Poids des normes : nous sommes tous des agriculteurs ! - Par Jean-Philippe Delsol

Le président de l’Institut de recherches économiques et fiscales, Jean-Philippe Delsol, s’insurge contre l’inflation normative qui frappe aussi bien les agriculteurs que l’ensemble des professionnels du pays.


Nous souffrons tous de l’excès de normes et de contraintes administratives, qu’elles soient environnementales, fiscales ou sociales. Nous sommes tous soumis à l’exigence sans fin des innombrables administrations qui nous submergent d’injonctions variées et changeantes pour faire ou ne pas faire, remplir des formulaires, satisfaire à des instructions, respecter des normes, des dates d’exercice, des déclarations, payer des droits ou des taxes, contrôler les uns et nous plier au contrôle des autres, suivre des formations, obtenir des qualifications…

Les artisans et les commerçants, les associations et les entreprises, les employeurs et les employés, les collectivités locales et leurs administrations elles-mêmes, nous sommes tous astreints à des procédures, à remplir des dossiers, à justifier de nos dépenses autant que de nos actes…

Tous dépendants

C’est même plus grave en ce sens que peu à peu les sbires de l’Etat, élus ou bureaucrates, en même temps qu’ils entravaient et renchérissaient nos activités professionnelles ou personnelles ont multiplié les subventions, les petites aides, les abattements fiscaux ou sociaux, les remises, les décotes accordés aux uns et aux autres en fonction de leur respect des obligations auxquelles ils nous soumettaient. Ils nous assujettissent ainsi doublement dans l’accomplissement servile de leurs injonctions et dans la dépendance de leurs prébendes.

Certes, l’agriculture est peut-être la profession la plus menacée par cette tenaille administrative qui enserre les professionnels et les transforment en exécutants de Big Brother pour bénéficier de la manne de la PAC et autres accessoires. Mais nous sommes tous des agriculteurs à ce titre. Après que les médecins se sont réjouis que leurs honoraires soient pris en charge par l’Etat, celui-ci a voulu réduire drastiquement leur nombre par un numérus clausus insensé avant de les appauvrir en limitant misérablement le prix de leurs consultations. En compensation, il leur offre aujourd’hui des forfaits complémentaires de rémunération s’ils se soumettent aux strictes exigences de la Sécu dans leurs prescriptions et leurs pratiques. Les avocats se prostituent en acceptant des commises ridiculement payées pour défendre des justiciables qui ne manquent pas d’abuser du système. Les syndicats patronaux en sont réduits à mendier des réductions de charges sociales. Les Universités et écoles privées font profil bas pour conserver le droit de délivrer leurs diplômes par délégation de l’Etat qui s’en est arrogé le monopole. Les propriétaires doivent rénover leurs logements mais ils recevront des aides s’ils satisfont aux normes requises. Contraints par la puissance étatique, tous s’abaissent devant leur maître.

Dans cet abaissement, se perd la vitalité d’un peuple, sa force d’innover, sa capacité d’entreprendre, d’oser, de créer, d’embaucher, de s’aventurer à l’étranger, de proposer de nouveaux produits et services. Même si comparaison n’est pas toujours raison, ce n’est pas un hasard si la France a, selon la Banque mondiale, un PIB par habitant (en $ PPP internationaux 2011) de 45 904 en 2022, soit 36% de plus qu’en 1990 quand les Etats-Unis en ont un de 64 623 en 2022, soit 60% de plus qu’en 1990. Le même PIB suisse par habitant était de 72 278 en 2022. Corrélativement, les prélèvements obligatoires représentaient en 2022, 46,08% du PIB en France, 27,66% aux Etats-Unis et 27,23% en Suisse. La même année, les dépenses publiques étaient en France de 15 points de PIB de plus qu’aux Etats Unis et de 25 points de PIB de plus qu’en Suisse. Les dépenses publiques françaises asphyxient les Français, agriculteurs ou non, et annihilent leurs comportements.

Remettre l’Europe à l’endroit

Mais désormais, la France ne décide même plus de ses réglementations : elle s’est abandonnée à l’Europe par les traités de Maastricht et Lisbonne. La première partie, titre I, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), signé en 2007 à Lisbonne et entré en vigueur en 2009, classe les compétences de l’Union en trois catégories (exclusives, partagées et compétences d’appui) qui recouvrent pratiquement tous les domaines de l’action publique. Dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’Union, le principe de subsidiarité devrait pouvoir être opposé à l’Union par les Etats membres. Mais alors que la subsidiarité veut que s’exerce en bas tout le possible et en haut seulement tout le nécessaire, l’Europe fait fonctionner la subsidiarité à l’envers, du haut vers le bas ! Selon les traités, c’est l’UE qui décide seule, sauf opposition qualifiée des parlements nationaux (ce qui n’est arrivé que trois fois), si les objectifs d’une action ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres, et peuvent mieux l’être au niveau de l’Union « en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée ». En fonction de quoi, l’Europe peut s’occuper de tout et n’importe quoi. Elle régit les coulis de tomates et les métaux rares, l’énergie et l’alimentation, les données numériques et les congés parentaux, les produits chimiques et l’assolement des sols… Elle sature tous ces domaines de normes au prétexte des transitions écologique et énergétique et d’une harmonisation qui prend les couleurs grises de l’uniformisation et des kolkhozes soviétiques.

Les technocrates bruxellois dogmatiques prétendent connaître mieux que nous nos besoins et nos envies. Leur seul but, leur vocation est de faire grandir leur empire, sans se rendre compte qu’ils nourrissent surtout l’hydre qui les dévorera en même temps que nous. Ils multiplient les directives et les règlements pour justifier de leur fonction et tenter d’en conserver les petits comme les grands avantages. Pour exister, élus et fonctionnaires français n’ont trouvé que le moyen, stupide, de sur-transposer les normes européennes. Tous adorent augmenter les charges sociales, fiscales et réglementaires dont ils s’exonèrent. Ils veulent régenter et soumettre leurs peuples. Pour les autres, ils ont la passion de l’égalité et nous promettent, à la façon d’Orwell, des mondes meilleurs qui déjà ont l’odeur de l’enfer.

Pour que les Français retrouvent la maîtrise de leur vie comme dit le souhaiter M Attal, il ne suffira ni d’un discours à l’Assemblée nationale ni de cesser de sur-transposer. Il faudra aussi remettre à l’endroit l’Europe qui nous dévore. A défaut les agriculteurs n’obtiendront que des rafistolages financiers pour les maintenir en mode survie sans traiter leurs maux. Et parce que, à cet égard, nous sommes tous comme des agriculteurs, nous devrions tous résister avec eux aux sirènes empoisonnées d’un gouvernement qui restera impuissant tant qu’il n’opposera pas à Bruxelles une volonté ferme et sans faille de revenir à grand pas à une Europe limitée et vraiment subsidiaire selon les principes qui ont présidé à sa constitution. Mais Macron saura-t-il être un Dagobert ?

https://pourunenouvellerepubliquefrancaise.blogspot.com/https://grandeschroniquesdefrance.blogspot.com/https://parolesdevangiles.blogspot.com/https://raymondaronaujourdhui.blogspot.com/

#JeSoutiensNosForcesDeLOrdre par le Collectif Les Citoyens Avec La Police