâce à l’appui de la Plaine (38 députés). Dès septembre 1792, le club est sous la domination de Robespierre. Brissot est exclu des jacobins en octobre comme comploteur et ennemi du peuple.

Les girondins sont mis en état d’arrestation, sous l’impulsion des montagnards, lors des journées du 31 mai et 2 juin 1793 : « Il faut que tous les bons citoyens se réunissent dans leurs sections, qu’ils y dirigent l’opinion publique d’une manière plus utile qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent, et qu’ils viennent à la barre de la Convention nous forcer de mettre en état d’arrestation les députés infidèles. » (Augustin de Robespierre, frère de Maximilien – mai 1793 ; guillotiné le 28/7/1794). Le 26, au club, Maximilien Robespierre invite « le peuple à se mettre en insurrection contre les députés corrompus ». Le 2 juin, une foule de 80 000 hommes armés investit la Convention, qui doit se résigner à décréter l’arrestation de tous les chefs girondins.

Les jacobins, gardiens de l’orthodoxie révolutionnaire, vont multiplier l’élimination des factions (hébertistes, dantonistes). Car selon Robespierre « la société a beaucoup d’ennemis dans son sein qui sont intéressés à écarter de ce comité les membres dont ils redoutent la sévérité ».

Dans chaque commune il faut, dit une instruction du Comité de salut public, « une société qui réchauffe l’esprit public, protège le peuple et surveille ceux qui pourront lui nuire », afin d’encourager les enrôlements et soutenir l’effort de guerre, traquer les suspects, surveiller l’exécution des lois, imposer le nouveau calendrier révolutionnaire, etc.

Mais le Comité de salut public s’est divisé. Robespierre passe plus de temps au Club qu’au Comité. Collot d’Herbois, Billaud-Varenne, Carnot se sentent menacés et prennent contact avec d’autres groupes, notamment le Comité de sûreté générale qui n’accepte pas de voir rogner ses prérogatives en matière de police et les députés de la Plaine qui subissent le régime de la Terreur.

Le 8 thermidor, Robespierre prend la parole à la Convention pour réclamer le châtiment des traîtres (sans les nommer) et l’épuration des comités. L’Assemblée décide d’envoyer le discourt à l’examen. Au Club, le soir de la même journée, il relie, sous les acclamations des Jacobins, son discours. Collot et Billaud veulent répondre. Sous les huées et les cris : « À la guillotine ! » Ils sont chassés de la salle.

Le lendemain, 9 thermidor, à la Convention, au terme d’un débat dramatique, Robespierre est décrété d’arrestation. L’insurrection lancée par la Commune et les jacobins échoue et il est guillotiné avec ses partisans le 10 thermidor.

Le club est fermé, puis épuré des éléments supposés robespierristes, il rouvre ses portes peu après. La Convention ferme la salle de réunion le 12 novembre 1794. Elle sera détruite six mois plus tard.

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